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De l'Avortement des Cavales.

LEs Cavales font d'ailleurs fujettes à avorter, & cet avortement n'eft qu'une expulfion contre nature du Poulain hors de la matrice depuis la conformation jufqu'au terme ordinaire que ces Cavales doivent pouliner; les caufes de cet avortement font la violence qu'on leur fait au travail, & les grands efforts qu'elles y prennent, la matrice pour lors irritée & bleffée par la corruption qu'elle contient détermine une plus grande quantité d'efprits animaux à y venir, qui y caufent des contra&tions & l'expulfion du Poulain. Les trop grands fardeaux dont fouvent on furcharge les Jumens au charroi leur caufent l'avortement ; il y a encore d'autres caufes internes qui produifent ce mauvais effet, comme par exemple, lorfqu'il leur arrive des tranchées trop rudes caufées par l'ufage de quelques herbes faciles à fermenter, ou qu'il leur furvient quelque toux violente, ou enfin lorfque les Cavales font mal nourries, & que par ce défaut l'aliment requis manque au Poulain qu'elles portent..

Il feroit à fouhaiter que dans les Cavales on pût prévoir l'avortement ainfi que dans les femmes, par les fignes qui le précedent, on n'en verroit pas tant perir dans ces fâcheux momens, parce qu'on tâcheroit d'y apporter du remede.

L'avortement eft toûjours plus dangereux pour les Cavales que le travail ordinaire; parce qu'il s'y fait une ruption violente des vaiffeaux & des ligamens qui tiennent le Poulain attaché à la matrice, & le peril de l'avortement eft d'autant plus grand que le Poulain eft gros & la mere foible & débile.

Une Cavale qui a avorté, fi elle n'en meurt pas, il lui refte toûjours quelque chofe de dérangé dans le corps qui la rend maigre long-temps, languiffante & hors d'état de rendre dans la fuite de bons fervices.

Obferva

Il faut prendre garde, dit encore l'Auteur cité ci-deffus, lorfqu'on fait " couvrir des Cavales en main ou autrement, que l'Etalon & la Cavale "tions necefmangent tout de même, c'eft-à-dire, que fi l'Étalon eft au foin & à l'avoi-faires. ne, ce qu'on appelle être au fec, il faut que la Cavale vive de même, ou “ elle ne retiendra pas fi-tôt, & que s'il mange l'herbe, la Cavale en doit “ auffi manger. La raifon de cela c'eft qu'il faut que les corpufcules qui émanent de ces differens alimens n'ayent point affez de rapport l'un à l'autre, demaniere que fe froiffant l'un l'autre dans leurs mouvemens, ils fe détruifent quelquefois entierement fans pouvoir s'affocier, ce qui fait les efprits feminaux de ces deux animaux ne produifent rien ou donnent plus rarement des Poulains.

que

Il eft conftant queles Cavales retiennent beaucoup mieux quand elles font en chaleur, cette action qu'elles marquent anime le Cheval, rend fa femence bien plus fpiritueufe, & par ce moyen bien plus en état de vivifier l'oeuf auquel elle a du rapport, & qui eft comme niché dans l'ovaire de la Jument.

Il faut avant que de faire couvrir la Jument la placer dans un endroit où elle foit vue du Cheval & d'où elle puiffe auffi tout d'un coup le dé

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couvrir; on les tiendra tous deux quelque temps ainfi en haleine, & c'eft le fecret de faire infailliblement concevoir auffi-tôt la Jument; on prétend qu'on met une Cavale en chaleur de cette maniere.

Comment mettre une Cavale en chaleur afin qu'elle retienne..

ON lui donne un picotin de chenevi foir & matin durant huit jours

avant que de la mener au Cheyal; fi la Jument refufe de manger cette graine, on la mêle avec du fon ou de l'avoine, ou bien on la fait jeûner pour que la faim lui faffe trouver le chenevi de fon goût. Si l'Etalon en peut manger, la formation du foetus ne s'en fera que plus sûrement.

