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Diverfes

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Il est constant que le pain le plus délicat eft celui qui eft fait de pur froment, & dont la farine eft bien blutée ou tamifée comme il faut : ce pain eft propre pour ceux qui ne font pas obligez à travailler beaucoup, parce qu'il ne foutient pas, à moins qu'on n'en mange exceffivement, ce qui n'eft pas le profit du Maître : il faut pour des ouvriers un bon pain de méteil, cela les foutient & leur remplit fuffifament la capacité de l'eftomac: le pain de fegle ne leur eft point encore mauvais.

Les veritables maximes du ménage veulent qu'on ne mange le pain que raffis & jamais tendre, il en faut toûjours avoir d'une fournée à l'autre; car, comme dit le Proverbe, pain tendre & bois vert met une maison en défert: & pour le bien conferver, il faut le mettre en un lieu où il ne puiffe fe moifir, Les uns le portent à la cave en Eté, & les autres dans un autre endroit qui eft frais; on doit auffi en Hyver le garantir de la gelée, lorfque le froid eft trop rude.

Le gros pain doit toûjours être paîtri dur, & celui du Maître un peu plus molet, & cela ne va qu'au plus ou moins d'eau qu'on met dans lá farine en la détrempant. Qu'on ait toûjours pour maxime de bien manier & remanier quelque pâte que ce foit, de la tourner bien des fois & la retourner avant que d'en former les pains, autrement un pain est mal façonné, & par confequent pefant & défagréable.

On fait encore differentes fortes de pains, qui ne confiftent que dans autres for- les diverfes façons & préparations qu'on leur donne. Il y a le pain à la Reine, tes de pains qu'on détrempe avec du fel, de l'eau à l'ordinaire, & de la levûre de bierre, Pain à la Mode & à la Montauron, où l'on met du lait, le Pain de Chantilli, où il y entre du beurre: en tous ces pains la pâte eft plus molle & plus levée que dans les autres.

Nous avons le Pain chalant, qui eft un gros pain que vendent les Boulangers de Paris, & qu'ils font porter chez les Bourgeois qui font leurs chalands; c'eft de-là que ce pain a pris fon nom. Le Pain de Goneffe eft un pain particulier qui excelle fur tous les autres pour la proprieté des eaux qui fe trouvent dans ce lieu: on a youlu en bien des endroits imiter la maniere de faire ce pain, & l'on a fait venir pour cela exprès des BoyJangers de Goneffe qui n'ont pû y réüffir, ce qui a fait juger que cela dépendoit de la qualité de l'eau: ce pain eft leger, & a beaucoup d'yeux, qui font les marques de fa bonté.

Le pain qu'on fait chez foi s'appelle Pain de Cuiffon ou de Ménage, qu'on diftingue encore en Pain de Braße, qui eft un gros pain qu'on fait pour les gens à l'égard dų Pain de Son, il n'eft bon que pour les Chiens.

Differens ufages qu'on fait des Farines,

Es Farines, outre le pain dont elles font le corps, s'employent encore dans le ménage à plufieurs autres ufages, comme par exem◄ ple, la Farine de Froment fert pour la patifferie, on en fait de la bouillie elle entre dans les ragoûts pour la liaifon des fauffes, & dans les crê mes cuites qu'on fait à la campagne pour régal, c'eft la meilleure de toutes les Farines.

La Farine de Méteil n'eft pas fi bonne, on ne laiffe pas neanmoins d'en faire de la bouillie pour les Domeftiques, quelque patifferie groffiere, comme galettes, gâteau ou croûte de quelque pâté, dont on veut les regaler: pour la Farine de Segle pur, on l'employe aux mêmes ufages, & elle eft fort utile pour la pâte bife dont fe fervent les Patiffiers. On dira ce que c'eft que tout cela dans l'article qui en traitera.

Entre la fleur de Farine & le Son de toutes fortes de bleds, il y a encore d'auttes parties de farines plus ou moins fubtiles felon qu'on l'a plus ou moins faffée pour le befoin qu'on en a; on voit encore une autre efpece de farine que le Vulgaire appelle Farine folle ou volante ; c'est celle qui fort du bled qui eft broyé fous la meule du moulin: on n'en fait point de pain, mais les Meuniers la ramaffent pour la vendre à ceux qui en ont befoin pour faire de la colle.

porte

Les Italiens ont une autre farine qu'ils appellent le Mol; on nous en apporte de Naples & d'Italie, & nous nous en fervons pour en faire de la bouillie; elle n'eft pas fi blanche que nôtre farine de froment, elle eft un peu jaunâtre, mais excellente au refte pour ce qu'on l'employe & très-legere.

Il y a encore l'Amidon qui eft une pâte qui fe fait avec de la fleur de froment; on fait de l'orge mondé avec la farine d'orge qu'on paffe après en avoir fait crever le grain, la Farine d'Avoine fert à faire du gruau dont on ufe en bouillie, qui eft trés-excellente. La Farine du bled de Turquie est encore d'une très-grande utilité en bien des pays où on le feme abondamment; on en fait des gaudes, qui eft une espece de bouillie dont fe fubitantent la plupart des gens de campagne. Cette farine s'employe auffi pour des groffieres patifferies qui fe cuifent au four: nous avons encore la Rleur de Ris, qui eft admirable en bouillie.

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Autres Provifions tant de Vin, Chairs, › que de toutes autres chofes necessaires au Ménage des Champs.

DU VIN.

