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autre ne courre fur fon marché, & que le Maître ne prenne fantaisie de le faire valoir lui-même. Rien ne le fache tant que vôtre prefence, principa lement au temps de la recolte, où il craint qu'on ne voye la quantité de fruits qu'il retire de vos terres; c'eft pourquoi les Domaines, quelques beaux qu'ils puiffent être naturellement, perdent beaucoup de leur agrément entre les mains de ces fortes de Fermiers.

Pour éviter qu'un bâtiment ne tombe en ruine, les gros Seigneurs, dans les baux qu'ils paflent avec leurs Fermiers, les obligent à certaines réparations, ou ont des gens avec lefquels ils en traitent à forfait; mais ces précautions conviennent à ces perfonnes de ce haut rang, & non pas à des particuliers qui ont befoin d'ufer de plus de ménage, & qui demeurant fur les lieux, les font plus commodément & avec moins de dépenfe, & de plus de durée.

L'occafion feule qui peut obliger un particulier à amodier fes terres, eft lorfqu'il y en a dans fon Domaine qui ne font point à fa portée, qui font ingrates & trop éloignées les unes des autres, ou bien qu'il ne fe fent point. de penchant pour ce ménage, que fa femme n'y eft point du tout propre, & que leur temperamment trop délicat ne leur permet pas cet exercice, s'il a quelque Charge qui lui foit plus profitable que la culture des terres, ou quelque Employ confiderable qui l'appelle ailleurs, ou enfin s'il a d'autres prétextes qui l'en empêchent; alors il a raifon de ne point époufer ce parti; mais s'il en a les talens, & que la campagne y puiffe répondre, il a tort, s'il ne le fait pas, il n'eft tel que de gouverner fes héritages, & de fuivre, pour y réüffir, tout ce qu'on a dit là-deffus dans les Chapitres précedens; ne donnez au Fermier, dit le Proverbe, que ce que vous ne pourrez manier.

Il eft toûjours avantageux à un homme qui fe voit poffeffeur d'un beau Domaine, de fe travailler non feulement à lui faire produire les fruits qu'il a coûtume d'apporter; mais même de forcer fa nature par fes foins & fon induftrie à furpaffer fon attente.

Un bon ménager fera donc valoir la partie de fon Domaine ou de fa Métairie qui eft la plus proche de la maison, afin d'être plus à portée de veiller exactement fur fes ouvriers.

Le Maître des fon reveil,

Au ménage eft un Soleil.

C'eft une ancienne Sentence qui dit bien la verité, puifque c'est en effet la présence du Maître qui rend les Domeftiques diligens. Pline dit auffi dans le même sens, que la principale fertilité des terres dépend de l'œil d'un bon ménager, & non pas du talon, c'est-à-dire, qu'il ne faut dormir.

pas toûjours Quand on veut donner fon bien à ferme, on ne fçauroit trop prendre de précautions avec les Fermiers ou Métayers ; il faut tâcher de les tenir toûjours en bride par les claufes qu'on met dans le Contrat, & de tirer d'eux, outre le prix, le plus de courvées & autres chofes de cette forte; car fi vous y manquez, il eft rare que par honnêteté, ils vous donnent rien de plus qu'ils doivent.

Il y a des perfonnes qui pour fe décharger du foin de nourrir des Domeftiques à la campagne, & faire néanmoins valoir leurs terres par leurs mains, qui les donnent à un Maître Valet qui en a d'autres & autant qu'il lui en faut fous fa conduite. Le Maître lui fournit toutes chofes neceffaires à l'Agriculture, comme bétail, outils & femences, & pour la nourriture de tout le ménage durant l'année, il convient avec lui du bled, lard, fel, huile, legumes, vin & autres danrées neceffaires pour vivre, & de l'argent dont il a befoin pour la dépense qu'il doit faire, moyennant quoi le Maître Valet fe charge de tous les ouvrages, & d'en rendre tous les fruits qui en proviendront. C'eft ordinairement un homme marié qu'on chofit pour cela, parce qu'il faut une femme dans fon ménage qui ait foin du dedans; cette femme a fes gages particuliers felon la quantité d'enfans qu'elle a, & que ces enfans font plus ou moins grands, & plus ou moins en état de rendre fervice au Maître, les plus grands ont auffi des gages. On en agit de la forte en Provence, & ce Maître Valet, en langue Provençale, s'appelle Payre. Cette méthode eft très avantageufe quand on trouve des Domeftiques fideles, ce qui eft bien rare.