Qu'on fache pour maxime qu'il ne faut jamais faire couvrir une Cavale pendant qu'elle nourrit fon Poulain; deux inconveniens en refultent : le premier, qu'elle eft affez chargée de nourrir fon Poulain, fans s'alterer encore davantage, & fournir de la fubftance pour en nourrir un autre dans fon corps: & le fecond, qu'il eft dangereux que le fang qui doit contribuer à la formation du lait ne foit diverti d'ailleurs ou corrompu par des causes interieures ; ce qui rend le lait mauvais & très-pernicieux, même pour le Poulain qui le fucce, outre que la Cavale fe ruine en peu de temps lorfque cela lui arrive.

Encore un coup ce n'eft pas un ménage de faire porter tous les ans unPoulain à une Cavale ; il y a plus à perdre qu'à gagner; s'il y en a cependant, qui malgré cet avis veuillent fe fatisfaire là-deffus, du moins qu'ils ne faffent couvrir leurs Cavales que huit jours après qu'elles auront pouliné, afin qu'elles ayent le temps de fe bien purger; mais qu'on fe fouvienne toûjours que ce n'eft pas la bonne maxime.

C'eft par les moyens qu'on vient de décrire, que dans les païs où il y a de grands Haras, qu'on fe fournit de bons Chevaux, non feulement pour monter & pour Etalons, mais encore pour tirer, & qu'on ne manque point de Poulains pour en perpetuer la race; outre que l'un & l'autre trouveront dans le fuc des herbes 'des rapports de convenance avec la tiffure de leurs fibres, ce qui fait qu'ils en croîtront plus beaux, que l'air qu'ils y refpirent leur étant naturel, les rendra plus fains & plus gaillards, & que le climat où ils feront nez n'aura rien qui repugne à leur nature.

De ce qu'il convient faire quand le Poulain eft nouvellement né.

E Poulain n'eft pas plûtôt né qu'on le laiffe enfermé dans une étable auprès de fa mere durant fept ou huit jours, afin qu'il fe fortifie pour la mieux fuivre après au pâturage: il la tete là tant qu'il veut, fans qu'il foit befoin que perfonne lui aide, fa mere au contraire femble l'y attirer par fes petits henniffemens ; & fi ce Poulain ne la fuivoit pas, la Cavale fouvent ne feroit que lever la tête ; que hennir, & oubliroit même une bonne partie du jour à manger & à boire, ce qui la maigriroit, & lui fe Loit avoir peu de lait.

Comment traiter les Cavales, après qu'elles ont pouliné.

Durant les huit jours dont on a parlé, la Cavale qui aura nouvellement pouliné,fera nourrie de bon foin &de bonne avoine, afin qu'elle répare les forces qu'elle a perdues dans fon travail; fi l'on a du fain foin foit en herbe, foit fec, on lui en donnera, cet aliment lui eft très-propre pour avoir du lait; il faut neanmoins obferver de lui en donner moderement, car fi elle en mangeoit trop, elle pourroit s'en trouver mal.

Il faut pendant ce temps abreuver la Cavale d'eau blanchie avec de la farine, & mêler parmi un peu de fel, cela ôte la crudité de l'eau, & fait revenir l'appetit que la Ĉavale pourroit avoir perdu dans le mal qu'elle a fouffert; on fe donnera bien garde de manier le Poulain les deux premiers mois, parce qu'il feroit dangereux, étant encore fort tendre, qu'on ne lui blefsât le dos.

Dans les Haras bien reglez, on a une loge affez fpacieufe pour contenir les Cavales dans les pâturages, & dans lesquelles on les enferme pour les garantir du grand foleil qui les incommode, & des autres injures du temps: car il n'y a point d'animaux auquel le froid foit plus contraire qu'aux Chevaux ; il ne faut pas auffi s'étonner fi dans la campagne on voit tous les jours déperir tans de Chevaux qu'on met à l'herbe, & qu'on y laiffe expofez à tout ce que l'air a de plus infupportable pendant les fai fons qu'ils font aux pâtures.

