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Bled de

Turquie, ou bled

d'Inde, Mays.

ou

qu'il eft encore jeune, il faut l'arracher en farclant le champ, car il nuit au bon Millet, qui eft le petit, & empêche qu'il ne donne beaucoup de grain. Le Millet amaigrit beaucoup la terre où on le feme, c'eft pourquoi, lorfqu'on y veut femer quelqu'autre grain, il faut la bien cultiver & l'ameliorer par le moyen des fumiers.

N

De la maniere de faire du pain de Millet,

Ous avons dit à la page-85. qu'on faifoit du pain de Millet: voici comment cela fe pratique. On prend trois ou quatre livres de farine ou davantage pour le matin & autant pour le foir, on les met dans une chaudiere avec cinq ou fix livres pefant d'eau qu'on laisse bouillir jufqu'à ce qu'elle s'éleve; cela fait on l'ôte de-deffus le feu, puis on prend une gache ou un bâton rond avec lequel on remue le Millet en tournant jufqu'à ce que cette pâte foit rompue & afinée, puis on l'ôte de la chaudiere on la coupe en plufieurs morceaux, & on la mange avec du fromage ou du fucre, c'est ainfi que vivent la plupart des Bearnois.

Il feroit à fouhaiter que tous ceux que s'exercent à l'Agriculture fuffent pleinement convaincus du profit qu'on tire du Mays, appellé vulgairement Bled de Turquie, lorfqu'on prend foin de le cultiver; on peut dire que ce feroit un fecret qu'ils auroient trouvé contre les malheurs que pourroit caufer une difette de bleds, telle qu'elle fut, puifqu'il eft certain qu'où ce grain croît en quantité, les peuples à beaucoup près ne fouffrent pas de la faim comme les autres où ce grain eft negligé.

Le bled de Turquie que d'autres appellent bled d'Inde, eft affez connu, fans qu'il foit befoin d'en faire la defcription; il y en a de plufieurs couleurs, fçavoir de jaune, de rouge & de prefque noir, le tout par l'écorce; car la farine en eft toûjours jaunâtre, le grain en eft dur & fe cultive de la maniere qui fuit.

La terre où on le met veut être bien préparée; plus elle eft fubftantielle mieux ce bled y croît, rapporte de plus beaux épis & un grain mieux nourri, c'eft ordinairement au mois de Mars qu'on le feme: voici comment.

L'efpace de terre qu'on lui deftine étant bien ameubli, on y trace des fillons larges de trois pieds, fi l'ufage des fillons eft établie dans le païs où l'on eft, finon, on fe fervira du champ labouré felon la coûtume du lieu"; on fait fur ces fillons avec un petit piquet des trous éloignez l'un de l'autre de quatre doigts ou environ, fans qu'il foit befoin pour cela d'alignemens tirez au cordeau, c'eft l'oeil & la main qui doivent conduire le tout: après cela, on met un grain de ce bled dans chaque trou; quelques-uns font d'avis de le faire tremper pendant une nuit dans l'eau, la maxime en eft bonne, puis on couvre ce grain avec des rateaux, ou pour le mieux avec une herfe garnie d'épines, après quoi on le laiffe pouffer comme il plaît à la nature: il faut être plufieurs pour faire cette femaille & felon qu'on y veut employer de terrein, parce que tandis que les uns font des trous, les autres y jettent la femence, & les autres la couvrent.

Quand ce bled eft levé à la hauteur d'environ un pied, & qu'on voit que les mauvaises herbes y croiffent, il faut en éclaircir les endroits qui pa

foiffent

roiffent trop durs, de maniere qu'on puiffe donner un petit labour à ces plans avec une binette, petite pioche ou piochon, comme on voudra l'appeller, dont le fer fera large feulement de deux ou trois doigts. Il fuffit que ce labour foit profond environ d'un pouce, il fe donne, comme fi on vouloit gratter la terre: cette façon détruit les herbes qui leur nuifent, elle leur fait jetter un beau tuyau, du grain bien nourri & en abondance; c'est assez pendant toute l'année qu'on donne cette culture extraordinaire au bled de Turquie.

