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II feroit feulement à fouhaiter qu'on pût détruire dans une Garenne ce qu'il y pourroit avoir de mâles fuperflus, parce qu'étant fort lafcifs, & ne trouvant pas fuffifamment de quoi contenter leur ardeur, ils tuent les petits Lapins, comme fi ces jeunes animaux en étoient la caufe.

Ainfi donc fur ce principe, & lorfqu'on voudra tirer du Clapier des Lapins pour peupler la Garenne, on n'y mettra qu'un mâle pour trente femelles, il en renaîtra encore affez d'autres.

Des foins qu'il faut avoir des Lapins pendant l'hyver.

Our ce qui concerne les terriers de la Garenne, il ne faut point s'en mettre en peine, les Lapins fe les creufent bien eux-mêmes où bon leur femble, & quand ils font une fois dans ce lieu, on n'a plus de foin après eux que pendant l'hyver, lorfque la neige couvre la terre, ou que la gelée eft bien rude; pour lors il eft bon de leur porter du foin dans la Garenne, les

bien peuple aintenant ainsi en bon état, la Garenne fe trouve toûjours

bien peuplée de bons Lapins. Quand on porte à manger à ces animaux il faut les fifler, & la faim qui les tourmente les accoûtume fi bien au fiflet, qu'ils viennent d'abord qu'on les appelle, & reconnoiffent celui qui d'ordi naire leur porte à manger. D'autres perfonnes peuvent prendre le plaifir de les voir venir par troupeaux pourvû qu'ils foient cachez dans quelque loge faite exprês, autrement les Lapins s'éfaroucheroient & s'enfuïroient.

Il y en a qui difent que pour empêcher qu'ils ne caufent du dégât aux bleds, ni aux vignes, il n'y a qu'à allumer du fouphre fur le bord du côté où ils y viennent, & que la fumée les en chaffe; fçavoir fi ce fecret eft sûr ou non, on peut l'éprouver pour s'en rendre certain.

p.

Des Ennemis des Lapins.

Our entretenir une Garenne en bon état, il faut détruire, autant qu'on peut, les ennemis des Lapins; on prétend que les ferpens leur font la guerre & les tuent: pour cela on ne fçait point de remede, mais ce ne font pas les plus à craindre: les Renards & les autres bêtes noires en font bien un plus grand dégât; on ne peut faire autre chofe pour les détruire que leur donner la chaffe, ainfi que nous le dirons dans la fuite de cet ou vrage; les chats fauvages font encore à craindre pour les Lapins, il faut en tirer au fufil autant qu'on en rencontre & ne les point épargner.

Quand une Garenne eft bien peuplée, c'eft une grande douceur pour une maison de campagne, on leur fait la chaffe de plufieurs manieres, nous en parlerons en fon lieu. Il n'y a que les Seigneurs de haute Juftice aufquels il foit permis d'avoir des Garennes ouvertes ; un particulier peut. en avoir une fermée, mais comme la dépense excede de beaucoup le fruit qu'on en tire, on ne s'avife gueres d'en faire bâtir.

Fffets du

Lapin.

Graiffe de Lapin.

De la difference des Lapins, & du choix qu'on en doit faire pour manger.

I. Es Lapins fauvages font plus délicats & plus agréables au goût que les domeftiques, non feulement parce qu'ils font dans un grand mouvement, & qu'ils contiennent moins d'humiditez fuperfluës, mais encore parce qu'ils fe nouriffent de plufieurs plantes aromatiques, comme de thim, de geniévre & de ferpolet, qui donne à leur chair une faveur plus relevée & plus fine. Les Lapins different beaucoup entr'eux par leur couleur ; car il y en a de blancs, de bruns, de noirs & de jaunes, & d'autres qui font de couleur veinée.

