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D'autres font d'avis de ne faire faillir les Brebis qu'au mois de Novembre, afin, difent-ils, que la Brebis qui porte cinq mois, donne fon Agneau au Printemps, auquel temps elle trouve l'herbe qui commence à naître, & dont elle fe paît en abondance, ce qui fait qu'elle retourne à la maison les mammelles pleines de lait, & plus capables par consequent de nourrir fon Agneau, que lorfqu'elle ne trouve aux champs que très-peu de chose pour se nourrir.

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Pour concilier ces differens fentimens, qui fe pratiquent tous les jours à la campagne, & qui ne doivent point arrêter fcrupuleufement ceux qui y demeurent, & qui nourriffent du bétail à laine, il faut voir d'abord en quel pays on eft, & s'il est plus à propos de vendre une partie des Agneaux, que de les élever tous, ou fi en les nourriffant on gagne davantage. Dans le premier cas, comme on l'experimente aux environs de Paris & d'autres grandes Villes, où le débit des Agneaux rend beaucoup de fit, on fera faillir les Brebis dès le mois d'Août,& même dès la miJuillet, afin d'avoir des Agneaux de bonne heure, & dans le temps où ils font plus rares, où l'on en fait un bon argent ; mais au contraire, fi les lieux que vous habitez ne permettent pas le commerce d'Agneaux, ou qu'ils ne s'y vendent qu'à vil prix, il eft bon alors de les conferver tous pour augmenter le Troupeau ; & afin que ces Agneaux ne courent pas tant de rifque de leur vie, on n'accouplera leur mere qu'au commencement de Novembre pour les raisons qu'on en a dites. Quoiqu'à parler plus fainement fur cette matiere, il vaut mieux, autant qu'on le peut, nourrir les Agneaux pour multiplier ce Troupeau que de les vendre; il n'eft rien tel que de faire des nourritures à la campagne, c'est le plus grand profit qu'on en-puiffe retirer.

Du foin qu'on doit prendre quand une Brebis agnele, & de ce qu'il faut faire quand elle a agnele.

I par hazard un Berger ou une Bergere fe trouve prefent, lorfque quelque Brebis voudra agneler, & qu'il voye qu'elle travaille beaucoup, il ne dédaignera point de lui rendre, s'il le juge à propos, l'office de fage femme, cette Brebis en fera plûtôt délivrée, & l'Agneau moins en dan ger de mourir.

L'Agneau n'eft pas plûtôt né, qu'il faut le lever & le tenir droit fur fes jambes, puis l'approcher des tetins de fa mere pour l'accoûtumer à la teter. Il eft bon auparavant de la traire un peu, afin de tirer de la mam-, melle le premier lait qu'on dit être mal fain pour l'Agneau, pour avoir été troublé pendant le travail de la Brebis,

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Comment gauverner les jeunes Agneaux.

N enferme les Agneaux nouvellement nez avec leurs meres pendant ble où l'on aura fait une cloifon, afin que les Brebis les échauffent, & leur apprennent à les connoître, & pendant ce temps il faut être foigneux.

de bien nourrir les meres, de leur donner de bon foin & du fon avec quel que peu de fel mêlé parmi. On tiendra l'étable bien fermée pour garantir les jeunes agneaux du froid qui les incommode; il ne faut pas auffi y laiffer les Brebis manquer d'eau pour boire boire, & il eft à & il eft à propos de la leur donner tiede pendant le temps qu'on les tient enfermées: cette précaution les exempte de tranchées. S'il y a des agneaux qui n'approchent point de M.. 11. leur mere pour teter, il faut les y porter, leur frotter les levres avec du beurre & du fain doux, puis leur y mettre du lait.

de re ruft.

Il ne faut point fonger à mener les agneaux aux champs que tous les frimats ne foient paffez: une nége fondue, une gelée du Printemps, un vent froid, tout cela détruiroit le Troupeau; on doit au contraire tenir bien chaudement dans une étable feparée & bien bouchée ces animaux encore fort tendres, & ne les en fortir foir & matin au retour des champs, que pour leur faire teter leurs meres.