Il faut bien fe donner de garde de laiffer perdre ce qu'on a arraché de fuperflu de ces plans, il n'y a rien de meilleur pour le bétail, ni qui le nourriffe davantage. Un bon Laboureur peut femer de ce bled jufqu'à un arpent, lequel étant bien cultivé, eft capable pendant toute l'année de nourrir une famille raifonnable par les differentes manieres, outre le pain qu'on en fait, en quoi on fçait en déguifer la farine.

Le temps de recueillir le bled de Turquie, eft après qu'on a moiffonné les avoines, & qu'on voit que le grain eft mûr, ce qui fe connoît aisément lorfqu'il eft dur au manier ; chaque tuyau s'arrache l'un après l'autre, puis on le charrie dans la Grange ou autre endroit, pour en ôter les épis qu'on porte entiers au Grenier; on garde les feuilles & les tuyaux de ce bled pour donner aux Vaches pendant l'hyver.

Le bled de Turquie eft fort commun dans la Bourgogne, dans la Franche-Comté & dans la Breffe où l'on en cultive beaucoup.

Le bled Sarrazin eft un grain affez commun dans la France, il vient bien Bled noir en toutes fortes de terres, maigre, graffe, fabloneufe ou pierreufe, il n'im- ou bled faporte; on le feme au mois d'Avril dans les païs chauds, où l'on n'en peut razin. femer deux fois l'année, & plus tard dans ceux où le ciel eft temperé: on le moiffonne trois mois après qu'il a été femé; ce grain fert de nourriture aux Cochons, aux Pigeons & à la Volaille, & on l'employe à faire du pain dans le temps que le bled eft cher.

Le Panis eft une plante qui porte du grain& qui eft mife au rang des bleds, ranis. elle reffemble au Millet par le chaume, les feuilles & les racines, excepté qu'elle a la chevelure autrement faite, celle du Millet reffemble à un penache, au lieu que celle du Panis approche en figure à la queue d'un renard chargée de beaucoup de grains velus, tantôt blancs, tantôt roux & tantôt jaunes.

Le Panis veut une bonne terre legere ou pierreufe, &. fur des côteaux, parce qu'il eft ennemi de l'eau quand elle fejourne où il eft femé, il faut auffi que cette terre foit bien labourée & bien amandée: au refte il fe cultive & fe feme de même que le Millet, on voit beaucoup de ce grain en Franche-Comté, dans la Breffe & dans la haute & baffe Bourgogne.

Nous comprendrons dans la femaille du Printemps (heureux les païs où croît ce grain,) le Ris dont la recolte eft toûjours abondante, quand il eft cultivé comme il faut, il en croît rarement en France, parce qu'il faut un climat extrêmement chaud.

Le Ris veut une terre legere, bien labourée & bien amandée: il faut avant que de le femer, le laiffer tremper dans de l'eau un jour entier, & fi-tôt qu'on l'a femé, l'arrofer amplement, parce qu'il aime extrêmement l'humidité, on femele Ris au commencement d'Avril,

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YY

Ris.

Vefce.

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Remarques

Navette.

Quelques-uns, pour ne point laiffer manquer d'eau au Ris', en font couler par deffus de la hauteur de deux doigts (on fuppofe qu'il faut qu'il y ait quelque ruiffeau près du champ, & qu'il en facilite l'écoulement, ) ils y laiffent ainfi baigner ce grain pendant cinq mois, & quand ils voyent qu'il commence à former fon épi, ils redoublent l'eau pour empêcher qu'il ne foit niellé, & par ce moyen ils recueillent quantité de Ris.

On moiffonne le Ris au mois d'Août, en ayant quelque jour auparavant ôté l'eau pour la derniere fois, afin de le faire fécher.

Quant aux légumes qu'on entend fous les pois, les féves, les lentilles & les haricots, nous en parlerons au Traité du Jardinage, comme étant plus du reffort de cette partie d'Agriculture que du Labourage, nous parlerons feulement ici de la Vefce, & de la maniere qu'on la cultive.

