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Virg. Geor

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mener la fuperficie, c'eft une terre morte qui n'a point de fels & qui n'en eft pas fufceptible, & par confequent incapable de produire aucun bon effet. Un Laboureur dans ces fortes de terres n'en doit prendre que trois ou quatre doigts en profondeur.

Si l'on pouvoit toûjours labourer après une pluïe, & lors que l'eau s'est écoulée, ou imbibée dans la terre, le guéret n'en vaudroit que mieux, mais comme le temps n'est pas toûjours ainfi propice, & que quelquefois le grand nombre de terres qu'on a à labourer ne permet pas qu'on le choisisse, on donne les façons aux terres quand on le peut, mais cependant jamais quand elles font trop humides ni trop feches.

Ce que c'est qu'émoter les terres, & de l'avantage qu'ily a de le faire.

A méthode d'émoter les terres fortes, eft très-avantageufe pour leur Lculture; cette façon fe donne après le premier labour, & on le fert

pour cela d'une espece d'inftrument qu'on appelle Caffe-morte, dont nous avons parlé dans le Chapitre précedent, & qu'on peut connoitre par la figure qu'on en a faite.

Cette façon rend la terre unie & la difpofe à recevoir plus facilement les autres labours, cela fe fait à tour de bras ; quelques-uns fe fervent encore de la tête d'une coignée, avec laquelle ils caffent les mottes ; d'autres ufent pour ce travail d'un rouleau appellé Cylindre, ou d'une herse garnie de groffes dents de fer bien pointues, & chargée de quelque groffe pierre pour lui donner du poids.

Ce feroit une chofe fort avantageufe de pouvoir foi-même labourer fes terres, elles en deviendroient bien plus fertiles, parce qu'avant que de les labourer on en approfondiroit la qualité bien plus exactement que ne fait pas un autre qui y a moins d'interêt, & par-là on jugeroit bien mieux de ce qu'elles font capables de porter; & pour revenir à l'avantage qu'il y a de caffer les mottes d'une terre qui en eft remplie : voici ce qu'en dit Virgile

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Celui qui caffe les mottes avec un rateau & une herse fait un grand bien à fon champ, & Cerés lui jette du ciel des regards très-favorables ,, c'eft-à-dire, que cette façon rend un champ très-fecond; reste à prefent, après avoir parlé des labours, des terres, d'entrer en connoiffance de la nature de chacnne en particulier.

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Des differentes fortes de Terres propres au Labourage, de leur nature, & à quoi propres chacune en particulier.

LA Terre eft le fondement de l'Agriculture, c'est une mere toûjours

portée pour le bien de fes enfans, & qui les favorife plus ou moins, qu'elle fent qu'ils font affectionnez à la cultiver. Il eft vrai qu'il y a des

terres bien plus fecondes l'une que l'autre, & qui rendent avec bien plus d'ufure ce qu'on leur a confié, & qu'on en voit même qui font tout-à-fait fteriles; mais comme ce ne font point cel les-là que nous envisageons dans l'Agriculture, nousparlerons des autres qu'on n'y employe point inutilement, & nous entrerons en connoiffance de ce qu'elles font capables de produire chacune en particulier.

N

Ous

Combien il y a de fortes de Terres.

comptons de deux fortes de terres, la Terre forte & la Terre legere, & chaque efpece de ces terres fe fubdivife en d'autres, ainfi que nous l'allons faire voir.

Sous le nom de terre forte, nous comprenons les groffes terres dont le corps eft maffif & pefant, ce qu'on fent lorfqu'on manie la Terre grasse & la Terre argileufe, voyons fans aller plus loin, ce que ces terres peuvent produire par elles-mêmes, afin que les y employant, le Laboureur ne foit point trompé dans fon attente.

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forte.

