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prennent fimplement un grand pot de terre dans lequel ils battent le beurre avec leur main.

Subftance du Lait, & comment le gouverner.

Nous ne dirons rien icide la maniere que fe forme le lait dans les mam

melles des animaux, fi le chyle, comme le veulent quelques Medecins modernes, en eft la matiere prochaine ou non. Cette differtation ne contribuë en rien à nôtre ouvrage ; nous nous contenterons de parler des parties dont il eft compofé..

Le lait eft compofé de trois fortes de fubftances, d'une butyreuse, d'une caféeufe & d'une fereufe. Tant que le lait eft dans fon état naturel ces trois parties font tellement unies enfemble, qu'on ne les diftingue point, mais pour peu qu'il ait reçû d'alteration par le moyen du repos, & de fes corpufcules qui s'agitent, la crême, le caillé & le petit lait, tout cela se diftingue l'un d'avec l'autre.

Quand on se dispose à traire une Vache, on prend un chaudron ou un pot de terre bien lavé; on met de l'eau dedans ; & avant que de tirer le lait, on lave les tetins de la Vache qui peuvent être tout vilains de fiente, pour s'être couchée fur la litiere. Lorfque les tétins font bien nets on jette l'eau dans l'étable, & l'on fe met après en devoir de traire la Vache, il n'eft point de fille de Village qui ne s'en acquite très-bien pour le peu d'habitude qu'elle y ait. Le lait tiré, & tandis qu'il eft encore tout chaud, on le coule à travers la couloire dans les terrines qui lui font destinées.

Il fuffit pour écrêmer le lait, qu'il repofe vingt-quatre heures pendant les faifons du Printemps & de l'Automne, en quelque endroit qu'il puisse être placé; car alors la temperature de l'air ne peut lui préjudicier en aucune maniere, il lui faut bien autant de temps en Eté quand il eft placé dans un endroit frais; car s'il étoit trop expofé à la chaleur il se gâteroit, & fe tourneroit incontinent. Le froid le rend sujet à un inconvenient aussi fâcheux, s'il n'en eft garanti,

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Le lait donc étant repofé fuffifamment, on en leve bien proprement crême qui s'eft formée dans chaque terrine ou pot; on la met toute dans un autre vaiffeau de même matiere, puis on ramaffe tout le lait crêmé, & on le met tout dans un grand pot pour le preparer à en faire des fromages,

Le veritable ménage veut, en fait de lait, qu'on tire toûjours à la crême le plus qu'il eft poffible, foit pour en faire du beurre, ou pour la manger en nature, felon les lieux qu'on habite, & où l'un ou l'autre fe vend le mieux. Il eft vrai qu'il y a des laits bien plus fubftantiels les uns que les autres, & qui par confequent rendent plus de crême.

lait.

On aime pour cela qu'un lait foit bien blanc, qu'il ait l'odeur agréable, Marquesdu la faveur douce, & qu'il foit d'une fubftance mediocrement épaiffe, de bon & du forte qu'en ayant une goûte inftillée fur l'ongle, elle y refte, de quel mauvais côté qu'on le panche, & ne diminuë en rien de fa rondeur, au contraire on n'eftime point le lait dont la couleur eft comme azurée, & qui n'a point de corps, il faut fe défaire des Vaches qui le donnent ainû, à moins A a iij

qu'on ne foit dans des endroits où le débit s'en fait en nature, & où on ne tire qu'à l'abondance fans fe mettre en peine du relief plus ou moins bon.

Si l'on n'a pas beaucoup de Vaches, & qu'une traite ne fuffife pas étant mife en un pot pour en tirer beaucoup de crême, on en mettra trois ou quatre enfemble, principalement en Hyver où les fourages ne permettent pas que les Vaches abondent beaucoup en lait ; cette liqueur ne rend pas auffi tant de crême en cette faifon que dans les autres, à caufe qu'il s'y diffipe inutilement beaucoup de corpufcules butyreuses faute d'un mouvement affez grand pour les feparer des autres parties qui composent le lait, & qui les confondent parmi elles.

Pour venir au lait destiné pour faire les fromages, & qui eft proprement ce qu'on appelle la matiere caséeufe, après qu'elle eft toute ramaffée, comme on a dit, on fonge à la faire cailler; nous traiterons de cela dans la fuite, après que nous aurons parlé de la maniere de faire du beurre.

Ce que c'est que le Beurre, & la maniere de le faire.

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E Beurre n'eft autre chofe que la crême du lait, ou la partie la plus graffe & la plus huileuse que l'on a feparée du serum, à force de battre le lait. Plus le lait contient de parties huileufes & graffes, plus il fournit de beurre. Ce qu'on appelle ferum, eft le lait qui refte après que le beurre est battu, & qu'en des endroits on appelle Battis.

Lorfqu'on veut faire le beurre, on met toute la crême qu'on a ramaffée dans la barate & avec le bâton fait exprès, on bat cette matiere jufqu'à ce que toutes les parties butyreuses fe foient accrochées l'une l'autre dans leur mouvement, & ayent formé enfemble une maffe épaiffe qui eft le beurre.

