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Peurre fondu.

du beurre, qu'on prend foin de bien boucher. Le fel empêche que le beurre ne fermente, & que les principes ne s'exaltent & ne fe défuniffent trop ce qui le rend âcre & en même temps huileux & défagreable; ce même fel agit en cette occafion, en bouchant les pores du beurre, de maniere que l'air n'y peut plus entrer avec affez de liberté pour communiquer aux parties infenfibles de la matiete, un mouvement interieur qui détruit en peu de temps le premier arrangement de ces parties : voici comment on fond le beurre pour la provifion & pour vendre.

On prend du beurre choifi, comme on a dit à l'égard des faifons, on en met ce qu'on fouhaite dans une chaudiere ou un chaudron bien net, qu'on met à la cremailliere, ou fur un trépied, on fait un feu clair deffous, qu'on entretient toûjours de même jufqu'à ce que la cuiffon en foit parfaite.

Ce beurre qui pour lors boût raifonnablement, forme une écume fur la fuperficie, qu'on a foin d'ôter avec une écumoire, & qu'on leve toujours jufqu'àce qu'on n'en voye plus, & l'on remarque qu'il eft cuit, lorfqu'étant tout purifié de fon écume, il paroît clair & transparent comme de l'huile. Après que le beurre eft fondu, on le verse dans des pots de terre, preparez comme on a dit, on le laiffe réfroidir, enfuite on le bouche foigneufement avec du papier & on le ferre avec le beurre fallé dans un endroit où les chats ni les rats n'ayent point d'accez; ce beurre fe garde bien longtemps fans être falé, parce que le feu, qui en a rectifié les principes, en ôte tout ce qui peut lui caufer de l'alteration.

Q

Comment faire les Fromages.

Uant à la matiere deftinée pour les fromages, & qu'il faut faire cailler pour cela, voici comment on s'y prend; on met donc ce lait dans un grand pot, puis le remuant avec une grande cuilliere, on y verfe de la prefure.

Ce que c'eft La Prefure dont on fe fert pour faire cailler le lait, n'eft autre chofe qu' queprefure, une matiere caféeufe qu'on trouve au fond de l'eftomac du jeune Veau. Cette matiere eft un lait caillé qui contient beaucoup de fel volatile, acide, & qui feparant les parties fereufes d'avec les caféeuses, met celles-ci dans un mouvement rapide, & qui les oblige par-là de s'accrocher l'une l'autre, & de faire corps comme on voit le caillé.

Comment

fure,

Pour donc avoir de la prefure toûjours prête, on prend cette matiere faire la pre. dont on vient de parler, & que vulgairement on appelle Caillettes de Veau, on les lave bien, puis on les met dans un petit pot, on les affaisonne de fel, le fuc qui en fort eft cette matiere qu'on cherche pour faire coaguColum. 1. ler le lait. Pour un pot raifonnable plein de lait, il faut, felon quelquesuns, la pefanteur d'une demi dragme de prefure.

7. c.8.

Au lieu de Cailliettes de Veau, il y en a qui prennent celles d'Agneau, de Chevreau ou de Liévre, & qui font la prefure, comme on vient de le dire; d'autres fe fervent pour faire cailler leur. lait, de fleurs de chardon fauvage, ou de graine de chardon benit.

On peut faire le fromage ou avec lait qu'on a écrêmé, ou avec celui

qui

qui eft encore chargé de fa crême. Dans le dernier cas, le fromage eft beaucoup plus agréable que dans le premier, à caufe de cette partie crêmeufe qui eft la portion du lait la plus exaltée & la plus remplie de principes huilleux & de fels volatiles. Il eft vrai qu'elle n'eft pas fi profitable pour le ménage, mais on donne cet avis, au cas qu'on veuille faire quelque fromage d'ami. Il eft conftant auffi, que fi le lait eft trop gras, le fromage ne fe prend que très-difficilement, c'eft pourquoi il eft bon d'obferver un milieu en cela, & de ne laiffer qu'autant de crême qu'on le juge à propos, ce que la pratique apprend aifément.

Le lait étant caillé, on le met dans les écliffes, formes ou chaferons, comme on voudra dire, pour fe former, & en laiffer égouter le petit lait ou mégue, ainsi qu'on l'appelle en quelques endroits, puis quand les fromages ont pris corps, on les ôte des chaferons, & on les met à l'air dans la chafiere, pour achever de les laiffer s'affermir. Si le lait ne pouvoit se cailler à caufe du froid, il faudroit mettre le pot où il feroit dans une chaudiere d'eau tiede.