La terre forte eft de plufieurs couleurs, il y en a d'un jaune clair & d'un La Terre jaune noirâtre ; celle-ci a toûjours paffé pour la meilleure, n'étant pas fi compacte que l'autre, & étant par ce moyen plus fufceptible des influences du ciel, qui la penetrant plus aisément, en augmentent non feulement bien plus la fubftance, mais encore en font agir les fels avec bien plus d'efficace: fes pores fe trouvent toûjours affez ouverts pour permettre aux racines des plantes de s'y étendre aifément, & pour donner un parfait accroiffement aux tiges qu'elles pouffent, & qui font les parties qui nous apportent le fruit que nous efperons ; ces terres font merveilleufes, peu fujettes aux amandemens, parce que la nature y a affez pourvû de ce côté-là, il ne leur faut que des labours donnez en faison, & autant qu'il leur en convient pour rendre riche un Laboureur.

L'autre terre de cette efpece eft auffi beaucoup fertile, mais ayant un corps plus compacte, & étant d'une fubftance moins abondante en bons principes, on ne l'eftime pas tant que la premiere, outre qu'elle eft plus fujette à fe durcir, fur tout lorfqu'on la remue immediatement après une pluye, ce qu'il ne faut jamais faire; ces deux fortes de terres produifent beaucoup de froment, & c'eft auffi à elles qu'il faut le plus confier ce grain, & on peut dire qu'elles le rendent avec grande ufure.

Quelquefois auffi les pluyes trop frequentes du mois de Mai les font tomber dans un inconvenient fâcheux; car pour lors le bled qu'on y a femé ne travaille qu'en herbe, ce qui donne beaucoup de paille & peu de grain, qui fouvent auffi dans ces années pluvieufes fe convertit en yvroye; mais quand les années font feches raifonnablement, ces champs font tellement couverts d'épics, qu'on eft furpris de voir la quantité de gerbes qu'ils donnent & du grain qu'ils rendent quand on les bat.

on

Ces terres font excellentes auffi pour les autres grains, mais on y en met le moins qu'on peut, parce que le froment étant bien meilleur, y met toûjours de ce bled autant qu'on le juge à propos, & que la nature de la terre le permet; fi on leur veut donner du repos, on y femera

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de l'avoine ou de l'orge pour les laiffer après en jachere.

On entend fous Terre graffe celle dont le cotps a des parties gluantes & tenaces; cette terre fe durcit au moindre hâle qui la furprend, c'est pourquoi, fi l'on ne fçait la prendre à propos, il eft difficile de l'ameublir & de la rendre par-là capable de produire bien du grain. Cependant quand une telle terre eft cultivée en faison, on n'y perd point fa femence.

La terre graffe eft ordinairement jaune, fort fujette à s'imbiber d'eau, ce qui détruit fouvent en elle la plus grande partie des principes qui concourent à la vegetation; le froment vient bien dans ces fortes de fonds pourvû qu'il ne pleuve point trop, mais le méteil y croît plus sûrement & avec moins de danger, & encore mieux le feigle qui n'eft point fujet à degenerer enyvroye : les autres menus grains y viennent auffi très-bien.

Il y a encore une autre efpece de terre forte fituée dans des fonds & dont le naturel eft d'être toûjours froid, à caufe des eaux qui y filtrent inceffamment, ce qui arrive aux terres qui font en prez & qu'on a défrichées pour porter du bled; elles ne manquent point de fels à la verité, mais elles ont un défaut, que ces fels après avoir agi affez heureusement pendant quelques années, fe trouvent n'avoir plus tout-à-fait de rapport convenable à la tiffure du bled qu'on y a femé, d'où vient qu'il dégenere & fe convertit tout en paille, & que fi c'eft de l'avoine qu'on y feme, ce n'eft qu'une avoine d'un grain très petit, venue neanmoins fort druë, & qu'on appelle en des païs Avoine folle, cette avoine n'eft propre que pour être donnée aux beftiauxen guife de fourage:telle terre rend auffi toûjours plus de profit en prez qu'en terre labourable.

Pour la Terre argilenfe, elle n'eft propre à rien qu'à faire des pots ou de la vaiffelle de terre, c'eft pourquoi on l'appelle Terre à pottier, on l'employe auffi pour faire du conroi, c'eft pourquoi il eft inutile d'y femer aucun grain, car pour le peu qu'elles ayent de parties convenables à la vegetation, ces parties fe trouvent tellement embaraffées dans leur mouvement, qu'au lieu de fe porter à la femence qu'on y commet, elles s'émouffent, ou plûtôt elles fe détruifent de maniere qu'elles n'y peuvent rien operer d'avantageux.

