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à donner du fruit dès l'Automne,le Safran planté dans l'autre mois endonne auffi, mais c'est en très-petite quantité, & pour montrer feulement que la vegetation s'y fait très-bien.

Lorfque c'eft dans le mois de May qu'on plante le Safran, il faut foigner Soinsqu'on incontinent qu'il eft planté, de le couvrir de quelques branchages d'arbres, en doit de feuillards, de bruyeres ou d'autres chofes femblables pour le garantir prendre. du foleil qui l'incommode, quand il commence à pouffer; on le laiffe ainfi couvert jufqu'à ce qu'il foit hors de terre. Voilà tout le foin qu'exige de nous la Safraniere jufqu'à ce qu'on en recueille le fruit. Si on eft dans les lieux où l'eau foit commune, on pourra l'arrofer, fi l'on veut, cette plante n'en profitera que mieux pendant les grandes chaleurs, finon on fe contentera du benefice des pluyes quand elles viendront.

La Safraniere eft quafi verte pendant toute l'année, il faut foigner de la bien farcler, afin que les oignons en deviennent plus gros, & donnent par ce moyen plus de Safran.

Vers la fin du mois d'Août on pare la Safraniere, c'eft-à-dire, on l'aplanit entierement comme fi c'étoit une aire à battre du bled, en ôtant toute l'herbe qui paroît fur terre, puis pour empêcher que la trop grande ardeur du foleil n'altere le Safran, on la couvre comme auparavant de tout ce qu'on trouve de matieres des plus à portée pour cela.

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Comme la terre s'épuife de fels à force de produire, & que nouveau fecours les plans qu'on y a mis ne font que languir, on foigne tous les ans de fumer la Safraniere avec du fumier bien confommé qu'on répand par-deffus à l'entrée de l'hyver, après qu'on a tiré le poil du Safran.

Le Safran n'en vaut que mieux en tout temps d'être trepigné & foulé aux pieds, excepté lorfque la terre eft imbibée d'eau. Quand l'herbe eft prête d'être fauchée, & que la fleur paroît, on ménage alors la Safraniere, on ne la foule point. Il faut bien prendre garde que les animaux qui broutent n'y entrent, & principalement les Cochons qui en font les ennemis mortels.

La Safraniere refte ainfi couverte pendant un mois, lequel temps paffé, on prend des rateaux, avec lefquels on ôte toutes les plus groffes matieres qui font deffus, & qui n'auront pû fe confommer pour faire place au Safran, qui fentant l'Automne approcher, jette de nouvelles fleurs, defquelles dépend tout le fruit qu'on en attend.

De la Récolte du Safran.

Ette fleur, comme nous l'avons déja dit, naît en maniere d'une petite houpe, on la cueille à la main avant le lever du foleil, ou plûtôt on le coupe & on la met à mefure fur du papier ou fur des draps blancs, pour la faire fecher au foleil ; quelques jours après il en vient une autre femblable für la même plante & qu'on ramaffe de même que la premiere, ces houpes fe détruifent en filamens, comme nous voyons le Safran.

Quand le Safran eft fec, on le ferre dans des boëtes, après l'avoir legerement frotté d'huile d'olive, cela donne beaucoup de luftre à la cou

Ses pro

prietez.

leur, puis on le met dans un lieu où l'humidité ne regne point.

La récolte du Safran dure quelques femaines felon qu'on en a à cueillir, & qu'on met d'ouvriers après, parce qu'il refleurit de jour à autre, & tant qu'il a de difpofition à produire de nouvelles fleurs ; ces intervalles de temps que la nature donne à cette plante, pour nous enrichir de fon revenu, nous fournit la commodité de recueillir à l'aife & fans en rien perdre, à caufe du naturel des fleurs du Safran, qui font fujettes à pourrir pour peu qu'on les garde.

De la durée de la Safraniere, & du choix qu'on en doit faire.

A Safraniere ainfi gouvernée, demeure en bon état pendant quatre ou

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ne; au bout de ce temps elle commence à s'affoiblir ; & pour n'en point perdre l'engeance, & la faire multiplier en abondance, on bêche profondement toute la Safraniere, on en leve tous les oignons qu'on y trouve & on les replante après dans une autre terre préparée, comme on a dit, & de la maniere qu'il a été enfeigné ci-deffus: Pour faire qu'on recueille toûjours du Safran en abondance, il faut partager le champ deftiné pour cela en quatre ou cinq parties, afin que pendant qu'on dépouillera l'une, l'autre jette de nouveau Safran, & qu'agissant ainsi tous les ans, la Safraniere refte toûjours en même état.