Voici un autre avis qu'il eft encore bon de fuivre, & qui confifte à avoir bonne provifion de foin pour nourrir les Cavales à l'écurie.

Du temps de fevrer les Poulains, & de leur nourriture
après qu'ils font fevrez

Es fentimens font partagez fur le temps de fevrer les Poulains d'avec les uns veulent qu'on les faiffe teter jufqu'à ce qu'ils ayent un an ou deux, d'autres difent qu'on doit le faire à dix-huit mois, & les fevrer au commencement de l'Hyver, lorfqu'il commence à faire froid, c'est-à-dire environ à la faint Martin.

Mais la maxime la plus fuivie en France eft de fevrer les Poulains à un an, & par confequent de les laiffer teter jufqu'aux herbes ; le lait les fortifie pendant l'Hyver, & les nourrit mieux que tout autre aliment. Cette maniere d'agir à leur égard fait qu'ils peuvent rendre fervice au harnois dès l'âge de trois ou quatre ans ; il faut à la verité les y ména◄ ger, fi l'on veut qu'ils y deviennent beaux, & qu'ils y réfiftent long

temps.

Quand les Poulains font à l'écurie pendant l'Hyver, il faut avoir foin de la tenir bien nette, & de ne leur y point laiffer manquer de litiere, il faut les laiffer détachez, & leur toucher le moins qu'on peut, quand ils font encore fi tendres; car on pourroit les bleffer, & les empêcher par-là de prendre une belle croiffance.

La nourriture ordinaire des Poulains après qu'ils font fevrez, doit être de bon foin & de bon fon quand ils mangent au fec, & que c'eft en c'eft en Hyver, dans lequel temps on eft obligé de les enfermer à l'écurie; car en Eté eu les mer aux pâturages dans des clos feparez fi l'on en a, ou dans les prairies.

Il y en a qui condamnent l'avoine pour les Poulains, alleguant que ce grain eft fujet à les rendre aveugles, mais c'est un abus de le croire ; ce n'eft point un mauvais effet de l'avoine qui leur caufe l'aveuglement, dans le temps qu'ils en mangent; c'eft plûtôt par l'effort qu'ils font en la caf fant que cet inconvenient leur arrive, parce qu'il se peut alors que par la violence que fouffrent les veines du larmier & de la ganache, elles s'étendent & s'enflent de maniere que les parties du fang & les humeurs groffieres y coulant en abondance, offufquent les rayons visuels jufqu'à les détruire.

Pour éviter cet accident on fait moudre groffierement cette avoine qu'on leur donne à manger, & les Poulains ainfi nourris ne croiffent point fr élevez fur jambes, ils deviennent plus larges & plus épais que s'ils n'avoient mangé que du foin, ce corps ramaffé eft ce qu'on recherche pour les Chevaux de tirage.

S'il fait beau temps en hyver, faites fortir les Poulains de l'écurie pour leur laiffer refpirer un air plus épuré que celui de leur écurie: l'air les fortifie & les rend gaillards, puis quand le mois de May eft venu, on les met à l'herbe fur la fin, qui eft le temps où les herbes abondent beaucoup dans les pâturages. On remarquera qu'il faut que les Poulains pâturent feparément de leurs meres, parce qu'autrement ils les inquieteroient, & les empêcheroient une bonne partie du jour de prendre fuffifamment de la nourriture.

Quelques-uns, pour faire avoir une belle queue au Poulain, la leur tondent quand ils font jeunes, & l'on éprouve en effet qu'elle leur devient plus belle & plus touffuë, & l'on confeille même de là leur tondre deux ou trois fois l'année.

Si l'on apperçoit que les Poulains s'échauffent après les Poulaines, & qu'ils veulent les couvrir, il faut auffi-tôt les en feparer, parce que cela ne peut que leur faire du tort: on met les Poulains toûjours à l'herbe quand on les nourrit à la campagne, ils en deviennent plus fermes pour foutenir le travail.