Que celle qui a foin de faire les fromages foit propre dans tout ce qu'elle fait,qu'elle ait toûjours les mains nettes &les bras retrouffez, qu'elle ne foit point dégoûtante dans fes habits, & n'ait point fes mois; car on préteud qu'il en fort certains corpufcules qui infectent le lait, le font aigrir & gâter en peu de temps. Les Auvergnats qui ont leurs fromages beaucoup plus recommandation, choififfent à caufe de cela de jeunes enfans âgez de douze ans, propres, nets & des plus ragoûtans, car ils se perfuadent qu'une telle infection empêche le lait de coaguler

De la maniere de faler les Fromages & de les faire fecher.

Omme il y des fromages qu'on fait pour être mangez tous mous, &

in ne

après qu'ils feront hors du chaferon ou écliffe ; & pour fe comporter en cela comme il faut, on égruge du fel bien menu qu'on jette par-deffus à difcretion; on les laiffe ainfi pendant un jour, puis le lendemain on les retourne, & on les fale de même. Toute cette petite manoeuvre fe fait fur des ais où on a rangé les fromages pour les faire fecher il ne faut point que ces ais foient expofez au foleil, mais qu'ils foient feulement à l'air & au frais, afin que ces fromages en fechent mieux,& petit à petit, après cela on les porte dans une chambre pour les conferver.

On met du fel fur les fromages pour deux raifons. La premiere pour lui donner meilleur goût; & la feconde, pour le conferver plus long-temps, Le fel agit en ce dernier cas par fes parties longues & roides qui bouchent les pores du fromage.

Il y en a, qui, fi-tôt que les fromages font affermis dans la forme, les portent dans la chafiere fur la paille fraîche, pour y laiffer diffiper le resta de l'humidité qui leur nuit; au lieu de paille on fe fert de jonc, fi l'on veut, ou pour le mieux, comme on fait en certains pays, où le commerce de fromages eft frequent, on 'prend de la toile claire qu'on étend bien toide fur des chaffis de bois avec des cloux, puis on y range les froma

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Maniere de

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ges. C'eft pourquoi les chafieres d'ozier ne font point fi bonnes que certains petits garde-mangers quarrez qu'on fait exprés & qui font tous tendus de toiles, & pour ne pas perdre le petit lait qui tombe des fromages, on met deffous un vaiffeau de bois ou de terre pour le recevoir. Le petit lait eft bon pour les cochons & pour la volaille, ainfi ce feroit un mauvais ménage que de le laiffer perdre.

Pendant que les fromages fecheront il faut avoir foin pendant sept à les confer- huit mois de nettoyer fouvent les planches fur lefquelles on les a mis, & de les racler avec un couteau, parce que les vers & autres vermines feroient fujets à s'y engendrer. Il y en a pour se garantir des vers, qui les frottent avec de l'huile de lin, ou du marc de fa femence ; d'autres les mêlent parmi de la graine de millet ou de lin, cela les tient frais, & les empêchent de durcir; aprés ces foins il ne reste plus qu'à les vendre, ou à en nourrir fon domeftique felon le nombre plus ou moins grand qu'on

Diverfes fortes de Fromages.

ges.

Méthode

en a.

Gardez-vous bien de faire comme il y en a, qui pour conferver leurs fromages les mettent dans une chambre bien fermée, & où ils allument du feu. Se preffer ainfi de les fecher, c'eft les obliger à s'aigrir; les parties volatilles du feu qui précipitent trop celles des fromages, les dérangent & leur font prendre un acide fort défagreable.

Il y a des pays où l'on fait des fromages mêlez de lait de Vache & de Brebis ; on tient qu'ils font plus gras que les autres & de meilleur goût : il est vray que ces fromages reltent blanchâtres, mais on fçait leur donner couleur par le moyen moyen d'un peu de faffran qu'on y mêle en les paîtrissant avant que de les mettre dans les écliffes.

On fait encore en France des fromages de lait de Chévres, qui font trés bons, quand ils font mêlez d'un peu de lait de Vache & bien affinez on les appelle des Chevrets.

