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Quand

battre le Bled.

S'il arrive qu'on foit contraint de moiffonner du bled qui ne foit pas tout-à-fait affez mûr, tel qu'eft fouvent celui qui croît à l'ombre fous les arbres, on le fcie à l'ordinaire, on le lie en gerbe, on l'entafse, puis on le prend gerbe à gerbe qu'on dreffe l'épi en haut, foignant d'en écarter les épis, & on laiffe ainfi ces gerbes jufqu'au lendemain matin qu'on les entaffe de nouveau, de peur que le foleil ne les penetre trop on continue ce foin deux ou trois jours de fuite, au bout defquels le grainacheve de fe mûrir.

La moiffon fe fait plûtôt ou plus tard, felon les differens degrez de chaleur aufquels les climats font expofez. Dans les païs froids, par exemple, les fruits ne font pas fi-tôt mûres que dans les païs chauds; il y en a où l'on ne moiffonne les bleds que dans le mois d'Août, ce qui a fait donner à la moisson en certaines Contrées le nom d'Août, car on dit faire l'Août, au lieu que dans d'autres païs plus chauds la moiffon s'ouvre bien plûtôt: on en charrie incontinent les bleds dans une aire à découvert on l'y bat fans perdre aucun temps, puis on le ferre au Grenier, c'est ainsi qu'on en agit dans les regions meridionales & du côté du levant.

Des diverfes manieres de battre le bled.

A diverfité des païs a auffi introduit differentes manieres de battre le bled: dans les climats temperez on le bat au fleau, & dans ceux qui font plus chauds, on fe fert de Chevaux ou de Mulets: voici comment cela fe fait.

On arrange les gerbes dans l'aire l'épi en haut, puis un homme fe met au milieu de cette aire, & tenant un Cheval ou Mulet par un ficou, il le fait marcher tout autour, & trépigner le bled jufqu'à ce qu'il n'y ait plus rien dans l'épi.

C'eft ainfi que le bled fe bat en Espagne, en Portugal & dans la Sicile, & fans fortir du Royaume, on fuit cette méthode dans le Languedoc, la Provence & autres païs circonvoifins, où pourtant le fleau n'eft pas inconnu, mais on l'y employe rarement.

Dans les païs où l'on bat à la Grange, on entaffe les gerbes dans les travées qui font aux deux côtez & dans le fond, & crainte que le bled nouveau ne s'échauffe dans le tas, pendant que ce qu'il a de parties humides font dans le plus fort de leur mouvement, il y en a lits il y en a lits par lits qui l'arrofent d'un peu d'eau, faute de quoi on avû quelquefois le feu fe mettre dans des gerbes entaffées.

On commence à battre le bled deftiné pour les femences, & pour met tre au moulin, fi on en albesoin dans la maison, dès qu'il eft dans la Grange, puis après on le bat à loifir après la faint Martin, principalement lorfqu'il fait mauvais temps, & que la neige couvre la terre.

Comment & en quelle vie conferver les Pailles.

Es Pailles qui en fortent doivent être mifes fur des échaffauds ou dans des Greniers où on les conferve pour fervir de fourage & de litiere

aux animaux pendant toute l'année. Les Pailles d'avoine & d'orge ne fervent que d'alimens pour les beftiaux, & les bales qui renferment le grain font confervées pour être données en beuvées aux Vaches. Quelques-uns font de grands meûles de paille de feigle & de méteil, ces meûles font ordinairement placez dans une cour & à l'air, & lorfqu'on a befoin de fourage, on va en tirer.

Quels doivent être les Greniers à bled, & des moyens de le conferver.

Es meilleurs endroits pour conferver les bleds font les Greniers bien aërez, ouverts du côté du Levant ou du Septentrion, afin que les vents de fes Contrées qui y entrent, tiennent toûjours le bled en état de fe conferver long-temps. Il eft bon que le planché foit quarrelé, le bled y eft moins fujet à s'échauffer.