A l'égard des gens de journées les uns les payent en argent fans les nour rir, les autres les nourriffent, leur donnent avec cela ou de l'argent, ou des danrées: la premiere maxime convient fort aux perfonnes qui demeurent dans les Villes, parce que cette nourriture feroit un embarras terrible pour une femme à laquelle ce foin feroit commis, outre que ce ne feroit pas une épargne, à caufe des vivres qui couteroient plus que l'argent qu'on donneroit aux Ouvriers ; il n'y a qu'à la campagne où cela fe puiffe pratiquer commodément, & à l'avantage des particuliers qui y font leur féjour, principalement dans les temps où les danrées font å vil prix, & qu'elles ne fe vendent point; c'eft donc un bien pour eux, de trouver ainfi le moyen de les y confommer. Quand tout fe vend bien, cela eft indifferent, car avec de la marchandise on a de l'argent, & avec de l'argent on vient à bout de tout. La méthode de payer les Moiffonneurs eft differente en quelque Pays, les uns les payent en bled & les nourriffent, d'autres leur donnent de l'ar gent à forfait, & tant par arpent pour fcier ou moiffonner le bled, comme on voudra dire, & le lier; cette derniere maxime s'obferve ordinairement aux environs de Paris.

Les terres s'afferment encore à moitié fruits, au tiers ou au quart felon les Pays, c'est-à-dire qu'on prend moitié des gerbes, ou le tiers, ainfi du refte qui font fur le champ, de maniere qu'au fortir de là, le Métayer eft quitte à fon Maître. Quand on donne les terres à moitié, on fournit la moitié de la femence, & le tiers feulement quand on ne tire que le tiers des grains. Les Vignes en certains Pays s'afferment à moitié, mais il faut prendre garde que les Vignerons pendant leur bail ne les furchargent point de bois pour avoir plus de raifin, & par confequent en tirer plus de vin : cette méthode de les conduire les ruine en peu de temps. Il faut auffi prendre garde que ces vignes foient fournies d'échalats autant qu'il en ef. neceffaire; car arrive fouvent qué les Vignerons n'en mettent point leur contingente portion; parce, difent-ils, que ce n'eft point cela qui produit le raifin, Les Pâturages, les Etangs, les Garennes & le Colombier font de ces he

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ritages qui peuvent s'affermer; mais il faut prendre garde comment on le fait, car fouvent les Fermiers, qui n'envifagent que leur intereft, les laiffent déperir fans fonger à y apporter du remede.

Comme il eft de plufieurs manieres d'affermer les terres, auffi y a-t-il des perfonnes qui les prennent fous differens noms: tels font le Fermier & le Metayer le Fermier eft celui qui prend un Domaine, ou autres terres à forfait, & dont il fe charge à fes rifques & fortunes; pour le Métayer, il s'oblige feulement à cultiver les terres felon les conventions qu'il en a faites,

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Qualitez d'un bon Fermier.

N Fermier ou un Receveur, ces deux mots font fynonimes, qui fe chargé d'un Domaine, doit s'appliquer à connoître parfaitement quel en eft la valeur & le revenu, & les droits Seigneuriaux qui en font partie, afin de ne point être trompé. Il faut qu'il ait de quoi fe fournir suffisamment de beftiaux & de volailles de toute forte, qu'il ait foin de bien cultiver les terres, de les enfemencer de toute forte de grains, & de prendre garde qu'il n'en refte point en friche.