Quand ces agneaux fe font un peu fortifiez, on leur donne dans leur étable, outre le lait de leurs meres, un peu de fon dans de petits auges, ou du foin le plus fin qu'on puiffe trouver. Cette nourriture les amufe, pendant que les Brebis font aux pâturages, & pour faire que les agneaux ne gâtent point leur foin, & n'en faffent point litiere, on dreffe dans leur étable de petits rateliers à travers defquels ils le tirent.

Quelques-uns donnent de l'avoine à ces agneaux, du fain-foin, des feuilles de faules ou de peuplier, & d'autres de la farine d'orge, tous ces alimens leur font bons, & ils ne valent que mieux lorsqu'ils font bien

nourris.

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Quand mener aux champs les Agneaux & les Brebis.

'Eft ordinairement au mois de Mars, ou plus tard même, si les froidures fe font encore fentir, qu'on commence à mener les agneaux aux champs avec leurs meres, fuppofé que ces petits animaux foient affez forts pour cela; on foignera de bien nourrir à l'étable les Brebis qui auront des agneaux, & de leur donner de bon foin, afin qu'elles abondent en lait. Il ne faut pas les mener paître loin du logis, afin que n'ayant pas beaucoup de chemin à faire, elles ne foient pas fatiguées au retour des champs, & que par ce moyen les agneaux ne trouvent point un lait échauffé, ce qui leur caufe quelquefois la galle; outre que la proximité de ces pâturages eft fort commode, princi palement dans le temps que les agneaux commencent d'aller paître avec leurs meres, il y en a qui donnent de la vefce moutue ou de l'herbe aux agneaux avant que d'aller aux champs, & quand ils en font de retour, ils n'en valent que mieux.

Il y en a qui, par une maxime contraire à la précedente, tiennent comme on a dit, leurs agneaux enfermez dans une étable feparée, les menent auffi aux champs feparément, crainte qu'en tetant leurs meres, ils n'épuifent trop le lait dont on veut faire un double profit: voici comment. Ces perfonnes trayent dès le matin leurs Brebis; puis lâchent leurs agneaux pour aller fuccer ce qui leur peut refter de lait, ils en font de même le foir au retour des champs, & pour éviter la confufion, on

ramene

ramene les agneaux plûtôt que les Brebis, on les enferme dans leur étable, puis on les lache quand on a trait leurs meres, & par ce moyen les agneaux remplis déja d'un bon aliment, viennent encore fe nourrir d'un refte de lait qui leur fuffit alors, pour les maintenir fains & en bonne chair, & le maître auquel appartient le Troupeau, profite du lait qu'on en tire pour faire des fromages. C'est ainsi qu'il faut en agir, fi l'on eft bon ménager. Telle eft la conduite qu'on doit garder à l'égard de ce bétail jufqu'à ce que les agneaux foient fevrez, & qu'ils ne fe foucient plus de teter leurs meres, auquel temps on mene paître, & les brebis & les agneaux tout pêle mêle.

Le temps de mener paître ce Troupeau en Automne, en Hyver & dans le Printemps, eft lorfque le foleil a un peu diffipé la gelée qui eft fur la terre: car l'herbe gelée ne vaut fien aux Brebis, elle leur caufe des flux de ventre dangereux & des catharres qui des fuffoquent; & pour déterminer ce temps, c'eft ordinairement fur les neuf à dix heures qu'on met les Brebis dehors: il faut les ramener à l'étable avant la nuit.

Dans les pays chauds on commence dès huit heures du matin à mener les Brebis aux champs, dans les faifons dont on vient de parler; mais c'est autre chose pendant l'Eté; un Berger alors doit mener paître fes Brebis dès le matin, & incontinent après que les herbes ne font plus mouillées de la rofée, & que le foleil l'a abatue, parce que la rofée elt préjudiciable aux Brebis, principalement pour l'hyver qui fuit où elles meurent toutes quand on n'a pas fçû les garantir de cette humidité: on ramene pour lors les Bre bis au bercail fur les dix heures, qu'elles peuvent avoir foif, c'eft pourquoi on les conduit le long de quelque ruiffeau ou d'autres eaux, qui font le plus à portée pour les abreuver; ces Troupeaux font enfermez jufqu'à trois heures qu'on les reconduit aux champs où il restent jufqu'à la nuit, qu'il faut encore les mener boire,

Ce que c'est que parquer, & quand on parque.