Le Safran doit être choisi nouveau, bien fec, mollaffe & doux au toucher, en longs filets, de très-belle couleur rouge & peu chargé de parties jaunes, fort odorant & d'un goût fort agréable. Le Safran du Levant est fort eftimé, il en croît auffi de très-bon en plufieurs lieux de France, comme en Gâtinois, en Languedoc, vers Toulouse & Orange, à Angoulême, en Normandie ; mais le meilleur eft celui de Boifne & de Boife commun en Gâtinois, & celui qu'on eftime le moins, eft le Safran de Normandie.

Le Safran eft aperitif; il fortifie le coeur & l'eftomac, il provoque les mois aux femmes, il réfifte à la malignité du venin, il adoucit les âcretez de la poitrine, il excite le fommeil ; on employe le Safran dans les collyres pour conferver les yeux dans la petite vérole.

On avoir projetté à la fin de ce Chapitre, de donner une planche qui expliqueroit la femaille, mais comme elle ne fuffiroit pas pour remplir, on en a joint ce fujet à celui qui regarde la moiffon: voyez l'endroit qui traitte de cette matiere,

CHAPITRE

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Qu'il ne fuffit pas d'avoir bien femé toutes fortes de Bleds, il faut
encore les fçavoir conduire heureufement à leur parfaite maturité.
De plufieurs inconveniens qui leur arrivent.

IL n'y a rien de plus préjudiciable aux Bleds que les mechantes herbes, & s'ils en font fuffoquez, on ne peut imputer ce malheur qu'à la negligence du Laboureur. Quand une terre a eu toutes fes façons, c'eft beaucoup de peines épargnées pour les Sarcleurs, parce que donnant bien de la force au bled qu'elle contient, & le faifant croître extrêmement touffu, elle empêche par-là que les herbes étrangeres n'y puiffent venir: ce n'eft pas qu'il n'y en vienne toûjours un peu, particulierement lorfque le Printemps a été pluvieux, lefquelles herbes il faut de neceffité ôter, & le plus promptement qu'il eft poffible; ce travail s'appelle farcler, les Ouvriers qu'on y employe Sarcleurs: voici à prefent le temps auquel il faut s'en fervir.

Du temps de farcler.

E temps de farcler les bleds s'obferve dès qu'on voit que les mechantes herbes y font déja crues ; car de les prendre fi tendres, on ne pourroit les arracher, & ce feroit peines perdues, outre qu'on ne peut aifément pour lors les difcerner d'avec le bled qu'on feroit en danger d'arracher avec elles.

Il ne faut pas auffi attendre qu'elles ayent pris tout leur accroiffement, parce que le bled en pourroit être étouffé, ou du moins renverfé par terre, outre que ces plantes dangereufes venant alors à grainer, elles rempliffent tout le champ de leur efpece pour l'année prochaine ; fi bien donc qu'on ne peut fixer aucun temps certain pour farcler, cela dépend du climat, du fond où le bled eft femé & de la temperature de l'air.

Sarcler, c'eft arracher les mechantes herbes qui nuifent aux bleds, & le temps propre pour cela, c'eft toûjours après une pluye où pour lors la terre eft un peu humides; car fi elle étoit trop dure, les herbes ne s'arracheroient pas comme il faut, & ce feroit ne rien faire, d'autant que les racines de ces mechantes herbes reftant en terre en repouffercient de nouvelles après la premiere pluye qui feroit tombée. Il n'y a que des femmes ou des enfans qu'on employe à cet ouvage, & qui de la main feule, ou à l'aide du Sarcloir & d'une petite fourchette, s'en acquitent très-bien.

Si une feule fois qu'on a farclé les bleds ne fuffit pas, il y faut retourner une feconde, & même tant qu'il en eft neceffaire, les bleds en croiffent plus beaux, & rempliffent mieux par confequent l'attente du Laboureur.

Toutes fortes de bleds font fujets a être farclez, mais principalement les Millets & les Panis, qui ne peuvent croître, lorfqu'il y a des mauvaises herbes parmi eux.

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Comment

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Comment fe comporter à l'égard des bleds qui jettent trop de fanes.

I par le moyen de la trop grande abondance de fels dont une terre est remplic, le bled qu'on y feme y leve trop dru, & y pouffe trop en fanes, de maniere qu'on puiffe craindre qu'il ne rende dans la terre plus de paille que de bled, il faudra tondre cette fanne, où mettre les Moutons dedans pour la paître, cela arrête cette fertilité préjudiciable, & en cause une autre dont on a tout lieu d'être content. On ne doit courir à cet expedient que lorfque le temps eft fec, car lorfque les terres font humides, on trépigne les bleds qui n'en valent pas mieux.

Il faut prendre foigneufement garde que le bétail n'entre dans les champs qui font emblavez, à moins qu'on ne l'y mette exprès pour la raifon donr on vient de parler, autrement ce bétail broutte le bled, qui ne revient plus, ou ne produit qu'à moitié de ce qu'il devroit faire.

De la Nielle.

