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CHAPITRE IX.

Ce qu'il faut qu'une femme pratique neceffairement à la Campagne, pour entretenir l'abondance dans fa Maifon.

'EST de tout temps que le foin du dedans de la maison a été com

C'mis la femme est vrai qu'il eft bien plus grand & plus é condu

à la Campagne que dans les Villes, mais en quelque endroit que ce puiffe être, c'eft toûjours un foin qui occupe, & fans lequel les maifons vont en décadence: mais laiffons-là les Villes, & retournons à nôtre fejour champêtre.

Une femme de campagne qui veut réüffir à bien conduire fon ménage, doit d'abord fe faire un principe d'une folide vertu, comme étant la baze fur laquelle doit rouler toute fa conduite; c'eft cette vertu qui l'inftruit, qui la guide & qui lui attire l'eftime univerfelle de tout le monde ; il faut que fes actions fervent de miroir à fes domeftiques, & particulierement à fes Servantes, dont les pas lui font entièrement commis.

pour C'est à elle à faire à les regler & à les choifir. Une Servante être propre à la Campagne, ne doit être ni trop vieille ni trop jeune, c'est à dire, qu'on peut les prendre depuis vingt ans jufqu'à quarante, parce que lorfqu'elles font trop vieilles, ou dans un âge trop tendre, leurs forces né fuffifent pas pour foutenir le travail qu'on leur deftine.

La mere de famille prendra pour Servantes les plus fages qu'il fera pof fible, & veillera que cette fageffe ne fe corrompe point parmi l'air infect qu'exhalent la plupart des Valets, lorfqu'elles font tant que de le vouloir refpirer, & qu'elles y prennent même plaifir; fon oeil, autant qu'elle e pourra, ne doit point fortir de deffus elles, ni permettre qu'il fe paffe avec eux aucunes privautezque ce foit, fous prétexte d'un leger badinage; c'eft par-là que l'amour commence à s'introduire dans le coeur, qu'il y en tre enfin, & qu'il caufe parmi les Domestiques les défordres dont on a ant vu d'exemples.

Elle donnera foir & matin fes ordres à fes Servantes, & prendra garde après fi elles les ont bien executez.L'emploi de fes Servantes regarde au dedans du logis quelques chambres à tenir propres, mais ce n'eft pas là le principal; les beftiaux font les objets qui doivent les occuper davantage c'eft pourquoi la Maîtreffe examinera fices animaux font bien foignez, s'ils ont bonne litiere, & fi rien ne leur manque pour leur nuit.

Une bonne ménagere de campagne doit être fedentaire à la maison; randis que fon mari travaille au dehors, foit pour conduire fes Ouvriers, foit pour faire ailleurs quelqu'autre affaire qui la regarde, parce que lorf qu'elle fort fans neceffité, fes Servantes le plus fouvent, & les autres Domeftiques, s'il en refte à la maison, ne font que lentement & imparfaitement leur ouvrage; c'eft un fujet.de divertiffement pour eux, de dommage pour le Maître.

Hiijs

&

De tout ce qui vient de danrées à la maifon, c'eft à faire à elle à les gouverner, à entrer en connoiffance de ce qu'elles font, afin qu'en connoiffant la nature, elle fache à propos les mettre à profit; mettre à part ce qui n'eft pas de durée, conferver ce qui eft de garde, & veiller que ce qui doit fervir de dépense pour toute l'année, ne fe diffipe pas en bien moins de temps: cette regle qu'elle fe doit abfolument prefcrire lui est importante pour foûtenir fa famille.

Si quelqu'un de fes domeftiques ou autres de fa maison, qui lui appartiennent, tombe malade, il eft de fon devoir de prendre foin qu'ils foient traitez comme il faut: la charité chrétienne lui ordonne, lu attire la bienveillance de ceux qui la fervent, & fait qu'elle en eft mieux fervie dans la fuite.