IL y a des pays où les Paftres paffent les jours & les nuits en Eté, & même des mois entiers à mener paître leurs Troupeaux fans les enfermer à l'étable; alors ils emportent tout avec eux, leurs cabanes, leurs provi fions pour vivre, leurs chiens & leurs armes, & parquent au milieu des champs. D'autres fe contentent de parquer la nuit feulement, c'est-à-dire, d'aller dans un champ où il y a du pâturage, d'y faire une enceinte avec des clayes ou des filets fuffifamment grands, pour contenir le Troupeau qu'ils y veulent mettre, & de la bien tenir fermée; le Paftre y roule fa cabane & la plaçant dans un coin du Pate, il y couchè accompagné de fes chiens qui veillent à la garde de fon Troupeau, & muni de quelques armes à feu pour en éloigner les loups, qui rodent toûjours aux environs pour tâcher d'attraper quelque proye. La figure qui fuit fera connoître plus aifement ce que c'est que ce Parc.

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Explication de la Planche II I.

1. Clayes dont le Parc eft entouré. 2.Pieux qui foutiennent les claïes. 3. Cabane du Berger.

4. Troupeaux de Brebis preffées l'une contre l'autre par la frayeur qu'elles ont des loups qui rodent au tour du Parc.

5. Maître Berger.

6. Chiens du Berger animez après les loups.

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7. Loups qui cherchent à entrer dans le Parc, & un autre qui eft culbuté par les chiens.

8. Panetiere du Berger, dans laquelle il porte fa provision pour vi

vre.

9. Houlette du Berger qui lui fert à chaffer les Moutons.

10. Autre petit Berger qui crie au loup.

On voit dans cette planche une Lune, des Etoiles & des Oifeaux qui

dorment fur des arbres, ce qui reprefente une nuit, parce que ce n'eft ordinairement que la nuit qu'on parque.

L'ufage des Parcs eft très avantageux dans les pays où il fe pratique, c'est le moyen de bien amander une terre, qui reçoit toute la fiente du bétail qui y couche: quand le champ eft dépouillé de pâturage, & qu'on juge qu'il eft affez engraiffé, on change le Parc, & l'on va le planter dans une autre terre; on en agit ainfi fucceffivement & durant tout l'Eté. Dans les pays chauds, ce parcage fe fait prefque toute l'année tant que les beaux jours le permettent. La coûtume de parquer eft fort ancienne, Virgile en fait mention dans le troifiéme Livre des Georgiques, & il faut remarquer qu'un champ fumé par le Troupeau qui y a parqué doit être auffi-tôt labouré pour en couvrir l'engrais, qui autrement perdroit fa vertu.

Le changement de pâturage profite merveilleufement bien aux Brebis, c'eft pourquoi il y en a pendant les grandes chaleurs, qui menent paître leurs Troupeaux dans les vallons à couvert des grandes ardeurs du foleil, & qui lorfque l'air eft temperé ou qu'il fait un peu frais, les conduifent fur les montagnes pour brouter le ferpolet & d'autres herbes odoriferantes, dont le bétail à laine eft très-friand. Mais revenons aux agneaux que nous avons laiffé pêle mêle avec leurs meres dans les champs, & difons comment ils doivent être choifis quand on les veut élever pour augmenter le Troupeau.

Choix des Agneaux pour élever, & du temps de les châtrer.

Hoifflez, toûjours les plus beaux, les plus chargez de laine ; leur toifon pour le mieux doit être blanche, il faut nourrir peu d'agneaux qui foient noirs, il fuffit d'en prendre de dix blancs un noir, parce que cette laine ne fe vend pas fi bien que l'autre, il eft vrai qu'on s'en fert toute naturelle qu'elle eft, pour faire de certaines étoffes, dont on habille les domeftiques en déduction de leurs gages.

Pour élever les agneaux mâles, il faut les châtrer tous à la referve de

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