Il y en a qui mettent leur bled dans des vaiffeaux pour le garder; il· eft vrai qu'il s'y conferve très-bien, & hors du danger des fouris & des oifeaux, mais cette méthode ne convient qu'à ceux qui n'ont gueres de bled à garder, & que dans les païs où il y croît peu de bleds.

Le bled eft fujet à fe gâter, fi l'on n'y apporte toutes les précautions neceffaires pour l'en empêcher ; c'eft pourquoi, en quelque endroit qu'on le mette, il faut qu'il foit bien fec, autrement il s'y engendre de la vermine qui le ronge. Quelques-uns, lorfque les bleds en font infectez, en levent un bon pied de defius le monceau, & portent ce qu'ils en ont ôté dans une cour, pour l'expofer au foleil pendant deux ou trois jours, & l'éventent avec la pelle tant de fois, qu'on reconnoiffe à l'oeil que la vermine y eft morte, & qu'elle a abandonné le bled, enfuite ils le rapportent dans le Grenier, non pas fur le monceau d'où ils l'ont tiré, mais ils le mettent à part pendant quelques jours, afin de voir à loifir file mal eft entierement paffé.

D'autres fe contentent d'éventer leur bled avec la pelle, croyant par là exterminer la vermine qui y eft, mais ils fe trompent en ce que cette vermine ne fe met jamais que fur la fuperficie du tas de bled, & que par le remuement qu'on en fait, on la mêle avec tout le bled qu'elle gâte entierement; d'autres enfin voyant leur bled ainfi couvert de vermine portent des Poules dans leur Grenier; ces oifeaux lui font tellement la guerre, qu'ils la mangent préferablement aux grains.

On dit que fi l'on prend de la faumure de falé ordinaire, qu'on en fasse Autre sefur le plancher & autour du monceau de bled, une ceinture large d'un cret pour demi pied, toute la vermine quittera le bled pour y aller, & que par ce conferver. moyen on peut aifément en purger le bled.

Quelques-uns difent qu'en mêlant beaucoup de Millet parmi le bled c'eft un bon fecret pour le conferver long-temps, parce que ce bled ainfi mêlé n'est point fujet à s'échauffer. Quand on veut après fe fervir de ce bled, foit pour vendre ou pour la provifion de la maifon; il cft aifé de Ic feparer du Millet avec un crible.

Pour empêcher que le bled ne s'échauffe & ne fe gâte, il faut être foigneux de le remuer trois ou quatre fois l'année avec des pelles, en chan

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geant le monceau de place, l'air qui penetre à travers le purifie, il en ôte la pouffiere & le mauvais goût qu'il pourroit commencer à contracter.

Nous avons traité jufqu'ici de tout ce qui pouvoit fe dire du labourage, de la maniere de labourer & d'enfemencer les terres, & de plusieurs autres chofes curicufes qui regardent les bleds differens qu'on feme; nous allons à prefent parler de differentes fortes de Prez, & donner des inftructions fur tout ce qui les regarde, afin qu'un bon ménager de campagne trouve dans cet ouvrage de quoi fe fatisfaire entierement; mais avant cela neanmoins, on a crû devoir donner une Planche qui fit voir à l'oeil tout ce qu'on a expliqué par le difcours.

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Des Prez en general. Comment en faire de nouveaux & les entretenir
long-temps fertiles. Autres Pâturages neceffaires
à la Campagne.

Sous
Ous le nom general de Prez, nous entendons ici toutes fortes de terres

qui donnent de l'herbe pour fervir d'aliment aux animaux domestiques; tels font les Prez ordinaires, le Sainfoin & la Luzerne, les premiers font d'un grand revenu quand ils font dans des bons fonds, & qu'on fçait les fecourir au befoin. Ce font de ces heritages qui ne coûtent gueres de foin ni d'argent à entretenir, & qui rendent beaucoup ; ils ne craignent ni la grêle ni les orages, & hors les torrens qui tombent dedans, & qui enrouille l'herbe, ils font toûjours en état de donner du profit. Un Pré proprement parlant, eft un pur bienfait de la nature, & dont on ne fçauroit trop avoir dans une maison de campagne:

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Planche VIII. Page

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