Elle doit prendre garde, quand elle parle à fes domeftiques, de ne pas s'accoûtumer à certaines manieres rudes & feches, qui bien qu'en appa rence peu importantes, ne laiffent pas de faire mauvaise impreffion dan leur efprit; de forte qu'au lieu de fervir avec affection, ils fe rebutent & ne travaillent que parce que qu'ils y font forcez. Elle doit éviter tout ce qui marque du mépris, & ne point piailler à tout moment pour rien; c'eft un état de foi fâcheux à la nature d'être réduit à fervir par pauvreté il eft jufte de l'adoucir autant qu'il eft poffible.

Elle fera foigneufe de ne rien laiffer à l'abandon, & de placer tout de maniere qu'elle le trouve tout d'un coup, quand elle en aura befoin ; il faut qu'elle foit propre en ce qu'elle fait, & dans l'ordre qu'elle apporte à arranger les chofes qui font de fon reffort: fans cette précaution il fe perd bien des chofes dont on devroit tirer du profit.

La dépenfe du ménage la regarde entierement, & elle en eft l'oeco nome; c'est à elle à s'étudier à la bien diftribuer, c'est à dire, à n'er, point faire de profufion, tant pour les habits que pour la nourriture; il ne faut pas auffi qu'une avarice craffe la guide en cela, il y a un milieu à prendre qui eft honnête, & qu'elle doit rechercher.

Il eft certain que les Servantes ne font jamais mieux leur devoir, que Lorfqu'elles voyent leurs Maîtreffes être la premiere à l'ouvrage ; on entend de ces ouvrages qui conviennent aux femmes de campagne, commu de coudre, de filer & manier le laittage, de tailler le chanvre, & quelqu autres qui fe font à la maison, lorfque les Servantes n'ont plus rien à fair dehors, ou que le mauvais temps ne leur permet pas de fortir: cet exem ple leur fait beaucoup d'impreffion & les rend des plus diligentes.

Pendant l'abfence de fon mari cette femme ne dédaignera pas d'entre en connoissance avec fes Valets de quelques foins qui le regardent, elle en conferera avec eux, elle aura l'oeil dans fa cour, à ce qu'ils gouvernent bien les animaux qui font à leurs foins, & à leur ordonner ce que feroit le Maître, s'il y étoit. Quoique cette vigilance ne parte pas d'un efprit pleinement inftruit dans ce que ces Domeftiques doivent faire, cela në laiffe pas néanmoins de leur impofer, & de leur infpirer de la crainte.

Il y a mille petites épargnes honnêtes à quoi il faut qu'elle s'applique dans fon domeftique : la maifon n'en vaut que mieux ; c'eft à elle à fonger aux provisions du dedans, à examiner fi les ouvrages qu'elle a diftribuez à

tes Servantes font faits comme il faut, finon leur montrer leurs défauts. Elle ne doit point être pareffeufe à fe lever matin, la femme forte, dit le Prov.11 Sage, fe leve avant le jour pour diftribuer la nourriture à fes domeftiques. Nous xxv. en voyons peu aujourd'hui qui foient de ce caractere; elles fe conten tent de donner leur ordre là-deffus, & s'en rapportent à la bonne foi de leurs Servantes.

La mere de famille tiendra auffi un Regiftre de toutes les danrées qu' elle veut envoyer au Marché, afin qu'au retour la fervante qui a cet emploi, lui en rende compte ; ce foin d'envoyer vendre le beurre, la volaille & autres chofes qu'on tire du domaine, doit être pour elle une étude particuliere, c'eft ce qui fournit de quoi vivre à la maifon.

Ce Registre contiendra auffi le nombre du linge qu'on met à la leffive, les meubles courans qu'elle aura donné à fes Servantes pour l'ufage de la table & autres chofes du logis, & elle foignera dans l'occafionde s'en faire rendre compte, cette vigilance reveille celle des Servantes, parce qu'il y va de leur intereft.

