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moulue fauf à la bluter ou tamifer au befoin, & la mettre dans des vaiffeaux de bois qui n'ayent point de mauvaise odeur, & dans un endroit aëré, parce que la farine eft ennemie de l'humidité, qui la gâte & lui donne un goût de moifi: il eft bon de mois en mois de la changer de vaiffeau, on prétend que ce foin la fait foifonner, & que le pain en eft meilleur.

Ces avis regardent pofitivement une femme ménagere, qui veut que tout aille par ordre dans fon ménage, qu'il y ait du bon pain tant pour elle que pour fes Domestiques, & qu'il n'y en manque point; car fe voir obligée, quand ce ne feroit que pour la table du Maître, d'en aller achetter chez les Boulangers, c'eft une dépenfe des plus préjudiciables.

Quand on veut envoyer le bled au Moulin, il faut d'abord le bien cribler & le nettoyer de toutes fes ordures, en ôter la niélle, la vefce & l'yvroye, qui font de mauvais grains & propres feulement à donner à la volaille.

Si le bled eft trop fec, tel que peut être, celui qui fort d'un grenier bien aëré, il fera bon de le baffiner d'un peu d'eau avant que de le mettre au moulin, ce qui ne fe pratique point à l'égard du grain fraichement battu. Une pinte d'eau fuffit pour quatre boiffeaux de froment mefure de Paris, c'est à dire, pefant chacun feize livres, il faut que cet arrofement fe faffe douze ou quinze heures avant que de mettre le bled fous la meule,

Obfervations fur les Moulins.

Après avoir fait choix dubled & l'avoir bien nettoyé, on l'envoyer au

Moulin, foit à eau foit à vent, felon la commodité du pays; fi on en a le choix, on préferera le Moulin à eau au dernier, & principalement celui qui moût à l'aide d'un ruiffeau qui coule avec rapidité, parce que la meule en tourne mieux; il faut qu'elle foit toute d'une piece pour bien faire & de pierre dure, telles que font celles qui nous viennent de la Brie, Champagne, & principalement de la Ferté fous-Jouare; car les meules de pierre tendre & molâtre fe froiffent & s'alterent trop-tôt, & laiffent toû jours en tournant quelques gravois, qui ôtent la bonté du pain, & le

rendent incommode fous la dent.

de

Le bled moulu fe convertit donc en farine, tellement que la farine n'eft autre chofe que ce qui fort du bled qu'on a fait moudre; ainfi tel a été le bled, telle eft la farine, c'eft à dire, qu'elle eft blanche fi le bled en eft gros,net & bien choifi, au lieu qu'elle eft grisâtre & pleine de fon, fi le grain en eft chetif, menu, ride & plein d'ordures: telle eft la farine de feigle,

pur,

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Les Meuniers ont des Bluteaux dont on fe fert, fi l'on veut, ce font des Des Bluinftrumens propres à feparer le fon de la farine; chaque Bluteau eft fait en teaux, maniere de grand fas ou tamis long & cylindrique, compofé de plufieurs que c'eft. cercles qui foutiennent une piece de toille, de foye ou autre étoffe plus ou moins fine par où la farinepaffe dans la may du moulin. Il dépend de la fantaifie de ceux qui font moudre leur bled de choifir tel Bluteau qu'ils veulent. Il y a le fin Bluteau, le Blutean des Boulangers, qui rend encore la farine plus fine, le Blutean commun, dont le bourgeois fe fert ordinairement & lẹ gros Bluteau pour la farine des domeftiques ou du menu peuple.

Ces Bluteaux ne font point par tout en ufâge, c'est pourquoi on moût

L

fortes de

Faunes.

le bled & on en reçoit la farine tout pêle mêle avec le fon; mais auffi avant que de la paîtrir, les uns la paffent au tamis plus ou moins fin, & les autres à travers un bluteau qu'ils ont chez eux, & qu'ils tournent avec une manivelle ; la farine étant ainfi préparée, il n'eft plus question que d'en faire du pain, nous donnerons ce foin à la maîtreffe Servante, comme à celle qu'on eftimera la plus adroite & la plus robuste.

Il eft pour lors plus queftion de force de corps que d'efprit, parce que quand il faut long-temps tamifer ou bluter une farine & manier la pâte, comme elle doit être maniée, ce n'eft pas une petite affaire, fur tout lorfqu'on paîtrit du gros pain pour les domeftiques.

