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fers, il veut être bien plus menagé : car quand il meurt, tout eft mort pour le maître, hors la peau qu'il vend à l'écorcheur; il eft vrai auffi de dire, qu'un Cheval laboure plus de terres en un jour que le Boeuf n'en fait en trois ; c'est pourquoi on s'en fert en bien des endroits, outre que les Chevaux ne font pas feulement propres à la charruë, mais encore à la felle & au charroi.

Quant aux Mulets & aux Mules, ils font trop capricieux pour valoir les Chevaux en fait de labourage & autres exercices qui leurs conviennent; les Anes font très-lents à la charruë, & s'ils ne dépenfent gueres, ils ne rendent auffi gueres de fervice ; il n'y a que les pauvres gens qui n'ont point de quor avoir des Chevaux, des Boeufs ou des Vaches, s'en fervent encore faut-il que la terre où on les employe foit fort legere.

qui

Le bétail qu'on deftine au labourage doit être choifi fort, d'un bon corps, & le plus jeune qu'il eft poffible, il n'y a plus après cela qu'à les fçavoir ménager, & les nourrir comme nous l'avons dit, après cela ces bêtes rendent de bons fervices.

Si l'on veut que les animaux qu'on deftine au labourage employent iutlement leur temps, il faut leur tenir tous leurs harnois en bon état, que rien n'y manque; car fans ce foin, ils ne font que la moitié de l'ouvrage, encore le font-ils quelquefois imparfaitement.

Qu'on fe donne bien de garde d'employer ces animaux au labourage pendant la pluye, la neige & les autres frimats qui rendent le travail inutile, & qui morfondent les Boeufs ou les Chevaux. Les bêtes de labour ne veulent être ni trop graffes ni trop maigres ; celles-ci font pareffeuses à l'ouvrage, & comment y auroient-elles du courage, puifque tout ce qui peut leur y en donner leur manque ; quand elles font trop graffes, elles vont auffi lentement, mais c'eft par un effet contraire; le trop de fubftance dont elles font remplies empêche les efprits du fang d'agir en elles auffi fubitement qu'ils feroient, fi elles étoient moins pleines de chair.

Voici une obfervation qui regarde le labourage, & qu'il eft bon de favoir quand on veut y réüffir. Ce n'eft pas le tout que de bien labourer, il faut Jabourer beaucoup, fi l'on veut tirer un grand profit de fon labour.

ILY

Saifons pour labourer les Terres.

Ly a des faifons propres pour toutes chofes, le labourage a les fiennes, qui lui font particulieres, & qu'on ne doit point laiffer paffer inutilement, étant fort dangereux pour les terres quand elles ne font pas remuées à propos, cen'eft pas le tout que de courir, comme dit le Proverbe, il faut partir à l'heure, devancer le labour des terres, c'eft leur faire tort, ainfi lorfqu'on le recule, le trop tard, dit un bon Agriculteur, en fait de labourage eft la ruine du ménage.

Il ne faut jamais labourer la terre quand elle eft trop feche ou trop hu- Maximes à mide, la trop grande fechereffe fait que la terre qu'on laboure s'exhale obferver. de ce qu'elle a de meilleurs principes pour la végetation, parce qu'il n'y a pour lors que les terres legeres & fabloneufes qu'on puiffe cultiver, &

Qu'il faut confulterla

terres.

comme leur fubftance ne fe diffipe déja que trop inutilement par les ardeurs du foleil qui les penetrent aifément, il arrive que pour peu qu'on les remuë en ce temps, elles s'affoibliffent & ne font prefque plus propres à faire agir les femences, outre qu'une terre, quelque legere qu'elle puiffe être ne fe manie jamais affez bien quand elle eft trop feche; pour peu qu'on veuille enfoncer le foc, la Charruë ne roule qu'en fautant & fatigue extremement les bras de celui qui la guide; fouvent ce foc fe brise contre le corps dure qu'il trouve, & croyant ainfi avancer l'ouvrage, on le recule: il faut fuivre ce Proverbe, qui dit,

Qu'au fond qui eft fans humeur

Ne touche le Laboureur.