Ertaines bruines, ou fortes rofées du Printemps qu'on appelle Nielle, caufent beaucoup de préjudice au froment ; c'eft ordinairement fur la fin du mois de May, ou au commencement de celui de Juin, à la pointe du jour que cette Nielle tombe fur les bleds, qu'elle perd tout, du moment que le foleil a frappé deffus: voici ce qu'eft cette Nielle par ellemême, & comment elle agit fur les bleds.

Cette bruine ou Nielle, comme on voudra la nommer, eft proprement une matiére graffe qui fort de la terre, & qui montant en l'air, fe forme en exhalaisons, mêlées de beaucoup de vapeurs, & qui étant pouffées autant qu'il eft befoin pour monter affez haut pour se diffondre, fe feparent alors les unes des autres de telle forte que les vapeurs qui ne font compofées que des parties les plus fubtiles, fe dégagent toûjours fort aisément, au lieu que les exhalaifons qui font plus groffieres, & contenant en foi des corpuscules qui les embarraffent davantage, & qui les empêchent par confequent de s'élever fi haut, ne voltigent jamais que dans la region la plus prochaine de la terre, d'où il s'enfuit que fi l'air vient à fe réfroidir un pea pendant la nuit, les exhalaifons étant d'une nature à ne pouvoir refter dans le mouvement, mais au contraire tendant toûjours au repos, elles fe précipitent les unes fur les autres, & forment par ce moyen un brouillard, qui bien fouvent venant à fe changer en une liqueur onctueufe, tombe fur les bleds qu'il brûle par le moyen des rayons du foleil qui frappent deffus, forte que ces bleds en ont le grain noir comme du charbon.

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Il n'y a rien qui defole plus les Laboureurs que la Nielle, c'eft un mal pour ainfi dire fans remede, quoiqu'il y en ait qui difent qu'on peut s'en garantir en cette maniere.

Soyez deux hommes, difent-ils, montez à Cheval, que l'un foit au bout du champ & l'autre à l'autre, ayez un grand cordeau qui contienne toute Ne la nelle l'étendue du champ, attachez ce cordeau au cou des Chevaux, tendez-le 1oidement au deffous des épis, marchez à pas égaux,& par ce moyen vous

ébranlerez la cime des bleds de maniere que la rofée tombera de deffus les épis; il faut pour cela qu'il n'y ait point d'arbres dans le champ, car s'il s'y en trouve, l'entreprise ne pourra fe faire que très difficilement, outre qu'on doit être bien vigilant pour prévenir ce danger & bien difpos pour s'en garantir : fi ce fecret eft fimple par lui-même, l'iffue en eft bien incertaine, puifque nous voions tous les jours tant debleds bruinez qu'on auroit fans doute fauvez de ce danger, s'il y avoit eu lieu.

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De la Moiffon: Maniere differente de battre les bleds, avec quelques
Remarques fur les bleds battus & fur la paille. Des Greniers à
bled, & du moyen de l'y conferver.

A fin qu'on fe propofe en cultivant les terres eft d'en retirer d'abondantes Moiffons, c'eft l'efperance du Laboureur, & fans laquelle il ne fe donneroit pas tant de peines.

Le bled n'eft pas plûtôt parvenu à fa maturité parfaite, qu'on fe prépare à le moiffonner le plûtôt qu'il eft poffible. Car il y a à craindre les vents impetueux, les pluyes trop frequentes, les orages & la grêle, qui quelquefois y causent tant de dégats qu'on perd en moins d'une heure tout fon grain & le travail d'une année.

Le Laboureur doit de longue main faire fes provifions pour la Moiffon: il faut qu'il fe fourniffe d'abord d'argent, puis des vivres neceffaires, d'ouvriers & d'outils. Il aura foin de tenir fes Granges & fes Greniers en bon état,

De la maturité des Bleds.

A maturité des Bleds fe connoit aisément par la couleur des tuyaux & des épis qui font jaunes ou blonds, par la femence enfermée dans fes capfules, fans neanmois être dures, c'eft alors qu'il fait bon les moiffonner ou les scier, comme on dit en certains païs. Quand il y furvient quelques legeres humiditez pendant la moiffon, le bled n'en tient que mieux dans l'épi, & n'eft pas fi fujet par confequent à s'égrainer.

Le temps le plus propre pour moiffonner les bleds, c'eft dès la pointe du jour, qu'ils font encore imbibez de la rofée: car pendant la grande chaleur il fe pert beaucoup de grain dans la champ : le bled étant moiffonné, on le met en javelle, on le laisse javeller, comme on dit, c'est-à-dire, on le laiffe jufqu'au lendemain fur le fillon fans le lier, on prétend que cela refferre les bourfes du bled, ce qui l'empêche de tomber; on le lie dès que le jour commence à pointer, puis on met les gerbes en monceaux, enfuite on les charge dans une charette ridelée, pour après les transporter à la Grange ou dans l'aire fuivant l'ufage du pais, on l'y entaffe pour l'y battre, ainsi qu'on le dira.

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