Comment dreffer les Poulains au harnois.

E Poulain à deux ans & demi commence à devenir fufceptible des leçons qu'on doit lui donner pour le dreffer au harnois, il s'agit en cela plus d'adreffe que de peine. Il faut ufer à leur égard de douceur, les manier fouvent par tout le corps, leur lever tantôt un pied, tantôt l'autre, & leur fraper de la main par-deffus comme fi on vouloit les ferrer; on leur fait fentir legerement l'étrille pour les y accoûtumer, on leur. paffe l'épouffette & le bouchon fur le dos, on les accoûtume à la bride petit à petit avec de petits mords; on les careffe de la voix, & on leur

tend du pain avec la main, toutes ces flateries les gagnent & les rendent fouples aux inftructions qu'on fe difpofe à leur donner.

Tout ce petit manége s'exerce pendant cinq ou fix mois, puis ou commence à lui faire fentir le poids du harnois ; on lui met d'abord un licou, avec lequel on l'attache à la mangeoire parmi d'autres Chevaux tout dreffez, & avec lefquels on lui donne une nourriture commune.

Les Poulains qu'on nourrit à l'écurie doivent être foignez & gouvernez comme les autres Chevaux & fuivant les maximes que nous avons établies pour cela.

C'eft beaucoup faire que de fçavoir d'abord rendre un Poulain docile à recevoir les inftructions qu'on veut lui donner; après donc qu'on a obfervé ce qu'on vient de dire là-deffus, on commence par l'accoûtumer à porter la bride, puis la felle du harnois, ou à monter, il n'importe, enfuite on lui met l'avaloire, & on le laiffe fous ce harnois pendant un demi jour, on continue ces foins pendant quatre ou cinq jours.

Le Poulain accoûtumé fous tout cet attirail & harnaché ainfi tout de nouveau, eft attaché à une Charrette, dont les roues font embaraffées par un pieu qu'on paffe à travers en deffous la Charrette; il ne faut point dans ces commencemens quitter la bride du Poulain, de forte qu'on foit tout d'un coup en état de l'arrêter au cas qu'il vint à s'emporter, ce qui arrive ordinairement lorfqu'on lui donne les premieres leçons.

· Etant attelé on l'anime d'abord de la voix; on le flate, point de coups de foüet fur tout, car ce feroit le moyen de tout gâter: il ne faut pas mê me encore le faire claquer, car ce bruit l'épouvanteroit: il faut fe contenter à cette premiere inftruction de lui faire fentir le poids du fardeau qu'il doit trainer petit à petit les Poulains ainfi dreffez s'y accoûtument; ils tirent enfuite un peu, puis quand on voit qu'ils font en quelque maniere afsûrez, on ôte le pieu qui tient les roues arrêtées, on leur fait traîner la Charrette, ne les quittant point toûjours de la bride. Inftruits qu'ils feront ainsi, & qu'on jugera à propos de les abandonner à eux-mêmes, on les attelera avec un Cheval fait aux harnois, qui les tiendra en état, & qui les empêchera de s'emporter.

Il eft bon d'accoûtumer le Poulain au bruit du grand monde, & de le mener ainsi attelé dans les Villes où la cohuë eft toûjours plus grande que dans les Villages, principalement dans celles où il y a des Marchezreglez ou des Foires.

Comment dompter le Poulain pour le monter.

I l'on veut s'en fervir pour monter, il faut d'abord que celui qui l'inf

accompagnée d'un mords qui lui convienne'; le Cheval dans le commencement trouvera cette embouchûre étrange, c'eft pourquoi il faudra, lorsqu'il eft bridé, le laiffer en cet état deux ou trois heures, le tenir par la bride hors de l'écurie, le faire reculer à l'aide du mords, & aller à droit & à gauche; il eft bon qu'il foit fellé en même temps, afin que le poids de la felle ne lui paroiffe point extraordinaire.

M. müj

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