Il ne faut point non plus labourer les terrres qui font trop imbibées d'eau, ce labour ne fait que les reduire en mortier, & les durcir après, quand le hâle a donné deffus, de maniere qu'on a bien de la peine enfuite à les ameublir, & les femer fans être meubles, c'eft jetter la femence dans des pierres, les terres fortes & les terres d'argille font celles pour lesquelles principalement on parle ; car les fabloneufes ne font pas fi fujettes à ce défaut. Il y a un autre Proverbe qui nous dit,

Qu'il vaudroit mieux faire le fou

Que de labourer en temps mou.

On laiffe les terres en repos pendant l'hyver, parce qu'on perdroit fon temps à vouloir les remuer, chaque ouvrage dans l'Agriculture a fa faifon, l'ordre n'y veut point être perverti; mieux vaut faifon que labouraifon, ont dit autrefois nos peres, & l'experience nous a fait voir jufqu'ici qu'ils a

voient raifon.

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Qu'il faut donner les labours felon que la nature de chaque terre le demande.

L faut donner les labours aux terres felon que la nature de chacune le demande ; les terres fabloneufes & legeres veulent qu'on les laboure apres une pluye, les fels ne s'en exhalent point, & agiffent enfuite avec tout le fuccés poffible pour la vegetation. Plus une terre eft graffe, forte & abondante, plus elle veut être cultivée, afin de détruire les mauvaises herbes qui abforbent la meilleure partie de la fubftance. Les terres maigres ne doivent point être fouvent remuées pour la raifon dont on a parlé au fujet des terres legeres.

Les terres generalement parlant, reffemblent en quelque façon aux bêtes portée des de charge qu'on accable fous les fardeaux extraordinaires qu'on leur donne ces terres ne veulent point qu'on les furcharge de femence, il faut avant que de les enfemencer, confulter leur force, & voir ce qu'elles peuvent produire, & l'on ne rifquera jamais rien en cela quand on ira du plus au moins.

Ily a des terres bien plus abondantes les unes que les autres, mais telles

telle qu'elles foient, lorsqu'elles font bien cultivées & en fai on, il n'y en a point qui ne rendent toûjours avec ufure ce que leur maître leur a prêté, Ce n'eft pas qu'on puiffe pofitivement déterminer le rapport de ces terres, mais on peut dire qu'un bon ménager a lieu d'être content, quand genera lement fon domaine, le fort portant le foible, lui rend cinq à fix pour un, n'eftimant pas que dans toute la France il y eût des terres qui puiffent tanc bonnes que mauvaises, produire davantage, l'une mêlée parmi l'autre.

Pour peu qu'un domaine foit étendu, on y remarque ordinairement Terres de des terres de trois fortes de temperamment, fçavoir des terres graffes ou trois fortes fertiles, des terres moyennes & des terres maigres, & plus. toujours des de tempeunes que des autres felon la fituation du lieu & la temperature du ciel ramment. qui y influë..

On destinera les bonnes terres pour y mettre du froment ou du méteil, puis après de l'orge, de l'avoine ou des legumes, & cela alternativement Repos ne& tous les ans ; ces terres, quand elles font remplies de beaucoup de fub- ceffaire aux ftance ne fe laffent point de porter, mais pour ne s'y point tromper, il en faut bien étudier le fond.

terre.

Virg.Geor

Vous laifferez, dit Virgile, de deux ans l'un, repofer les terres après la 1. 1. moiffon, & n'y femant rien, laiffez-les endurcir par le repos, c'eft ce qu'on doit obferver à l'égard des terres mediocres, afin que pendant qu'elles fe repofent les influences du ciel réparent en elles les fels qui s'y font épuisez durant leur travail.