Une femme ménagere eft capable de rétablir une maison tombée par la trop grande dépenfe, au lieu que celle qui dépenfe tout fans raifon, détruit en peu de temps celle qui eft la mieux fondée. La femme forte, dit Salomon, eft la couronne de fon mari, elle bâtit la maison, elle plante la vigne & ne craint ni le froid ni la gelée. On ne prétend point prendre cette Sentence à la lettre : car enfin une femme étant d'une conftitution plus délicate celle d'un homme, n'eft point refervée pour ces rudes travaux qui le regardent, on veut feulement dire qu'il faut qu'une mere de famille qui a des domeftiques à la campagne, foit active & vigilante, afin que par-là elle les tienne en refpect, & les oblige à faire leur devoir..

que

Cette femme fera foigneufe d'enfermer tout fous clef, hors le pain qui doit être à la difcretion des domeftiques; elle vifitera fouvent fes caves, ainfi que le mari, & les greniers pour voir fi ce qu'ils contiennent, ne fe gâte point.

Le Four est encore de fa dépendance, ainfi que de fonger à faire ourdir de la toille pour l'ufage de la maison, tondre les brebis pour en tirer la laine dont on fait de la tiretaine, qui eft un étoffe propre à habiller des domeftiques, cela leur tient lieu de payement, & enfin d'avoir foin des Mouches à miel.

C'est ainsi qu'une bonne ménagere doit paffer une vie active dans fa maison; & quoique ces foins, ces mouvemens ne foient renfermez qu'au dedans, tandis que le mari s'occupe au dehors, on peut dire cependant qu'ils font très-importans, & que c'eft par ces foins que fe couronnent Tous les travaux de l'Agriculture. On voit donc de quelle confequence il eft, que l'homme & la femme ayent l'oeil fur leurs domeftiques: ils ne doivent point fouffrir qu'ils foient oififs, leur interest les y oblige, & l'écriture le leur commande, lorfqu'elle dit, fais travailler ton ferviteur, Eccl. 33 &tu trouveras du repos : lâches-lui la main, il cherchera la liberté: jettes-le dans le travail, qu'il ne foit point oifif, car l'oifivete enfeigne bien de la malice, fais le travailler comme il lui convient, & s'il n'obeit pas, charges-le defers, Gr.25.27* c'est-à-dire, punis-le comme il le merite. Un Valet, une Servante 28,

qui n'aiment point le travail, font des meubles qui gâtent une maison, i faut s'en défaire au plûtôt : la faineantife qui les affiége les fait fouvent tomber dans le défordre au préjudice de leur Maître ; c'eft pourquoy on ne peut trop veiller fur ces fortes de défauts ; & quand on les a connus on doit changer ces mauvais Domestiques.

CHAPITRE X,

L'art de regler une Maison de Campagne par rapport à toutes fontes d'états › afin que tout s'y faffe avec œconomie; dans un très-bel ordre & pour l'ing terêt particulier du Maître, avec un calcul pour fçavoir à tant par an de dépense, combien par jour.

Sfort aife, dont l'inclination foit de demeurer à la Campagne, & de Uppofons icy que nous voulions faire la Maifon d'un Gentilhomme

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faire valoir fa terre par fes mains; il n'eft plus queftion que de lui donner autant de Domeftiques qu'il lui en faut pour le fervir: n'écoutons point ici tout à fait l'ambition, ne confiderons avec fa naiffance, que le bien qu'il peut avoir, afin d'y proportionner fon train.

Donnons-lui un Maître d'Hôtel, un Valet de Chambre, un Officier d'Office, trois Laquais, un Cuifinier, un Cocher, & un Palfrenier Voilà pour l'éclat, & pour foutenir fon nom. Il ne refte plus qu'à lui affigner les Domestiques pour les travaux de l'Agriculture; nous en parlerons en leur lieu.

Ce Gentilhomme aura donc, en fe comptant, dix bouches, & de plus quatre chevaux de caroffe, dont la dépenfe fe reglera comme on le va dire; elle fera honnête, non fuperflue, & digne d'un homme qui veut fe piquer de bien faire les chofes.

