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Quand le froid eft paffé, & que le temps permet qu'on remuë la terre, on abat les buttes dont on a parlé pour en faire une fuperficie égale par tout le champ. Dans les païs chauds, cette façon fe donne au mois de Janvier, parce que la terre s'y laiffe manier aifément.

Pour rendre une Cheneviere bien feconde, il faut foigner de la bien engraiffer avec de bon fumier qui lui convienne; celui du Mouton y eft trèspropre, & l'on fe fert encore heureusement pour cela de fiente de Pigeon expofée à l'air un peu de temps pour en laiffer exhaler ce qu'il y a de plus volatile; ces fumiers feront bien incorporez dans la terre, afin que les fels dont ils font remplis ne fe diffipent point inutilement.

Du temps auquel on doit femer la Cheneviere.

la faifon de femer la Cheneviere eft arrivée, qui peut être en des païs au mois d'Avril & en d'autres au mois de May vers la faint Nicolas ; quelques-uns ont le jour de faint Eutrope fort en recommandation pour cela.

La terre étant préparée de maniere qu'elle puiffe recevoir heureusement dans fon fein le Chenevy qu'on lui deftine, on l'y feme avec prudence, puis on le couvre auffi-tôt, ou avec la herfe, ou avec des rateaux'; plûtôt ce grain eft couvert, moins il eft en butte aux oifeanx qui le recherchent avidement, & qui en font un très-grand dégât, fi l'on n'y prend garde : il faut auffi pour cela mettre un épouventail dans la Cheneviere pour chaffer ces oifeaux.

Il y a des païs où on arrofe les Chenevieres lorfqu'elles font femées, & qu'il femble que le hâle les ait frappées trop long-temps ; ce foin fe prend encore lorfqu'elles commencent à lever, & jufqu'à ce qu'elles puiffent croître fans autre fecours que celui du ciel.Il feroit à fouhaiter qu'on en fit de même par tout, le Chanvre ne feroit pas fi fujet pendant les années feches à demeurer à moitié de fon accroiffement..

J

Du choix de la femence, & de la cueillette du Chanvre.

de l'année, s'il fe peut, finon on

E Chenevy doit être bien nourri, & de l'année, ans, il réulira contraire la plupart de ceux qui ont écrit fur l'Agriculture. Il eft bon de femer le Chanvre un peu épais en bonne terre, afin qu'il en devienne plus beau, c'est-à-dire, que chaque brin n'en croiffe point trop gros, mais mediocre, parce que dans le premier cas le Chanvre n'eft quafi propre qu'à faire des cordes ou de groffe toile, au lieu qu'autrement on en peut faire de bon fil à coudre & de la toile plus fine & plus commode pour le ménage.

Il faut cueillir le Chanvre quand il eft mûr, ce qui fe connoît quand il a le pied blanc & par d'autres marques dont la longue experience en cela rend très-certains ceux qui ont coûtume de faire cette recolte.

Quand on cueille leChanvre il faut foigner d'en feparer le mâle d'avec la femelle, commençant par arracher celle-ci & laiffant l'autre en terre jufqu'à

Comment

chanyre.

ce que la graine foit mûre; moins on laiffe la femelle du Chanvre en terre quand le temps de la cueillir eft arrivé, plus douce en eft la dépouille qu'on en tire; c'est à caufe de cela que le Chanvre mâle eft toûjours plus rude, parce qu'il refte plus long-temps en terre. On appelle Chanvre mâle celui qui apporte le Chenevy, & la femelle celui qui n'a que des feuilles dans le haut, & dont le pied eft plus fréle.

La maniere de cueillir le Chanvre eft de l'arracher, comme on fait les cueillir le legumes, cela fe pratique féparement, ainfi qu'on l'a dit, puis quand la femelle eft cueillie, on la lie en faifceaux de quinze à vingt pouces de tour qu'on expofe au foleil pour en faire fecher la fane, étant feche, on la bat fur un billot pour la faire tomber, puis on reprend les faisceaux qu'on porte roüir, comme nous le dirons. Il y a des païs où au lieu d'arracher le Chanvre on le coupe rez terre.