Il y a d'autres terres qui font fi maigres qu'à moins qu'elles n'ayent deux ans de repos, elles ne produifent que très-peu de chofes, & fouvent même ne dedomagent pas leur maître de fa femence, de fon fumier, ni du temps qu'il a mis à les labourer, ainsi c'est à la prudence de celui qui les a, de voir ce qu'il en peut faire.

Les terres les plus fertiles veulent auffi du repos, c'eft pourquoi, on peut après qu'elles auront porté trois années de fuite, les laiffer repofer une année, elles n'en valent que mieux, c'eft ainfi qu'en agiffent là plûpart des Laboureurs les plus experimentez dans l'Agriculture.

En quel temps il faut donner le premier labour aux Terres.

Es differens païs décident des temps divers dans lefquels on doit donne le premier labour aux terres, ce qu'on appelle en des endroits, faire la caffaille,en Bourgogne les fombres, en d'autres lieux égerer & jacherer, en Normandie froiffer la jachere,& en Languedoc mouvoir.

Dans la plupart des endroits de nôtre France, cette caffaille ou ces fombres, comme on voudra dire, fe fait fi-tôt que les Mars ou les petits bleds font femez: il y a des Contrées où on commence à donner cette façon dès que le champ eft moiffonné, & que les gerbes font transportées dans les Granges.

Pour donner comme il faut cette premiere façon, il ne faut pas beaucoup enfoncer le foc dans la terre, quatre doigts de profondeur fuffisent & que la terre foit maniée plus également, on trace les rayes fort près Pune de l'autre, & le plus en droite ligne qu'il eft poffible. Cette ma

afin

Tt

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THEATRE niere de labourer d'abord la terre fatigue les animaux qui tirent la charruë & l'homme qui la conduit, parce que c'eft dans le temps que cette terre eft plus compacte & plus forte. On n'entamera pas auffi une terre qu'on ne juge que le foc y puiffe entrer, car autrement ce feroit peine perduë, fi bien que cette façon peut fe donner après une pluye.

Si le champ cft fitué dans un terrein plat, il dépend de la fantaisie du Laboureur de commencer à le labourer, de quelque côté qu'il voudra, & qu'il jugera neanmoins le plus à propos pour la commodité du champmême. Quelques-uns labourent dabord ce champ de travers, d'autres fuivent les vieux fillons dans toutes leur longueur, c'eft l'ufage du païs qui decide de cela.

Si c'eft fur un côteau qu'on laboure,& dont la pente foit un peu rude,on labourera en travers, la méthode en eft très bonne, & les Boeufs ou les Chevaux s'en trouvent moins fatiguez. Il eft bon que le Laboureur marche toûjours dans la raye qu'on a nouvellement tracée, afin de ne point trépigner le guéret, & que les rayes en foient plus droites.

Un Laboureur bien avifé, quand il va au labourage, fe munit toûjours de quelque outil tranchant pour raccommoder fa charrue, s'il vient à s'y rompre quelque chofe, ou bien il s'en fert pour couper les branches d'arpre bres qui lui nuifent ou les groffes racines qui arrêtent la charuë; cet expedient vaut mieux que de s'efforcer à les vouloir rompre par la violence des Chevaux ou des Boeufs, car on rifque de brifer entierement la Charruë.

Dans les païs où ce premier labour fedonne incontinent aprés la moiffon, ils ne commencent à ouvrir la terre qu'après une grande pluye,& renverfent pêle mêle les chaumes qui y font, prétendant par-là engraiffer les terres. D'autres brûlent ces chaumes, tous plantez qu'ils font, puis ils mettent la charruëe dans le champ, la cendre de ce chaume brûlé eft un amandement très profitable pour les terres, & qui contient des fels, qui étant portez dans les femences, s'y nichent & s'y fixent de maniere qu'ils donnent ainfi un très-bel accroiffement à ce qu'on y veut commettre outre que cette maxime de brûler le chaume fait mourir jufqu'à la racine des mauvaiVig.Gor. fes herbes, & mille petits infectes qui nuifent aux bleds.,, On a bien fou,, vent, dit un ancien Auteur, amandé des champs, en mettant le feu au chaume qui jettoit des flammes petillantes, foit que la terre en reçoive ,, des vertus occultes, & quelque bonne fubftance, ou que le feu lui ,, confume ce qu'elle peut avoir de mauvais, & deffechant fa trop grande humidité, lui ouvre plufiuers conduits & des pores fecrets par où les ,, herbes reçoivent une nouvelle nourriture.