On feme la Vefce deux fois l'année dans les païs chauds, comme en Languedoc, en Provence, & en d'autres climats de cette forte; la premiere femaille s'en fait environ la my-Septembre, & l'autre au mois de Fevrier ou de Mars, qui eft le temps ordinaire pour les païs temperez.

La Vefce croît aifément en toutes fortes de terres, & fe feme fur les guérets des bleds moiffonnez au mois d'Août précédent ; ces guérets ont ordinairement deux façons, fçavoir la premiere aprés la femaille des bleds, ce qu'on appelle recaffer, & l'autre quand on veut femer ce legume.

Recaffer les terres pour les Mars eft une façon des plus neceffaires, & on confeille à tous les Laboureurs, autant qu'ils pourront, de ne point negliger ce labour aprés la faint Martin, autrement les terres où l'on met les Mars n'ayant fouvent qu'une façon, n'apportent que trés-peu de grain.

De la neceffité de herfer les terres pour les Mars.

L faut herfer généralement toutes les terres dans lesquelles on feme des Avoines, des orges & tous autres grains concernant la femaille du Printemps, ils en font mieux couverts', c'eft pourquoy ils en germent plûtôt & en plus grande abondance voila à quoi fert la herfe,& l'on peut dire,quand on a bien paffé cette machine fur un guéret déja labouré, que cela luy vaut un autre labour.

Four revenir à la Vefce, il ne faut jamais la femer que deux ou trois heures après que le Soleil eft levé, par ce, dit-on, que cette femence eft ennemie de la Rofée. On la recüeille partie en verd, pour fervir de nourriture aux Chevaux & au bétail qui laboure la terre, & on en laiffe fécher davantage pour en retirer de la graine pour les Pigeons, & pour la multiplication de l'efpece.

Il femble qu'il ne feroit pas befoin ici d'un grand raisonnement pour perfuader combien il feroit utile de cultiver beaucoup de Navette pour en tirer de l'huile. La difette des noix, qui par un étrange malheur ne durera que trop long-temps, fuffit pour être convaincu de ce qu'on avance, car de quel ufage cette huile n'eit-elle pas en plufieurs Provinces de ce Royaume? fur tout dans les Contrées Septentrionales.

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Le temps de femer la Navette eft à la fin du mois de May ou au commencement de Juin, la culture n'en eft pas difficile; une terre de

quelque nature qu'elle puiffe être, fuffit quand elle eft bien labourée, la Navette fe feme à champ uni, & à plein champ ; il faut la fèmer à claire voye & la couvrir de terre à l'aide d'une herfe, après quoi on l'abandonne aux foins de la nature & aux influences du ciel, qui lui donnent l'accroiffement.

Pour tirer beaucoup d'huile de la femence de Navette, il faut laiffer la plante en terre jufqu'à ce qu'on juge que cette femence ait acquis une maturité parfaite,autrement la fubftance s'altere & ne rend que très peu d'huile; & pour aider à la Navette à produire de belle femence, on prend foin d'éfeüiller les tiges qui ont pouffé à graine.

Cette plante eft femblable au Trefle, elle donne fa graine dans des filiques recourbées ou pointuës, elle cft graffe, de couleur fauve & d'une odeur forte.

Le Sénegré veut une terre femblable à celle de la Vefce, on le feme au sénezré mois d'Avril ou de May; ce grain veut être couvert de terre fort legere autrement ment avec la herfe, car fi elle avoit plus de trois doigts de terre par-deffus fenouilgree elle, la germination ne s'en feroit que très-imparfaitement: le Sénegré eft propre à guerir plufieurs maux, c'eft pourquoi il eft bon d'en avoir dans une maifon de campagne.

Le Sénevé eft une herbe qui produit un menu grain, avec lequel on fait Senevé. la Moutarde, qui eft l'objet pour lequel on le cultive, il aime la terre graffe & legere, & fe feme au mois d'Avril.