Lors donc qu'une Servante fe met en devoir de s'acquitter de cet emploi, elle commence d'abord par bluter ou tamifer la farine pour le Maître, fi elle ne l'a point été au moulin; c'est une grande avance dans les pays où cela fe pratique ordinairement; puis elle en prend la plus fine qu'elle deftine pour le pain blanc, & ce qu'elle en tire de groffier, ôtez-en néanmoins le gros fon, elle le mêle parmi la farine du commun, qui eft compofée pour l'ordinaire, de feigle pur & d'autres petits grains felon la cherté plus ou moins grande du bled ou bien du méteil, cela dépend de la bonne volonté & des moyens plus ou moins fuffifans du Maître de la marfon.

La Boulangerie doit toûjours être dans un endroit qui foit chaud, parce que la chaleur contribue beaucoup à la bonne façon du pain ; il y a des farines qui fe manient differemment, l'une demande plus de levain que l'autre, celle-ci veut l'eau plus chaude ou plus froide que celle-là, & être paîtrie plus ou moins forte; l'experience qu'on fait de ces farines, nous rend habile à les manier comme il faut; il y en a qui prétendent que ce. font les differens climats d'où naiffent les bleds qui reglent ces methodes: mais à examiner la chofe de bien près, cela dépend plus de la nature du bled plus ou moins nourri, & qui par confequent a plus ou moins de parties qui fe puiffent lier l'une à l'autre, que de toute autre cause.

Une Servante entendue au ménage, & qui a coûtume de paîtrir du pain, juge bien-tôt de la maniere qu'elle doit s'y comporter: paffe pour y manquer une premiere fois, mais après elle fçait bien vîte fe corriget de ce défaut, & fait de bon pain de cette farine.

Outre la farine de froment, on en fait auffi de méteil, de fegle, d'orge, Differentes de fcourgeon, de bled de Turquie, & de plufieurs autres grains de moindre valeur, & dont on fe fert très-utilement dans le temps de la cherté du bled. L'année 1709. fera long-temps remarquable par l'extrême difette de bled qu'il y eut, & qui apprit à ufer generalement de toutes fortes de grains pour faire du pain ; il y a même des pays où le terroir ingrat ne permet pas qu'on en mange d'autre, les corps s'y accoûtument, & on ne laiffe pas que d'y vivre bien long-temps.

La farine d'orge eft fort pleine de fon, c'eft ce qui fait qu'elle eft. plus difficille à lier que celle du bled: celle de fegle n'en eft gueres moins mêlée,

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Du Levain.

Ine fçauroit paîtrir du pain fans levain, & ce levain n'eft autre chofe qu'un morceau de pâte environ gros comme la tète, qu'on tire de celle de la derniere fournée de pain qu'on a faite, Il vient de fermentum, parce que c'est une pâte qui fermente, & qui fait fermenter celle dans laquelle on la met.

Il faut être foigneux de bien couvrir ce levain de farine, & de le mettre dans un endroit qui foit chaud, fur tout en hyver. Les uns le mettent au pied du lit entre la paillasse & le lit, & les autres ailleurs où il puitle être chaudement; car ce n'eft que par le moyen de la chaleur que la fer

mentation fe fait.

Les levains fe font de differentes manieres felon l'ufage des Pays. Pour la pâte de froment le levain fera de même farine, & de méteil pour la pâte qui en est paîtrie, ainsi du reste. Il y en a qui y mettent du fel, d'autres du vinaigre; quelques-uns du verjus de grain & des pommes fauvages, parce qu'elles contiennent des acides qui font propres pour un goût de levain, & qui étant dans le mouvement, le font enfler merveilleufement bien.

Les Flamands pour levain mettent du froment dans de l'eau, ils le font bien bouillir; & à mesure qu'il bout, ils en levent l'écume qui vient au deffus, & la laiffent épaiffir, puis ils l'employent dans leur pâte. Cela leur donne un pain bien plus leger que le nôtre: la méthode en eft facile, & peut se pratiquer par tout.

Les Boulangers ufent d'un levain qui peut fe garder quinze jours, & non davantage, autrement il s'aigrit & devient inutile, il vaut mieux ne le pas garder fi long-temps, Quand on veut dans un Domeftique paîtrir du pain, il faut la veille détremper fon levain avec de l'eau chaude ou bien de l'eau froide felon la faifon & la nature du bled dont on fait le pain.