Nous avons encore plufieurs autres fromages merveilleux, & qui nous viennent de differentes Provinces ; la Brie nous en fournit d'excellens, & en abondance; il nous en vient de Provence, de Languedoc & de Bretagne, qui font fort eftimez. Si nous voulons chercher des fromages hors du Royaume; nous avons les fromages de Hollande, où il s'en fait un grand commerce, à caufe de l'abondance de leurs pâturages: on nous apporte encore des Parmesans, des Roquefor, du Gruïere, & plusieurs autres qui se fervent fur les meilleures tables.

Les fromages fecs ne font bons que lors qu'ils font bien affinez, & pour pour affiner cela on les met à la cave ou dans un lieu qui foit frais, c'eft ordinairement les froma- dans des armoires enfoncées dans le mur, & fur des planches bien nettoyées. Avant que d'y ranger les fromages, les uns les frotent d'huile d'olive, d'autres d'huile de lin, & d'autres enfin de vinaigre mêlé avec l'une ou l'autre de ces deux huiles. Il y en a qui les frotent de lie de vin & qui les laiffent ainfi s'affiner dans du fon. Toutes fes manieres font tres-bonnes; mais il faut avec cela prendre garde quand cet affinage eft à fon point de perfection; car fi la matiere caféeufe fermente trop dans ces liqueurs, elle se corrompt & contracte un goût defagreable.

Un fromage affiné, pour être eftimé, doit être gras & pefant, il doit

avoir la tranche bien unie ; & la couleur jaunâtre; la pâte en doit être favoureuse, bien nette de vers & d'autres vermines qui les gâtent.

Marques de la bonté d'un froma

ge.

La plupart des fromages qui fe façonnent à la campagne se mangent tout recemment tirez des écliffes, c'eft un aliment qui tient en partie lieu de nourriture aux gens de Village, l'on en fert auffi fur les bonnes tables Fromages il eft vrai qu'ils font faits differemment des premiers, & voici comment mous. fe pratique l'une & l'autre maniere.

Nous avons déja dit qu'on mettoit cailler le lait, & comment cela fe faifoit, ce lait eft pris tout écrémé, & le fromage façonné comme on l'a dit fans autre myftere, puis fervi quand il eft formé, & qu'il s'eft un peu déchargé de fon petit lait ; ce font là les fromages ordinaires, & les plus communs, parce qu'on en fait de plus délicats de la maniere qui fuit.

Fromage

très-deli

Prenez deux pintes de bon lait, autant de crême douce, mettez-les en prefure, ayez une écliffe qui foit haute, garnie dans le fond d'un linge prompt à bien blanc, & après que vôtre crême & votre lait feront coagulez, met- manger & tez-les dans vôtre écliffe avec la cuilliere, laiffez égouter vôtre fromage eat. vingt-quatre heures, enfuite renverfez-le fur une affiete, ôtez le linge, & fervez ce fromage fi vous voulez.

D'autres fe contentent de prendre du lait encore tout chaudement forti Autre du pis de la Vache, de le mettre ainfi en prefure, & d'en faire des fromages de la maniere qu'il a été enfeigné : ces fromages font excellens pour être mangez promptement; on déguife encore le lait de plufieurs autres façons, mais nous refervons à parler de ces mets dans l'Office du reffort de laquelle dépend leur affaifonnement.

fans.

Un Auteur ancien qui a écrit fur l'Agriculture, nous donne une maniere Fromage à de faire des fromages qu'on pratique dans la Breffe, d'où il étoit origi- la maniere naire. Il dit que pour faire de bons fromages, il ne faut pas en trop écré- des Bref mer le lait, & que même quand le lait y refteroit tout, ils n'en vaudroient que mieux, en pratiquant ce qu'il enfeigne de faire, quand on Belle-Fofait ces fromages, ce que nous dirons. Voici la méthode qu'on y observe rêt. 11.Jour dans la Breffe.

On prend du lait ce qu'on fouhaite, c'eft à dire, dix ou douze pintes plus ou moins, il faut qu'il foit bon, on le met dans une chaudiere après l'avoir coulé, puis fur le feu, où on le laiffe échauffer jufqu'à ce qu'on y puiffe feulement fouffrir le bras nud. On y mêle une once de bon fromage bien délayé dans de l'eau, il faut en avoir plein un plat moyen, & pour donner couleur au fromage qu'on fait, on y ajoute un peu de faffran, qu'on délaye dedans.