Le Lapin doit être choifi tendre, gras, ni trop jeune ni trop vieux. Quelques Medecins regardent le Lapin comme un mauvais aliment propre à produire des humeurs groffieres & melancoliques; cependant quand il a toutes les qualitez qu'on a marquées, & qu'il eft de Garenne, il caufe peu de mauvais effets, & fert d'un mets très-exquis fur les tables les plus delicates.

Il y a des Auteurs qui fe font plaifamment imaginé que le cerveau du Lapin diminuoit la memoire, parce que cet animal ne fe refouvient pas un moment après des embûches qu'on lui a dreffées, & qu'il vient tout nouvellement d'éviter; mais cette opinion n'eft qu'une chimere mal fondée: on ne s'arrêtera point ici à en faire voir l'erreur.

On fe fert en Medecine de la graiffe de Lapin pour fortiffer les nerfs, ou pour réfoudre les tumeurs,

CHAPITRE XX VII.

De la maniere de conftruire un Etang & un Vivier, & comment
les empoiffonner,

Omme une maison de campagne n'eft jamais plus eftimée que lorsqu'

Celle ne manque de rien de ce qui peut contribuer à la rendre agréable

de toutes manieres, & principalement en ce qui regarde fon revenu. Nos peres qui s'appliquoient entierement à l'oeconomie, jugerent à propos d'inventer des Etangs pour y nourrir du poisson, prévoyant que cette entreprise pouvoit apporter beaucoup deprofit à une maison.

Leur jugement n'étoit pas mal fondé, car on peut dire qu'un Etang est d'un grand produit, quand il eft bien fait, & qu'il eft bien entretenu; ce font deux points bien effentiels, & aufquels il faut faire grande attention & fans quoi tout le travail qu'on s'y donne devient inutile.

De l'affiette de l'Etang.

dans un lieu

L'Aliette d'un
à que
'Affiette d'un Etang doit être dans un lieu bas, fpacieux, fujet à re-
cevoir l'écoulement des caux des pluyes, & le poiffon n'en est que

meilleur, lorfqu'il eft entretenu continuellement de quelques ruiffeaux qui peuvent ne le laiffer jamais manquer d'eau, & un tel avantage se trouve ordinairement au bas d'un vallon.

Le terrein en doit être ferme, fablonneux ou fableux; fi le fond eft d'argile, l'eau s'y tiendra plus long-temps, & l'on doit toûjours choisir pour cela quelque pré qui rapporte peu d'herbes, & qu'on juge pouvoir être meilleur en Etang. On donne à ces Etangs plus ou moins d'étendue que le terrein le permet; pour la profondeur elle ne fçauroit être moins que de huit à dix pieds d'eau dans le milieu, dans le temps que l'eau y eft abondante, & de cinq à fix pieds pendant l'Eté, cela fuffit pour nourrir le poiffon.

C'eft à l'affiette naturelle du terrein qu'il faut principalement avoir égard, car il ne faut pas fe figurer qu'un Etang foit un endroit qu'il faille abfolument creufer pour le rendre parfait, la dépenfe en feroit trop grande, & fi cela étoit, nous n'en verrions pas qui contiennent jufqu'à une ou deux lieues d'étenduë; ce n'eft donc que l'endroit qui y eft propre parfa nature, l'eau qui y vient & la chauffée qu'on y fait pour l'arrêter, qui forme un Etang,& non pas les grandes dépenfes qu'on fait pour le creufer. Cela eft bon pour les particuliers qui ont le moyen de faire de grandes pieces d'eau, & qui les font faire exprès pour la beauté d'un jardin ou d'un grand parc, autrement on fe fert du terrein comme on le trouve.

Dans ce lieu choifi, tel qu'on le vient de dire, l'étang s'étendra au large, & formera de tous côtez une nape d'eau fort fpacieufe; il fuffit que le plan de l'Etang aille feulement en pente, & qu'il ne foit point trop enfoncé, car dans le premier cas la chauffée qui en eft moins élevée, foutient par ce moyen une colonne d'eau bien moins pefante, & coûte bien moins à conftruire.