Si par malheur le levain, lorfqu'on voudra l'employer, fe trouve trop aigri, & qu'on n'en puiffe trouver ailleurs, il faudra le détremper avec une eau plus chaude qu'à l'ordinaire, afin que par cette chaleur il puiffe devenir meilleur, & recouvrer quelques parties capables d'aider à la fermentation, lorfqu'il fera refroidi on en agit autrement quand il eft dans fa force, parce qu'il ne faut en été que de l'eau froide.

Diverfes

C'eft une chofe affez partiéuliere de voir que le pain fe paîtrit en des Pays differemment qu'en d'autres ; car par exemple, dans la Beauffe on rafraî- façons de chit en été le levain à midy avec de l'eau fraîche, & on en fait la même pain. chofe à cinq heures & à neuf heures du foir; ce font des heures reglées aufquelles il ne faut pas manquer; on tire cette cau d'un puits, d'une fontaine, ou d'une riviere; on eftime mieux la derniere, parce qu'on tient que le pain en eft plus leger; on fe fert en hyver d'eau tiede.

Après cette premiere façon on fe met en devoir de paitrir fon pain en le maniant & remaniant à plusieurs fois, afin que toute la farine fe tourne en pâte, & qu'on n'en voye aucune marque dans le pain quand on vient à lo manger; cela le rend moins pefant fur l'eftomac,

Ce pain étant ainfi manié, on tournera auffi-tôt la pâte, crainte qu'elle ne fermente trop, parce qu'un pain trop aigri n'eft pas du goût de bien des gens, il n'y a que les gens groffiers & de travail aufquels il puiffe plaire.

La farine du bled de la France ne veut pas tant de levain que la préce dente, ni l'eau fi chaude, & manque de cette obfervation, le pain s'enfle trop & devient rude lorfqu'on le mange.

Le bled de Picardie donne une farine qui rend prefque toûjours le pain gras cuit, il faut être accoûtumé à le paîtrir pour corriger en lui ce défaut. Il demande le four chaud, il eft fort à cuire ; & 'ne prend couleur que difficilement, les parties de la farine en font fort groffieres & fe lient tellement les unes aux autres quand on en fait de la pâte, qu'il fe fait une croûte en cuifant, qui ne permet pas que la chaleur du feu en dedans pour lui donner une cuiffon parfaite.

penetre affez On a dans la Champagne du bled dont la farine demande que le levain foit plus fraîchement fait, parce qu'elle a un goût de terre qui s'augmenteroit dans la pâte, fi le levain étoit trop fermenté ou revenu, comme on dit en bien des endroits, ce qui fait qu'on fe preffe à faire le pain.

Il eft aife de comprendre par ce qu'on vient de dire que la façon de paîtrir du pain dépend en quelque maniere de l'ufage des lieux où l'on eft & des bleds qui y croiffent; il faut donc s'y étudier dans les commencemens & s'en faire enfuite une méthode qu'on ne perdra point de vûë.

Le Pain de Méteil a fes autres inconveniens, il eft toûjours gras quand on le paîtrit, & une perfonne qui n'y eft pas accoûtumée s'y trouve bien embaraffée, & l'on a obfervé que pour le profit de la maifon, il valoit mieux bluter la farine de méteil & de fegle, que de la paffer au fas, à caufe que le bluteau par le fort mouvement qu'il fait, détache plus facilement la farine du fon, qui autrement en retient la meilleure partie.

Après que la pâte de la fournée eft paîtrie avec toutes les précautions neceffaires, on la divife par portions pour en former des pains auffi gros qu'on le fouhaite, & qu'on enfourne quand la pâte a fuffifament fermenté, & pour l'éprouver, il y en a incontinent après que les pains font formez, qui enfoncent le poing dedans, & lorfqu'ils voyent que le creux que cette impreffion a faite eft rempli, ils jugent que cette påte eft affez revenue & qu'il eft temps de l'enfourner.

Le Four doit être raisonablement chaud; s'il l'eft trop, la croûte du pain brûle d'abord, & s'affermiffant trop, empêche que la chaleur ne pénetre jufqu'au dedans pour le cuite s'il n'a pas affez de chaleur, le pain ne prend qu'une couleur de pâte & ne cuit point en dedans, il faut donc éviter ces deux extremitez.