Cela fait, & lorfque le fromage eft tout caillé dans la chaudiere, on prend un bâton rond & fort net, avec lequel on rompt tout le fromage, en le remuant, afin que ce qu'il contient de plus gras aille au fond de la chaudiere.

Enfuite celui ou celle qui fait ce fromage ayant les bras retrouffez & bien propres, paîtrit cette maffe, & la tourne & retourne jufqu'à ce qu'il remarque qu'elle ait cuit également par tout, & qu'elle foit un peu ferme; elle eft ordinairement de forme ronde, à caufe de la chaudiere qui Ja lui fait acquerir, c'eft pour lors que tirant ce fromage hors de cette

d'Ag.

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chaudiere, il les met fur un linge blanc, & par-deffus quelque chofe dc pefant pour lui faire rendre tout ce qu'il peut y avoir d'humeur fuperfluë.

Ce fromage étant égouté, on le couvre d'un ais rond fur lequel on met quelque pierre pour le tenir preffé, on laiffe ainfi ce fromage pendant cinq ou fix heures, & après qu'il eft comme fec, on le porte à la cave & dans un endroit deftiné pour cela. Ce font pour l'ordinaire des planches qu'on met fur des échelles en maniere de tablettes. Il faut remuer tous les jours les fromages qui y font jufqu'au cinquième jour qu'ils forment par-deffus comme une espece de farine, & pour lors on les poudre par-deffus d'un peu de fel menu, & le lendemain on les tourne de l'autte côté pour en faire la même chose.

Trois jours après on ôte le linge dans lequel ils étoient enveloppez; on nettoye les fromages, & on les laiffe ainfi jufqu'au lendemain matin, afin qu'ils fe deffechent, puis on les enveloppe dans le même linge où ils étoient auparavant, obfervant de les faler davantage qu'ils n'ont été du côté qu'on les a falez pour la premiere fois, & de mettre les derniers fromages qu'on a fait fous les premiers; on en met quatre on cinq fur un & fur lefquels on répand du fel menu; un jour après on les nettoye, puis on les fale le lendemain enveloppez qu'ils font de linge, on les entaffe l'un fur l'autre jufqu'à cinq ou fix; il faut le troifiéme jour les faler encore après les avoir nettoyez, on les enveloppe encore après cela, & on continue cette manoeuvre pendant vingt-cinq ou trente jours qu'on trouve ces fromages durcis mollement.

Les fromages qu'on fait ainfi font plus ou moins fufceptibles de fel qu'ils ont été plus ou moins cuits. Il faut en cela un jufte degré de cuiffon, qu'on ne peut fçavoir que par la pratique,&qui n'eft pas bien difficile à apprendre. Les faifons differentes reglent auffi cette fufception plus ou moins grande de fel, donc on foûpoudre ces fromages, & principalement à l'égard de ceux qui font faits en Septembre, lefquels veulent peu de fel à la fois; encore faut-il qu'il foit fort menu, autrement ces fromages s'endurcissent de telle forte que leur fuperficie fait une croûte fi dure qu'elle ne peut recevoir la moitié du fel qui y eft neceffaire.

Quand ces fromages font bien falez, ce qui fe remarque quand ils n'en prennent plus; on les tourne & retourne tous les jours pendant cinq ou fix jours jufqu'à ce qu'ils foient bien fecs, puis on les nettoye de tous côtez & tout au tour avec le dos d'un couteau, on les met enfuite dans un autre endroit comme dans une chambre, & fur des planches bien propres, on les y laiffe durant quinze ou vingt jours, obfervant de les nettoyer avec le couteau toutes les fois qu'on les remuë, tenant toûjours les planches bien nettes; ce qui doit fe pratiquer pendant fept ou huit mois.

Si l'on remarque au fromage quelques fentes, ou des vers qui les rongent, il n'y a point d'autre remede que de manger ces fromages, ou de les vendre, ou bien on ôte cette vermine, & on frotte les crevalles d'huile de lin, cela les conferve très-bien & long-temps. Quelques-uns fe fervent d'huile d'olive pour le même effet: on employe auffi pour cela la lie d'huile de lin & le marc; enfin un an après que ces fromages font faits, il faut les vendre, & jufqu'à ce qu'ils foient vendus, les tourner fans def

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