Cette chauffée doit être conftruite de bons materiaux, comme de bon fibage dans les fondemens & tout le refte de moillon, le tout lié avec de bon mortier; on fait auffi des chauffées de terre graffe bien battue, pour retenir les eaux d'un Etang. Une chauffée eft une espece d'édifice, qui demande qu'on n'épargne rien dans fa conftruction, elle a fouvent de terribles chûtes d'eau à fupporter, & fi elle ne peut y réfifter, elle crève, puis après tout le poiffon s'en va avec l'eau, ce qui n'eft pas une perte peu confideLable pour celui auquel il appartient. Quant à la maniere de construire une chauffée, on laiffe cela à l'Architecte qui l'entreprend, c'eft à lui de Fordonner, & elle fera toûjours bien folide quand il fçaura fon mêtier.

Ilne fuffit pas, quand on veut faire conftruire un Etang, de fe fervir tout à fait du terrein, comme on le trouve, quoique choifi comme on l'a dit ; il faut encore que l'art aide à la nature, c'est-à-dire, il lui faut faire une efpece de lit, qui des deux côtez tire en pente dans le milieu où il y aura un foffe qui regnera depuis la queue de l'Etang jufqu'à la bonde qu'on ap→ plique au milieu de cette chauffée.

La bonde de l'Etang.

1. A Bonde de l'Etang est une grande pale, ou piece de bois, qui fert à boucher la décharge de l'Etang qu'on ouvre dans la chauffée pour en faire écouler les eaux, quand on le veut pefcher, elle fe leve avec une vis & des leviers.

Il y en a pour rabattre la premiere impetuofité des groffes eaux, & pour faire en forte qu'elles n'endommagent point la chauffée, qui mettent au devant de gros pieux d'ormes enfoncez en terre avec un mouton,& éloignez l'un de l'autre de deux pieds feulement; c'eft auffi le veritable fecret pour maintenir long-temps une chauffée en bon état.

A l'ouverture de l'Etang où eft la bonde,on met une grille de fer à petites mailles, afin que lorfque la bonde eft levée, le poiffon ne s'en aille point avec l'eau: outre cette ouverture, on y fera encore une ou deux décharges au côté de la chauffée pour vuider l'eau qui y furabonde ; ces décharges font d'un grand fecours, & empêchent que le trop grand poids de l'eau n'entraîne la chauffée, ou n'y faffe quelque brêche confiderable.

Du temps propre à empoiffonner l'Etang, de la quantité du Poisson qu'il faut pour cela quel est le poiffon qui y convient.

L'Etang étant tout prêt à recevoir le poiffon, on y met celui qu'on fçair le mieux convenir à la nature de fon terroir; ce n'eft pas que l'empoiffonnement ordinaire eft toûjours de Carpeaux, de Barbeaux, de Goujons, quelques Tanches, Anguilles & Brochets. L'eau vive rend le poiffon meilfeur que celle qui ne vient que des inondations ou des pluyes. On obfervera à l'égard des Brochets de n'en mettre que le moins qu'on pourra dans l'Etang à caufe de la deftruction qu'ils font de l'autre poiffon qu'ils mangent. C'eft pourquoi il feroit à propos, fi cela fe pouvoit, de ne point jetter de petits Brochets dans l'Etang que deux ans après qu'on l'a empoiffonné, mais comme parmi l'empoiffonnement qu'on achete, ou qu'on a en referve chez foì, ces poiffons font tous pêle mêle, on fe contente feulement entre cette menuiffaille, d'oter le plus de Brochetons qu'on peur.