Il y en a qui difent que pour le gros pain, il faut que l'Atre du Four, pour avoir le dégré de chaleur qui lui convient, rende de petites étincelles de feu quand on le frotte rudement avec un bâton; au refte, une experience de longue main à chauffer le Four, apprend toûjours affez à connoître quand il eft ou n'eft pas affez chaud.

Le Four étant chauffé comme il faut, on enfourne le pain, il faut obferver qu'on commence par celui des Domeftiques qu'on met tout au tour de l'âtre, laislant le milieu vuide pour placer le pain le plus délicat. On

enfourne ce dernier qu'après que le gros pain a effuyé la plus âpre chaleur du Four; parce que fi on le mettoit au Four en même temps, le pain de froment brûléroit & fe deffecheroit trop ; on laiffe paffer environ une heure pour cela, puis on acheve de tout enfourner.

Il faut que l'endroit où l'on paîtrit foit bien propre, que les Huches ou Mays foient bien nettes, & que les linges ou autres chofes dont on fe fert pour couvrir le pain, n'ayent rien qui dégoute, il n'y a que des femmes faloppes qui foient capables d'en agir autrement.

Le meilleur chauffage pour le Four font les fagots ou les éclats de bois fec; au défaut de ces bois on fe fert d'épines en des endroits ou de bruyeres, de chaume, en d'autres de paille ou de gros roseaux qu'on met fecher, chacun felon la commodité du pays; il eft vrai que ces dernieres matieres n'échauffent pas fi bien un Four à beaucoup près que le bois, mais on fe paffe de ce qu'on a, le farment eft encore affez propre & on l'employe pour cela dans les lieux où il y a bien des vignes.

Il faut trois bonnes heures & davantage pour cuire le gros pain, & autant de temps à proportion pour celui qui eft plus délicat, & l'on éprouve qu'il eft cuit, lorfqu'en en tirant un,& que le frappant le plus rudement qu'on peut avec le bout du doigt du milieu, la croûte raifonne, finon il faut encore le laiffer cuire; étant cuit on le tire du Four, puis on le met repofer fur une table qui eft dans le fournil. Il ne faut pas mettre les pains fun fur l'autre, mais à côté l'un de l'autre tout droits & appuyez contre le mur. On les laiffe ainfi jufqu'à ce qu'ils foient refroidis, pour après les ferrer ailleurs, d'où on les tire pour s'en fervir au befoin.

Pour faire du pain d'orge il en faut choifir le plus beau. Il eft difficile de Pain d'org le faire de fa pure farine, elle a peine à fe lier, & il faut être accoûtumé ge. à le paîtrir pour y bien réüffit; ont le mêle ordinairement avec quelque autre farine de froment, de fegle ou de méteil ; on fait auffi du pain d'ef courgeon, appellé en des endroits orge quarré; ces fortes de pains font d'un grand fecours dans la cherté du bled, & on ne s'avife guéres d'en nourrir les Domestiques dans un autre temps. La façon pour le levain eft la même chofe qu'au pain de froment.

Pain d'a

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On fait auffi du pain d'avoine, de féve & de pois, mais il faut pour cela que la difette des grains foit extrême, comme en l'année 1709. où l'on voie de fe jettoit fur ce qu'on pouvoit trouver pour avoir leyen de faire du Pois. pain, la faim eft fort ingenieufe, & donne souvent a l'homme des fecrets aufquels il n'auroit jamais penfé.

Pain de

Pain de

Ris.

Pain de

Les Gafcons font du pain de Millet qui eft fort fee & facile à s'émier, il ne laiffe par de les nourrir, & viendroit fort à propos dans un temps de Millet. difette de bled à ceux qui n'en auroient point chez eux introduit l'usage; le pain de Ris eft encore affez bon, il feroit à fouhaiter que la France fut un climat affez heureux pour nous en pouvoir fournir. On mange encore du pain de farine de bled de Turquie, il eft pefant à la verité, mais quand de on y eft accoûtumé on l'eftime mieux que le pain d'orge: on en voit beauTurquie. coup dans la baffe-Bourgogne, la Franche-Comté, la Breffe & autres lieux: ce grain fait beaucoup de profit tant pour la nourriture de l'homme que des animaux,

bled

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