L'ordinaire pour la groffe viande eft une livre & demie par jour pour le Maître & chacun de fes Domeftiques, tellement que cela fera la quantité de quinze livres, à raifon de quatre fols la livre la meilleure en Province, font trois livres, cy

3. livres Ces fortes de viandes fe déguifent en plufieurs manieres, & felon qu'il en prend fantaisie au Cuifinier, qui obferve toûjours parmi cela de garder quelque groffe piece pour le rôt, telle que peut être une éclanche, une longe de veau, ou autre chofe de cette forte, le tout felon les faifons ; on peut au lieu de viande de boucherie fervir quelque groffe volaille, qui tiendra lieu de groffe piece de rôt. Quoiqu'on la prenne dans la baffe-cour, & qu'il femble que cela ne coûte rien, cependant nous la ferons paffer pour le même pied de la groffe piece de boucherie qui fe fert à fouper, parce que nous regagnerons cela für d'autres chofes qui feront d'augmentation, & que nous compterons pour rien.

Pour les légumes & autres provifions qu'on fait pour la table aux jours maigres, feront comptez fur le même pied, quoique ce Gentilhomme pren ne une partie de tout cela chez lui; mais s'il falloit compter les gages

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d'un Jardinier & autres dépenfes qu'il eft obligé de faire pour le potager le grain qu'il donne pour les poules, & les gages des Servantes qui les gouvernent, on verroit que tout cela iroit bien auffi haut, fi bien donc que nous mettrons encore trois livres, cy

3.1.

Nous donnerons.pour deux fols de pain à chaque perfonne, y compris celui pour les potages, cela montera à vingt fols, cy

I. 1.

5. f.

Le vin pour la table du Maître, qui va par jour à une pinte, mettons pour cela cinq fols en Province, cy Pour le vin des Domeftiqees, on le comprend ordinairement parmi leurs gages, & pour le fel, poivre, mufcades, cloux, herbes pour mettre au pot; falades, racines & autres legumes, vinaigre, verjus, chandelle, bois, charbon, tant pour la chambre, que pour la cuifine, trente fols par jour; cette dépense va bien là, cy

1.1. 10. f.

De maniere que fi l'on veut fçavoir à combien par jour fe monte la dépense de bouche de nôtre Gentil-homme, on verra qu'elle va à huit livres quinze fols, cy

8. l. 15. f.

Il reste à prefent la nourriture de quatre chevaux de caroffe, aufquels il faut par jour fix bottes de foin, c'eft-à dire une botte & demie à chacun, à deux fols la botte, à la campagne, font douze fols, quatre bottes de paille de quatre fols, fols, & quatre boiffeaux d'avoine pefant chacun quinze livres qui valent vingt quatre fols, le tout fait quarante fols, cy Pour le Maréchal & l'entretien des fers des chevaux, un fol par jour pour chaque cheval quatre fols, cy

2.1.

4. f. Pour le Sellier, & l'entretien des harnois deux fols par jour; pour le Charron & l'entretien des roues du carroffe, y compris les fournitures, quatre fols par jour, moyennant quoi il fera auffi obligé d'entretenir les charrues & autres harnois de labourage, le tout fait fix fols, cy Pour les gages & le vin d'un Maître d'Hôtel

cy

Le Valet de Chambre aura cent cinquante livres, cy
L'Officier d'Office cent cinquante livres, cy

6. f.

troit cens livres,

300. 1.

150. 1.

cens vingt-cinq livres, cy

A chacun des Laquais foixante & quinze livres, ce qui fait en tout deux

150. 1.

225.1. 200. 1.

Pour le Cuifinier deux cens livres, cy Pour le Cocher cent francs; pour le Palfrenier quarante-cinq livres, en tout cela fait cent quarante-cinq livres, cy

145.1. Joignons encore à tous ces premiers Domestiques deux Valets pour la charrue, nous ne compterons pour eux qu'une livre de viande chacun, par ce qu'ils fe fauvent dans ce que les autres Domeftiques peuvent avoir de trop, à quatre fols la livre, cela fait huit fols ; une Servante de Cuisine, une Servante de baffe-cour, une autre Servante pour garder les Vaches, un petit Valet d'Ecurie pour foigner les chevaux du labourage, & les autres harnois, un Berger, un petit Dindonnier, tout cela fait huit autres Domestiques, à chacun une livre de viande par jour à quatre fols la livre le tout vaut trente-deux fols, cy I. 1. l. 12. f. Ajoutons ici à prefent les gages de ces Domeftiques, & l'on donnera pour chaque Valet de charruë, quatre vingt livres par an, & pour les deux

I

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