Le temps propre pour peupler l'Etang, eft le mois de May, c'eft dans cette faifon que le petit poiffon eft en abondance, & qu'on en trouve de toutes fortes, on remarque neanmoins qu'on le fait bien plûtôt en bien des endroits, car l'Etang n'eft pas plôtôt pefché qu'on en tire tout l'empoiffonnement, qu'on met à part dans un Vivier, puis après la pefche, & que l'eau a suffisamment rempli l'Etang, ony jette ce petit poiffon de reserve, qu'on a pefché dans le lieu où on l'avoit mis, c'eft teûjours environ le temps qu'on vient de marquer: Cet expedient eft le plus sur & le plus. court chemin, parce qu'on n'eft point obligé par-là d'en aller chercher ailleurs, & quelquefois bien loin, ce qui caufe beaucoup de préjudice à l'empoiffonnement, qui étant beaucoup agité par les voitures fur lesquelles on les tranfporte, meurt la plûpart.

Quart

Quant au nombre des petits poiffons qu'il faut pour en bin reupler un Etang, c'eft ordinairement un millier par arpent: il y a des païs où cet empoiffonnement eft appellé Alvin.

&

Des foins que l'Etang exige pour être bien entreteten.

A Près que l'Etang eft empoissonné, il ne faut plus fonger qu'à l'entretenir toûjours en bon état, c'est-à-dire, de prendre garde qu'il ne manque point d'eau, que celle qui y eft ne s'écoule point mal à propos, par des endroits extraordinaires,c'eft de ces foins que dépend la vie du poiffon. On aura fouvent l'oeil fur la chauffée, fur la bonde & fur la grille. pour voir firien n'y manque, fi tout y eft en bon état ; & au cas qu'on trouvât qu'il y eût quelque bréche, il fraudroit promptement y apporter du remede.

Les poiffons dans les Etangs fe nourriffent en partie du limon de la Nourriture du poiffon. terre, & en partie des excrémens de ces Etangs, c'est-à-dire, de Grenoüilles, d'Ecreviffes, de Vermiffeaux, & de plufieurs autres petits infectes aquatiques qui s'y engendrent. Les poiffons fe paiffent auffi de racines, & d'herbes qui croiffent au fond des Etangs ; d'autres fe nourriffent du poiffon même qui a fervi d'empoiffonnement, ainfi que fait le Brochet qui mange le Carpeau, le Barbeau & autres petits poiffons qui lui font inferieurs. C'eft une grande commodité de n'être point obligé de chercher de quoi donner à manger aux poiffons, quand ils trouvent eux-mêmes de quoi fe nourrir dans ce que leur offre la pure nature; c'eft pour cela, qu'autant qu'on le peut, il faut toûjours avoir quelque Etang dans une maison de campagne, le profit en eft grand, & le plaifir d'en tirer du poiffon pour la table, encore davantage.

Du temps, & comment pefcher l'Etang.

A Près qu'on a empoiffonné l'Etang, on le laisse de repos pendant quatre ou cinq ans, après lequel temps on le pefche. Il y en a qui n'attendent que trois ans, & c'eft ordinairement le temps fixé que prennent ceux qui amodient les Etangs pour les pefcher : il eft vrai que le poiffon n'en eft pas fi beau que fi on tardoit davantage, mais l'argent qui en vient tous les trois ans fait boucher les yeux là-deffus; ainfi donc on agira en cela comme on le jugera .à propos.

La faifon de pefcher les Etangs, eft ordinairement le mois de Mars, c'est pour lors que le poiffon eft dans l'état qu'il faut qu'il foit pour être bon. Cette pefche le fait en ouvrant la bonde, & laissant par cette ouverture écouler toute l'eau de l'Etang, jufqu'à ce qu'on voye le poiffon fauter fur ļa bourbe; pour lors plufieurs hommes prennent des paniers, ils se bottent & vont ainsi dans l'Etang amaffer tout le poiffon qu'ils y trouvent, & le portent fur la chauffée dans des vaiffeaux pleins d'eau qui l'attendent pour le voiturer où l'on fouhaite.

fe

Il faut bien fe garder pendant le temps qu'un Etang eft empoiffonné, d'y aller tous les jours pefcher du poiffon pour la provision du ménage; cette

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