Il eft de fon intereft de bien fumer fes terres, & non pas de vendre les fumiers comme il y en a ; ces gens-là auffi croyant gagner d'un côté, s'abîment de l'autre ; il doit avoir foin que les Etangs, les Bois, les Prez foient en état de lui rendre bien du profit; il faut qu'il foit vigilant, adroit, entreprenant, actif dans les affaires du dehors, & ennemi des procez,

Ce que doit être un Métayer, pour être eftimé,

Pour le Métayer on le choifira homme de bien, & connu pour être de bon compte & fidele en fes paroles, fi l'on en peut trouver de ce caractere: il eft neceffaire qu'il foit marié, & que fa femme foit bonne ménagere, qu'il foit induftrieux, laborieux, diligent, fobre & non plaideur;ce dernier caractere eft fi mauvais, qu'on s'y ruine toûjours en croyant gagner.

Quand on a un honnête homme pour Métayer ou approchant, il faut paffer legerement fur fes petites imperfections, fans faire femblant de les voir,ne dementant toûjours néanmoins en rien de l'autorité qu'on a fur lui, crainte de trop grande familiarité, & qu'il ne fe laiffe par là aller infenfiblement à la défobeïffance.

Il ne faut point negliger de compter fouvent avec lui, les vieux comptes caufent quelquefois des difputes, & l'on aura foin de ne point laiffer courir termes fur termes, le Métayer en vaut mieux, & le Maitre s'en trouve plus à fon aife.

On changera le moins qu'on pourra de Fermier ou de Métayer, quand on en a un qui eft paffable, les nouveaux vifages ne font pas à rechercher, c'eft autant de nouveaux caracteres qu'on a à demêler, ce qui n'eft pas toûjours fi aifé de faire qu'on fe l'imagine.

On ne doit jamais negliger d'aller vifiter fon bien, quelque bon Fermier ou Métayer qu'on ait; il y a toujours quelque chofe qui fe dérange, & auquel il eft neceffaire de remedier au plûtôt, l'on n'en veut voir la rui

he entiere, ne fouffrez point fur tout qu'on introduife fur vos terres des fervitudes de paffages, d'abreuvoir, de coupes de bois & autres ; ce font des taches d'huile qui s'étendent toûjours, & qu'on ne fçauroit effacer.

Un Gentilhomme fera jaloux de conferver fon autorité fur fes fujets, fans en abufer, de foutenir fes privileges fans s'en attribuer de faux, & de garder ses libertez fans les outrer; c'eft par le moyen de ces prérogatives qu'un Gentilhomme foutient fa naiffance; mais auffi quand il en abufe, il trouve quelquefois des gens qui le font malgré lui rentrer en fon devoir.

CHAPITRE XIII.

Qu'il faut avoir bonnes provifions de vivres pendant toute l'année, & principalement dequoy faire du pain, avec tout ce qu'il y a à obferver pour le rendre excellent de quelque qualité qu'il puiffe être. Differens ufages qu'on fait des Farines.

Left de la prudence d'un bon ménager de ne point manquer de provisions en toute faifon, & de s'en fervir avec honneur & difcretion pendant toute l'année ; & pour cela il faut être foigneux d'amaffer fes bleds, & de les bienferrer au Grenier, de mettre le vin dans la Cave, les chairs en lieu où elles fe puiffent conferver, & les fruits des arbres dans des fruiteries ou autres endroits destinez pour cela. C'eft ainfi qu'il faut que les travaux de l'Agriculture nous faffent amaffer en gros ce qui en provient, & enrichiffent la maifon de ce qui doit après être deftiné en détail & avec oeconomie pour P'ufage du Maître & des Domestiques: c'eft un grand point que de s'entendre à tous ces embarras, & c'eft pourtant une étude qu'il faut fe faire abfolument, fi l'on ne veut pas vivre au dépourvû de mille chofes neceffaires à la vie.

Et parce, comme nous avons déja dit, que c'eft à la conduite de la femme que le dedans de la maison eft commis, c'eft elle qui doit avoir en garde toutes les provifions qui la regardent, & qui en doit être la diftributrice, felon que fon oeconomie lui fuggerera; ce n'eft pas qu'elle le doive faire fans le communiquer à fon mari; car enfin, comme on dit, à tout Seigneur, tout honneur, l'homme eft le Maître, c'eft par fes foins que tout vient, il eft bien jufte qu'il ait quelque connoiffance de la conformation qu'il s'en fait.