Il faut le femer fort clair & fouvent, quelque précaution qu'on y puiffe apporter, cette graine tombe toûjours trop dru; c'eft pourquoi, pour éviter cet inconvenient, on la mêle avec de la cendre, puis on la jette en terre, où elle leve toûjours affez épais.

Plus la femence de Sénevé est nouvelle, mieux elle multiplie. On connoît qu'elle eft bonne, lorfqu'après l'avoir concaffée avec les dents, on la trouve verte en dedans & non blanche ; cette derniere marque eft un «gne de vieilleffe, & elle ne vaut rien pour femer.

P

Comment connoître fi un Champ eft bion semé.

Our connoître fi un Champ eft bien femé par tout, felon la remarque d'un ancien Agriculteur, ouvrez les doigts de la main & les imprimez Conftantia fur la terre, puis levez vôtre main, & regardez le nombre des grains qui Cefar. 1. 2. paroîtront fur la figure des doigts ; fi c'est du froment, il faut qu'il n'en paroiffe que fept grains tout au plus, & cinq pour le moins; fi c'eft de l'orge, il faut qu'il y en ait neuf pour le plus, & tout au moins fept, il en eft de même de l'avoine,

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Belle-Forêt

l'Agric.

VIII.

V

CHAPITRE

Où l'on enfeigne comment il faut gouverner les Chenevieres &
les Linieres, & tout ce qu'il y a à obferver fur le
Chanvre & fur le Lin.

Oici encore des plantes qui font du reffort des femailles du printemps, & dont on a jugé à propos de faire un Chapitre particulier. Nous avons traité juiqu'ici des grains qui contribuent tant à la nourriture de l'homme qu'à celle de plufieurs animaux domestiques, au lieu que ceux dont nous allons parler à prefent apportent de quoi nous vêtir en partie : commençons par le Chanvre dont la graine s'appelle Chenevy, & Chenewiere la terre où l'on feme cette graine.

L

La Cheneviere; de la Terre qui lui eft propre, & des façons

qu'il convient lui donner.

A terre propre pour femer les Chenevieres, doit être choifie fubftantielle, fertile & aisée à labourer ; & pour la rendre extrêmement meuble, il faut commencer à lui donner un labour fur la fin de l'Automne, afin que le froid & les frimats de l'Hyver la difpofent à recevoir aifément un autre labour fi-tôt que les gelées font paffées: cette terre refte en cet état jufqu'à la fin du mois de Mars ou la my-Avril, qu'on fe met en devoir de femer la Cheneviere.

La meilleure façon qu'on puiffe donner à la Cheneviere, quand on veut la femer, c'eft avec la bêche, cet outil la remue à fond & également par tout, & l'on ne fe fert guere auffi d'autre inftrument pour les labours de la Cheneviere, quand la piece de terre n'eft pas bien confiderable: la Charrue y fait encore affez bien fon devoir, quand elle eft menée par un homme qui l'entend.

Il y en a pour rendre la terre d'une Cheneviere bien meuble, qui dès le mois de Novembre en mettent toute la terre en petites buttes, groffes chacune comme trois ou quatre fois une Taupiere, & efpacées l'une de l'autre autant que le juge à propos celui qui les fait: on ne fçauroit dire combien cette maniere de mouver la terre contribue à l'ameublir.

Plus on continue à femer du Chenevy dans une terre qui y eft propre, plus cette terre en rapporte de Chanvre & de mieux conditionné, pourvû. qu'on ne lui épargne point le fumier qui lui convient, c'est le fentiment d'un ancien Auteur fur l'Agriculture. Il y a des païs où dans la Cheneviere on feme des féves au mois d'Octobre, après lui avoir donné un lal our au mois de Juillet, & qui lorfque ces féves ont crû affez haut, labourent cette Cheneviere à la bêche, & renverfent pêle-mêle les féves avec la terre, cela fe peut pratiquer dans les Contrées qui font plus échauffées du foleil que dans les climats temperez où cette maxime ne réüfliroit pas.

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