Belle Fo

A l'égard du mâle on l'arrache de même que la femelle, on le lie auffi en rêt 8. jour faisceaux, puis on fait un meûle de tout ce qu'il y a, afin que ce Chanvre de l'Agric. ainsi entaffe, donne occafion aux parties de la femence à fermenter & fe décharger par-là de ce qu'elle a de plus groffier; outre que le Chenevi se détache mieux du pied quelques-uns au lieu de battre le Chanvre mâle, comme on a dit, en coupe tous les bouts où eft la graine, qu'ils mettent fur des draps au foleil, puis lorfqu'ils font bien fecs, ils en tirent le Chenevy en les frottant entre leurs mains pour le cribler après.

Quand le mâle a été un certain temps emmoncelé, ainfi qu'on l'a dit, on le bat avec un bâton; mais comme la graine y eft attachée, & afin de n'en point perdre, on étend un drap à terre pour la recevoir, après cela on fonge à le faire roüir de même que la femelle, après avoir laiffé fecher la femence au foleil & l'avoir bien criblée, pour la ferrer après dans un licu où elle ne fe gâte point.

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Roüir le Chanvre, comment cela fe fait.

Out le Chanvre étant préparé, comme on a dit, on le porte à l'eau pour le faire rouir ou éger felon certains païs, ou naifer felon d'autres. Pour faire que le Chanvre roüiffe bien, & qu'il acquiere certaine couleur d'un roux fale qu'on y recherche, & d'où le nom de roüir eft venu, on fait choix d'une cau claire, qui foit courante, s'il fe peut, & expofée au foleil; une riviere, un ruiffeau, toutes ces eaux font merveilleufes, mais bien fouvent on n'eft pas affez heureux pour en trouver de femblables, ce qui fait qu'on fe contente d'une marre ou de quelqu'autre grand trou où il y a prefque toûjours de l'eau, mais cette eau ne rend pas le Chanvre fi beau que les autres.

Et pour le bien accommoder dans l'eau, on prend tous les faisceaux ou toutes les poignées l'une après l'autre, on les entaffe en quarré, puis de peur que l'eau ne l'enleve, & que par-là toute la maffe du Chanvre ne trempe point; on la charge de groffes pierres, & on la laiffe en cet état pendant huit jours, au bout duquel le rouiment en eft parfait, quand le temps eft chaud,

Mais comme il arrive quelquefois, après qu'on a cueilli le mâle, que

le temps fe réfroidit, & n'eft plus propre pour roüir le Chanvre, qui fe pourrit plûtôt faute de chaleur, on retarde cet ouvrage jufqu'au mois de May ou de Juin, & pour lors on peut dire qu'on a du Chanvre roüi à fouhait.

Le Chanvre étant fuffifamment roüi, on le tire de l'eau, puis on l'étend au foleil pour le faire fecher ; & pour cela on dreffe chaque poignée la pointe en enhaut, obfervant pour leur donner une afliete ftable, d'écarter en rond par le bas les brins de Chanvre qui compofent la poignée ou le faisceau; s'il furvenoit quelque pluye pendant qu'il feroit ainfi expoié, il faudroit incontinent l'ôter, car cette pluye fuffit pour le faire moifir; & quand ce Chanvre eft fec, on le ferre à couvert dans un lieu où l'humidité ne regne point; on le tille enfuite, ou on le fait tiller par les domestiques dans le temps des veillées, ou qu'on ne peut faire dehors

aucun autre ouvrage.