Du Pain.

UN Pere de famille commencera donc par le foin de se fournir de pain

pour toute l'année, comme étant l'aliment qui fert le plus à fuftenter l'homme, & pour cela dès que le batage des bled's eft fait, il jugera de ce qu'il lui en faut pour fa provision, & le fera mettre à part.

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Comment garder

long-temps

Remarques fur les Bleds pour la provision.

ENtre les Bleds, le froment est toujours le meilleur, & c'eft de ce grain

que le Maître choifira pour faire le pain de fa table, refervant les autres grains de moindre conféquence, comme le méteil, le feigle & l'orge pour faire celui de fes Domeftiqnes. Le froment qui croît dans les terres legeres & fabloncufes, eft meilleur & plus de garde que celui qu'on tire des terres fortes & humides: les parties de la farine en font plus fubtiles, ce qui fait que la pâte qui en provient, en fermente mieux, & que le pain en eft plus leger & de meilleur goût.

Nos Anciens prétendent encore que le bled fraîchement battu rend le pain plus blanc & plus délicat que celui qu'il y a long-temps qu'on garde au Grenier; c'eft pourquoi il y a encore de ces fortes d'obfervateurs, qui ne font battre le bled dans leur Grange pour leur provifion, qu'à mesure qu'ils en ont befoin pour mettre au moulin, de maniere que pendant toute l'année on y bat, & on tient que les Boulangers de Paris font très-perfuadez de cette maxime même dont ils ufent le plus qu'ils peuvent dans leur commerce.

Mais de quelque maniere que ce foit qu'on choififfe le bled pour fa provifion, il faut voir à combien de mefures cela peut monter, & comprendre dans cet examen les extraordinaires qui peuvent furvenir à la maison,crainte d'en manquer dans l'arriere faifon. On mettra cette provifion à part en gerbe ou en grain, il n'importe, d'un côté fera le bled pour la provifion du Maître, & de l'autre pour celle des Domestiques. Ce bled fera mis dans un lieu où il puiffe bien fe conferver, non feulement contre ceux qui pourroient le dérober, mais encore hors de la portée des infectes qui lui font nuifibles. Il y en a qui dès le champ deftinent certains bleds pour leur provifion, qu'ils font mettre féparément dans une Grange, & qu'ils gardent là comme en dépôt, & pour s'en fervir au befoin. Ils foignent après que le froment est battu de le bien faire cribler, & d'en mêler les criblûres parmi les grains deftinez pour faire le pain des Domeftiques ; il faut obferver ce mé nage, il n'eft pas d'une petite importance où il y a bien des Valets.

On a dit que le bled fraîchement battu rendoit le pain plus favoureux que celui fur lequel il y a long-temps que le fleau a paffé, & la raifon qu'on en donne, c'eft, difent quelques Naturaliftes, que le grain, tant qu'il eft enfermé dans fa balle, conferve une fubftance d'où dépend un certain goût agreable qu'on fent quand on mange du pain de la farine qui en provient, au lieu que lorfqu'il eft vieux battu, cette fubstance se volatilife, & perd par ce moyen ce qu'elle a de plus délicat.

Il eft vrai que tel grain nouvellement battu ne rend pas tant de farine que celui qu'il y a long-temps qui eft au Grenier, & que cette farine ne fe garde pas auffi fi-bien que celle qui fort du dernier. C'est à faire maintenant à nôtre ménager à fe regler là-deffus, & à confulter s'il veut que la délicateffe pour le goût de fon pain, prévale fur le ménage, & pour le déterminer là-deffus il faut qu'il fache que la farine gardée de longue main, fe paîtrit mieux que celle qui eft fraîchement mouluë.

Pour conferver la farine dans fa bonté, & auffi long-temps qu'on voudra, 1 Fasine. comme fept à huit mois & davantage, il faut qu'elle foit groffierement

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mouluë

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