1. 1.

Chaume à

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D'autres arrachent ce chaume avec des faucilles qu'ils mettent en gros quoi utile. meûles, & dont ils fe fevent après, ou pour couvrir des maifons, ou pour faire de la litiere aux beftiaux, ou enfin pour chauffer le four. Ce ménage fe pratique dans le temps qu'on ne fçait à quoi s'occuper à l'Agriculture, & on n'y employe que des femmes & des enfans,

ner,

Biner la Terre fecond labour.

A feconde façon qu'on donne aux terres s'appelle Binage, du verbe bifi bien qu'on bine les terres un mois ou fix femaines après qu'elles ont eu leur premier labour, cela dépend du terroir, & felon que les méchantes herbes y croiffent plus ou moins vite. C'est cette production dangereufe qui détermine les temps du binage, & il ne faut pas attendre qu'elles y ayent pris toute leur croiffance, on doit les détruire dès qu'elles commencent à y pouffer, & ne pas fouffrir qu'elles y confument beaucoup de substance; car ce feroit autant de fels perdus pour le bled qu'on fe prépare à y femer. Dans les endroits où le premier labour fe fait dès le lendemain que les gerbes font hors du champ, on bine les terres à Noël quand le temps le permet.

On ne peut pas veritablement déterminer le nombre de labours qu'on doit donner aux terres avant que de les enfemencer ; les terres fortes par exemple, en fouffrent jufqu'à cinq, parce qu'elles font fort fujettes à produire des herbes qui leur nuifent ; les terres legeres & fabloneufes ne fe remuent point fi fouvent, maispour maxime inconteftable dans le labourage, on doit labourer les terres qu'on veut emblaver, autant de fois qu on y voit croître les mauvaises herbes.

A

Tiercer la Terre toifiéme labour.

Près cette feconde façon, on tierce les terres, c'eft-à-dire, on leur donne le troifiéme labour quand les herbes dangereufes nous y obligent: c'est le veritable point auquel il faut s'arrêter, ce labour ainfi que le précedent, doivent être plus enfoncez que le premier, d'autant qu'on le peut aifément fans fatiguer les bras de celui qui manie la charruë, ni les animaux qui la tirent.

S'il faut donner un quatrième labour avant la femaille, on ne le negligera point, mais il faut qu'il foit leger; quelques-uns labourent alors leurs terres en travers, & pour cela ils appellent cette façon traverfer, elle ne convient pas à toutes fortes de terres, & principalement à celles qui font dans des fonds & fujettes à s'imbiber d'eau ; les rayes de travers empêchent qu'elles ne s'écoulent, & fouvent elles en retardent de beaucoup la femaille, ce qui ne peut leur être que préjudiciable.

Ceux qui devancent le premier labour devant l'automne, donnent leur troifiéme au mois de Mars, & continuent de labourer leurs terres pendant l'Eté, autant de fois qu'ils le jugent à propos, & jufqu'à ce qu'ils les enfemencent. Cette maxime s'obferve dans le Vivarez, dans la Principauté d'Orange, & dans plufieurs autres païs circonvoisins, où l'on donne jufqu'à neuf façons aux terres, avant que d'y commettre la femence, la derniere doit fe faire à la fin d'Août.

On fe fouviendra encore qu'il faut que les labours, à mefure qu'on les donne, foient toûjours profonds de plus en plus, & enfoncer le foc jufqu'à la mauvaife terre, & non point plus avant, on ne doit point l'a

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