Tiller le Chanvre cft rompre le tuyau en plufieurs parties pour en tirer l'écorce, les morceaux qu'on en fait s'appellent Chenevores, dont on fe fert en bien des endroits où le bois eft rare, à chauffer le four. Quelques-uns au lieu de tiller le Chanvre le broyent avec un batoir dans une machoire; cela fait, ils l'entortillent autour d'une cheville de bois qui eft forte, puis ils le tirent & le rompent de maniere que l'écorce s'en détache fi aifement qu'il n'eft plus queftion que de le paffer par les ferans pour après le filer.

Le Chanvre s'employe à plufieurs ufages, ou pour faire des cordes Ou de la toile; on choifit le plus gros pour le premier, & le plus fin & le plus doux au toucher pour l'autre : on parlera plus amplement fur ce ménage dans le traité qu'on fera du Commerce general des Danrées qu'on tire d'une maifon de campagne.

Ufage du Chanvre.

cheneviere.

La Cheneviere ne s'altere point, quoiqu'elle travaille plufieurs années Avis fur la de fuite; mais il faut pour cela ne lui rien épargner de ce qui peut contribuer à la rendre fertile, comme par exemple, les labours dans les temps, & les engrais neceffaires pour la fournir toûjours de fels en abondance. Il y en a même incontinent après que le Chanvre eft arraché, qui. fement des naveaux dans cette terre aprés l'avoir feulement un peu gratée, ils y croiffent fort beaux & fort bons.

Le Chanvre n'est pas feulement utile par lui-même, mais encore par la femence qu'il rend, & dont on tire de l'huile; cette femence fert encore de nourriture à la volaille, & les Poules qui en mangent font toûjours trèsfecondes en oeufs pendant l'hyver-même: l'huile qu'on tire du Chenevy • eft très-bonne à brûler, & à plufieurs autres chofes.

La Liniere.

E Lin veut une bonne terre qui foit douce & aifée à ameublir, car il ne fait que languir dans celles qui font maigres ou de moyenne valeur: voici une maniere de femer le Lin qu'un ancien Auteur fur l'Agriculture nous affure très-bonne..

Huile de chenevy.

Il faut, dit-il, d'abord choifir une terre qui lui foit propre, & dès le Belk-Fe

set deuxie- mois de Mars y femer de la femence de Trefle, puis couper la fommité de me jour de cette herbe vers le dixiéme du mois de Juillet, & faucher le foin à la fin l'Agric. du mois d'Août.

On fume après cette terre vers la faint Martin ou plûtôt, fi l'on veut, & après avoir fauché trois fois ce Trefle, l'année fuivante depuis le mois de May jufqu'à la fin de Septembre; on commence au mois de Novembre à donner un nouveau labour à cette terre, afin de la difpofer à devenir meuble; il faut que ce labour foit leger, & qu'on ne faffe quafi que fendre la fuperficie de la terre, parce que la nature du Lin eft de croître fort beau, où il y a beaucoup de racines de Trefle, ces deux plantes fympatifent merveilleufement bien enfemble.

Tout ce qu'on vient de dire étant bien obfervé, & fi-tôt que le mois de Mars eft arrivé, on prépare la terre deftinée pour contenir le Lin. Il faut qu'elle foit bien labourée & bien amandée: outre le Trefle, les cendres de leffive font encore un bon engrais pour cette terre, & cette femaille dure jufqu'à la my-May. Le même Auteur recommande encore les fillons larges pour femer le Lin; mais comme il n'appuye pas fon raifonnement fur de bonnes raifons, on laiffera à un chacun la liberté de les tracer comme il voudra & felon l'ufage des lieux qu'il habite: le Lin fe feme comme le Chanvre, excepté qu'il faut le femer à plus claire voye, parce que le grain en eft plus petit.

La plupart des Laboureurs, fans femer du Trefle, choififfent de bonnes terres pour y mettre feur Lin, ils les labourent bien, ils les fument de même & cette plante y croît à fouhait, ce n'eft pas qu'on défaprouve la premiere méthode, au contraire on confeille de la fuivre. Un pré mis en nature de terre labourable eft très-propre à produire du Lin.