Quant aux Terres legeres, nous les fubdiviferons auffi en plufieurs efpeces, fçavoir en Terre legere, naturellement, en Terre fablonenfe, & en Terre pierreufe.

La terre legere naturellement eft celle qui n'eft compofée que d'une terre dont les parties font feparées l'une de l'autre, & ne font point corps, tour y eft volatile; elles font cependant de très-bonnes terres quand on fçait leur donner leurs façons à propos, & ainfi que nous l'avons dit dans le chapitre précedent, autrement, ou leurs principes s'exhaltent inutilement dans leur mouvement, ou ils ne font propres à produire que très-peu de chofe; il y en a de plus fubftantielle l'une que l'autre, les meilleures conviennent au froment, & les autres font propres pour le méteil & pour le feigle, qui veut fur tout, comme dit le Proverbe, être femé en pouffiere.

Il y a des terres legeres de plufieurs couleurs, de grisâtres & de noirâtres, celles-ci ont coûtume d'être meilleures que les autres.

bloneufes.

On entend encore fous terre legere les Terres fablonenfes, parce qu'en ef- Terres fafet elles ont le corps fort poreux & fe manient très-facilement ; ces terres fabloneufes font encore de deux fortes, l'une d'un corps plus compacte & plus fubftantiel que l'autre : la premiere convient fort bien au froment, & ce grain y multiplie en abondance: elle convient encore à toutes fortes de legumes, au panis, au méteil & auris.

Ces terres different auffi en couleur, il y en a de noirâtres, de jaunes & d'un jaune blanchâtre, les noirâtres font les plus eftimées quand elles ont bien de la fubftance, car il y en a de cette couleur qui ne font propres qu'en landes, qui font des terres vaines & vagues que les Laboureurs negligent, & qui ne produisent que des genêts, des bruyeres & des broffailles, ainfi qu'on en voit beaucoup en Gascogne, du côté de Bordeaux & en plufieurs autres endroits du Royaume.

On fait bien du cas dans le labourage des terres fabloneufes qui font jaunes, lorfqu'elles ne font point trop humides, le froment y pullule beaucoup, & il fuffit que quelque humidité foûterraine lui procure de la fraîcheur pour entretenir l'humeur radicale de la plante qu'on lui confie.

Pour les terres fabloneufes d'un jaune blanchâtre, elles ne valent pas. les autres à beaucoup près, elles font la plûpart tellement dépourvûës defels, qu'il n'y croit que certaines plantes qui n'en veulent que trèspeu pour agir, c'eft pourquoi on n'y feme que du bois, ou du bled farafin.

Teric fa

Il y en a encore d'autres de cette couleur, dont le grain n'eft que pur bleufe. fable, ce qui fait qu'on les nomme Terres fableufes, ces terres ne font propres à rien qu'à écurer la vaiffelle.

Terre pier

Les Terres pierrenfes font encore la plupart des efpeces de terres legeres, reufe. ce ne font pas celles qui rapportent le plus de grain, mais comme il faut s'en fervir telles qu'on les a: voici comment on doit les regarder par rapport à ce qu'elles font capables de produire.

Les terres pierreufes & jaunâtres, & dont le cailloutage eft petit, font très-bonnes pour y femer du méteil, le froment n'y vient pas fi bien, & pour cela il faut qu'elles foient fituées dans un fond qui puiffe les rendre un peu fraîches, parce que le froment aime un peu l'humidité: le feigle y croît auffi à merveille, l'orgey devient beau & bien nourri, & l'avoine de même, mais elle n'y leve pas fi druë.

On voit des terres pierreufes rougeâtres, & dont les pierres font groffes, ces fortes de terres font ordinairement fort ingrates, il ne faut y femer que du feigle ou du méteil dans celles qu'on connoît pour être les meilleures de ce genre; les fels font rares dans ces terres, outre qu'ils y volatifent trop par le mouvement rapide qu'y cause la chaleur du foleil, ce qui fait qu'il s'en diffipe beaucoup fans rien produire.