Il y a des beurres qui fe font bien plûtôt les uns que les autres, & qui proviennent du plus ou du moins des parties huileufes, dont la crême eft compofée, & l'on en voit même quelquefois qui mettent à bout la patience des femmes qui le battent (il eft vrai qu'il ne faut fouvent qu'une vetile pour impatienter ce fexe,) mais enfin l'homme le plus patient qu'il y ait, murmureroit contre le beurre quelquefois auffi; cette lenteur provient du trop grand froid ou de trop de chaleur; dans ce premier cas on s'approche du feu avec la barate, de maniere qu'elle puiffe être un peu échauffée, & donner par-là du mouvement aux parties qui doivent concourir à former le beurre, ne pouvant autrement produire l'effet qu'on en attend, qu'après bien du temps qu'on a mis à battre la crême.

Si c'eft la trop grande chaleur en Eté qui caufe ce dérangement, on verfe de l'eau fraîche dans une chaudiere ou autre vaiffeau, on y met la barate, & on bat le beurre; les parties butyreufes pour lors qui ne trouvent aucun obftacle dans leur mouvement, s'affemblent toutes, & font un corps tel qu'on le voit quand le beurre eft fait.

Quelquefois aufli l'efpace ennuyeux du temps que met le beurre à fe former provient du peu de parties butyreufes qu'il ya dans la crême, & qui dans leur agitation s'émouffent & fe confondent la plupart dans le ferum, de forte que ne pouvant s'accrocher l'une l'autre que très-difficilement,

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il faut de neceflité que le beurre foit long-temps à fe faire: ce défaut de fubftance vient du lait qui n'eft point bon, & de la fource duquel on doit fe défaire.

Rien à la verité n'impatiente plus que du beurre qui eft fi long-temps à fe faire, & il ne faut pas s'étonner fi pour lors bien des femmes ont recours à des talifmans, comme de jetter dans la barate une bague d'or ou autre piece de ce métail, fi elles en ont, prétendant que cet or a la vertu Abus. de hâter la façon du beurre ; mais par malheur il arrive quelquefois que ce beurre ne s'en forme pas plûtôt, & que le talifman devient fans effet ; ce qui fait qu'on ne peut pas y ajoûter beaucoup de foi, & qu'on croit que, fi d'autrefois ce beurre eft formé fi-tôt que la bague eft entrée dans la barate, les parties butyreufes étoient pour lors toutes difpofées à fe ramaffer: c'eft pourquoi le plus court chemin pour fe garantir de murmurer mal à propos contre le beurre, qui eft longtemps à fe faire, c'eft de fe défaire, comme on a déja dit, des Vaches qui donnent du lait d'un fi mauvais acabit.

Quand le beurre eft fait, on le tire de la barate, on le met dans une terrine remplie d'eau claire, on le lave bien dedans; étant lavé, on le forme en pain, en livre ou en; demi livre, felon l'usage qu'on a envie d'en faire.

Beurre.

Le meilleur beurre eft celui qui eft jaune naturellement, le blanc a Choix du beaucoup près n'a pas un goût fi agréable, il manque de ces principes huileux & balfamiques qui en font la bonté. Il y a des beurres d'un jaunę falfifié, & qui fe fait avec du fuc d'une efpece de plante appellée Barbotte, ce jaune eft bien plus foncé que celui qui eft naturel au beurre, & pour peu qu'on fe veuille appliquer à démêler cette fraude, on en vient aisément à bout; il faut auffi le porter au nez, & en goûter pour éprouver s'il ne fent point le rance.

Les beurres des mois de Mai & de Septembre font les plus eftimez, parce que les Vaches brouttent dans ces tems quantité de bonnes herbes qui donnent à leur lait beaucoup d'agrément; ce font de ces beurres auffi qu'on prend pour garder, foit qu'on veuille en faler ou en fondre.

On eftime le beurre fallé quand il eft bien façonné, & pour cela ayez Comment de bon beurre de Mai & de Septembre ce que vous fouhaitez en faler, pre- faler le nez-en deux livres à la fois, étendez-le avec un rouleau fur une table qui Beurre, foit bien nette, commme fi vous vouliez faire une abaiffe de pâte, épaiffe d'un doigt, répandez du fel par deffus en raisonnable quantité, pliez vôtre beurre en trois ou quatre, paîtriffez-le bien, étendez-le encore comme auparavant, poudrez-le de fel de même que vous avez fait, repliez-le & le paîtriffez encore comme la premiere fois, & vous continuez ainfi jufqu'à ce qu'ayant goûté vôtre beurre, vous fentez qu'il eft affez falé.

Eufuite il faut avoir des pots de terre verniffez en dedans, les bien laver avec de l'eau chaude, s'il y a eu dedans quelque chofe auparavant, puis y mettre vôtre beurre falé, l'y bien preffer avec la main, en forte qu'il n'y ait point de vuide, & continuer cette manoeuvre tant que vous aurez du beurre à faler, & lorfque les pots font pleins, on prend du fel, on le fait fondre dans de l'eau, & on repand cette faumûre fur la fuperficie

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