Quand le Lin eft un peu avancé, on prend des cendres qu'on répand à claire voye par-deffus, lorfqu'on prévoit qu'il va pleuvoir, cet amandement renferme deux avantages pour l'abondance du Lin; le premier, c'eft qu'il détruit par fes fels certains petits infectes qui rongent le Lin, fi-tôt qu'il eft élevé de terre de deux doigts, & l'autre qu'il fait acquerir à la terre des principes qui ont tous les rapports poffibles avec la femence du Lin, ce qui fait qu'elle végete alors en très-grande abondance.

Le Lin jufqu'à ce qu'il foit parvenu à fa maturité, ne demande plus d'autres foins que de le débarraffer d'une méchante herbe qui s'entortille autour de fes tiges, & qui l'empêche de croître. Si on a l'eau à portée, & qu'on en arrofe le Lin, il n'en croîtra que plus beau.

De la Récolte du Lin.

A récolte du Lin fe fait quand il eft mûr, & cette maturité fe connoît lorfque la femence en eft noire. Le Lin s'arrache comme le Chanvre, foignant de mettre à part les brins qui n'auront point donné de graine, pour les deftiner, comme étant les plus eftimez, à donner de beau fil,

Le Lin fe met auffi en faifceaux ou en poignées, parce qu'en effet les faisceaux ne font gros qu'autant que deux mains en peuvent contenir, lorfqu'elles les empognent, on les expofe au foleil pour les faire fecher,

puis on le bat pour en recueillir la graine le plus diligemment qu'il est poffible, tant pour empêcher que les rats ne l'endommagent, que pour ne point differer par-là le temps de le roüir, qui doit toûjours être pris quand il fait chaud.

Du temps de roüir le Lin.

N roüit le Lin au commencement du mois d'Août ou plus tard, fi le climat ne permet point qu'on en faffe fi-tôt la cueillette, & au cas que le temps n'y foit point propre, on attendra jufqu'au mois de May. La maniere de roüirle Lin ne differe de celle du Chanvre qu'en ce que celuici veut être huit jours dans l'eau, & qu'il ne faut que trois jours à l'autre pour le roüir parfaitement.

A

Quand le Lin eft fraîchement tiré de l'eau, & qu'il en est encore tout mouillé, on l'emmoncele, puis on le charge de planches & de pierres pefantes par-deffus. Il refte en cet état pendant trois jours pour le laiffer penetrer de cette eau, enfuite on l'étend au foleil pour le fecher, pour après le rendre propre à être filé. L'eau courante eft la meilleure pour roüir le Lin, celle qui dort eft fujette d'en ternir la couleur ; mais quand on veut perfectionner le Lin, on fe fert pour le roüir de la méthode que voici.

On prend le Lin, on l'expofe au ferain l'efpace de dix à douze jours, obfervant d'en écarter fur l'herbe les faisceaux, & de les tourner tous les jours, afin que cette humidité qui leur convient les penetre de tous côtez.

Il ne faut pas manquer tous les matins de lever ces faisceaux avant le foleil levé, & de les entaffer encore tout humides qu'ils font de la rofée qui eft tombée deffus; on les laiffe ainfi pendant tout le jour, & tous les foirs pendant le temps qu'on a marqué, on les étend fur l'herbe comme auparavant; c'eft ainfi que le Lin fe rouit très-bien, on peut faire la même chofe à l'égard du Chanvre, & le veritable temps pour ce travail eft le mois de May.

On tire de la femence du Lin une huile qu'on employe à plufieurs Hnile de ufages; elle eft bonne à brûler, & l'on tient qu'elle dure plus dans la Lin lampe que toute autre huile. On en confomme ainfi beaucoup dans le Milanois, & même les peuples de ces païs en mangent après en avoir ôté l'odeur trop forte qu'elle contient avant que d'étre préparée. L'huile Effets: de femence de Lin faite fans l'eau, étant vieille & bûë chaudement, appaise le mal de côté.

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