Il ya encore une autre forte de terre pierreufe noirâtre & 'dont le cailloutage eft celui dont on fe fert pour faire des pierres à fufil. Ce terroir ne vaut rien tout-à-fait, il est trop brûlant pour y femer du grain, c'est pourquoi on en voit beaucoup en friche dans les païs où ces terres font

communes.

Et toutes ces terres pierreuses, pour bien faire, doivent être épierées,

Terres de Landes.

Terre crave & d'ardoife.

de

c'eft-à-dire, qu'on en doit ôter une partie des pierres, fi l'on veut qu'elles produifent beaucoup.

A l'égard des terres de landes, dont on a déja parlé, on peut, fi l'on veut, les mettre en nature; & pour y bien réüffir, il faut les déchaumer avant l'hyver, & leur donner de frequens labours, comme aux terres legeres, jufqu'à ce qu'on veille les femer, ou pour lors on les fume le plus qu'on peut. Il y en a qui la premiere année y fement des féves, ou des lupins, parce, difent-ils, que cela les engraiffe, lorfqu'on y enterre leurs coffats en les labourant.

Nous avons encore des terres pierreufes qui ne font que de craye & d'ardoife; elles feroient fans doute infertiles fans le fecours des labours donnez à propos, & des amandemens qui leur conviennent, ce qu'on dira dans l'article des fumiers, mais auffi moyennant ce fecours, on en tire du profit Les Terres marécageufes ne conviennent point du tout à la nature du récageufes. bled, de quelque efpece qu'il puiffe être; il faut regarder ces terres comme des fonds à faire des prez, fi'l'eau n'y fejourne point trop long-temps.; en ce cas, on y plantera du bois d'Aune de la maniere qu'on le dira c'eft le meilleur profit qu'on en puisse tirer.

Terres ma

Terres no

On entend par Terres novales celles qui ont été nouvellement défrichées vales. & mifes en valeur, ce qui arrive fouvent dans les païs où il y a beaucoup de bois de futaye, lefquels après avoir été coupez font convertis en terras labourables, & pour cela, on arrache les arbres avec leurs racines. Ces terres rapportent beaucoup les trois premieres années de fuite, fans qu'il foit befoin de les fumer. Les feuilles des arbres qui depuis long-temps y font tombées & s'y font confommées, ont communiqué quantité de fels en ces terres, lefquels n'ayant nul rapport à la tiffure des racines des arbres ont toûjours resté infructueux jufqu'à ce qu'on y feme du bled, où pour lors ils agiffent très-bien, & le font croître en abondance. Ces terres s'épuifent de fubftance, ainfi que les autres, & quand on s'en apperçoit, on les laiffe repofer, puis on les engraiffe, & on leur donne les labours qui leur font

Autres ter

neceffaires.

Souvent la trop grande abondance des fels dont les terres novales font remplies la premiere année qu'on les défriche, eft caufe que le bled y vient trop dru, de maniere qu'il pouffe tout en herbe & peu en grain, ce qui ne donne prefque rien que de la paille; cet inconvenient eft un peu fâcheux, mais on y remedie aifément, fi d'abord qu'une terre novale eft défrichée on commence par y femer de l'avoine, cette premiere production abforbe cette grande abondance de fubftance qui ne peut que nuire au bled qu'on y feme, mais auffi après le bled y fait merveille.

On fait encore des terres novales des prez qu'on ne juge plus être proies novales. pres à donner beaucoup de foin, on peut les convertir en terres labouraBelle Fo- bles à l'aide de la charrue feulement, par le moyen des frequens labours de l'Agric. qu'on leur donne, mais voici une autre méthode qui femble très-bonne pour y réüffir.

rêt 11. jour

F. 39.

On leve avec une béche la fuperficie de ces prez par petits gazons lar ges d'un pied & demi, & épais de deux doits dans une espace de ce pré

d'environ

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