L eft bon toûjours, autant qu'on le peut, d'avoir fa provifion de Vin en cave, fi l'on eft dans un pays où il en croiffe, finon on aura de la boiffon qui y fera le plus en ufage; mais fuppofé qu'on foit dans le premier cas il y aura du vin pour le Maître, & celui des Domestiques, foit rouge, gris ou blanc, il n'importe ; c'eft une précaution qu'on doit prendre quand on en a le moyen, pour n'être point obligé de s'en paffer, ou d'aller bien loin en chercher, lorsqu'il nous furvient quelque ami: on ne fçauroit faire bonne chere fans vin, car le Vim, comme on dit, eft l'ame du repas. Le vin eft neceffaire en quelque façon à la vie ; mais lorsqu'on en a à fa cave bien garnie, il eft bon de le fçavoir ménager, & d'en regler tellement,

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Rapez

Jes ordinaires, qu'il puiffe durer raifonnablement. Si l'on en donne aux Valets, on fçait la mefure dont on eft convenu avec eux, & pour ne s'y point tromper au défavantage du Maître ou du leur, on a des vaiffeaux qui tiennent jufte la mesure preferite.

Pour la Table du Maître, c'est à lui d'en ordonner la mefure, fi bon lui femble, mais c'eft toûjours pour le mieux de fe borner à une certaine quantité pour chaque repas, à moins qu'il n'y ait quelque nouveaux furvenans, qui obligent d'augmenter la portion ordinaire.

Cette maxime fe pratique dans les maifons bien reglées: l'invention qu'on a trouvée aujourd'hui de boire la premiere goûte de vin d'un vaisfeau auffi vineufe que la derniere, eft merveilleufe, tant pour l'oeconomie que pour le plaifir qu'elle procure. On a pour cela des bouteilles de gros verre à petit cou, il y en a de pinte & de chopine, mefure de Paris, on foutire le tonneau quand le vin eft clair, c'eft à dire, on perce le tonneau dans le bas à quatre doigts au-deffus du jable, on y met une canelle, on en tire la premiere goûte jufqu'à ce que le vin vienne tout clarifié, puis on prend bouteille à bouteille qu'on remplit de ce vin, & jufqu'à ce que le, tonnneau foit vuide; cela fait, on a des bouchons de liege faits exprès, on en bouche chaque bouteille, de maniere que la vapeur du vin ne s'exhale pas, enfuite on ferre ces bouteilles dans la cave même, pour les prendre l'une après l'autre quand on en a befoin: il y en a qui les mettent dans du fable, le goulot en bas, elles fe confervent très-bien de cette maniere, & comme cela, on n'apprehende pas que celui ou celle des Domestiques qui a la garde du vin, en faffe tort & le dépenfe mal-à-propos : on fçait le compte des bouteilles, on peut en tenir un memoire, & à mesure qu'on en prend les marquer; & par ce moyen on ne fera pas trompé.

C'eft une œeconomie qui ne regarde à la verité que le vin du Maître car pour celui des Valets, il faut en quelque façon s'en raporter à la perfonne qui en fait la diftribution, on doit la croire fidelle, on l'a choifie pour telle, & pour le peu de foupçon qu'on ait de fa conduite, il faut la conjedier pour fe guerir l'efprit, & en prendre une autre.

Quant au vin des Valets il faut d'abord le percer au bas du tonneau à quatre doigts au-deffus du jable, comme nous l'avons dit, & avoir des mefures reglées foit de terre ou d'autre matiere qu'on leur emplira à chaque repas; on tire ainfi le tonneau jufqu'à ce qu'il foit tout-à-fait vuide; les Valets boivent bien jufqu'à la derniere goûte, ou bien fi l'on a quelque rapé, on pourra paffer deffus le vin qui eft au bas, il n'en vaudra que mieux; cela ne coute rien qu'un petit foin qu'on ne dédaignera pas de prendre, lorfqu'on en a la commodité; c'eft pourquoi on confeille d'avoir toûjours chez foi deux Rapez d'un demi muid chacun, c'est un ménage.

On a encore pour la boiffon des Valets des trempez appellez autrement Trempea. Boiffons, qui ne font autre chofe que de l'eau paffée fur du Marc enfermé dans un vaiffeau; on fait cette boiffon plus ou moins forte, felon qu'on y met plus ou moins de vin, on l'appelle encore, Vin de dépense; ce vin n'eft bon que depuis qu'il a un pen fermenté jufqu'à Pâques; car fitôt que les chaleurs furviennent, il s'aigrit. C'eft pourquoi on aura la précaution de

de le faire boire en ce temps qui eft celui où les Valets ont le moins de peine, & leur referver le vin pour l'Eté; cela dépend au refte des claufes dont on eft convenu avec eux fur cet article.

Il faut du gros Vin pour les Ouvriers; les Vins clairets & blancs paffent trop vite, cela ne leur gratte pas affez le gofier, & ne les foutient pas fi bien; ils font à moitié contens quand ils voyent un vin d'une couleur d'un rouge foncé, & ne fuffe que de la piquette, cela fuffit pour les empêcher de murmurer,

Celui auquel la Cave eft commife, doit avoir foin de la tenir nette, & que les vaiffeaux d'où on a tiré le vin, ne fe moififfent point : une Cave negligée ainsi qu'un vaiffeau fouvent s'enpuantit, & l'on ne peut plus s'en fervir que le vin ne s'y gâte: il eft donc du ménage d'y veiller; de tenir pour cela les foupiraux de la cave fermez & ouverts dans le befoin, & de garantir les futailles de la mauvaise odeur, afin de pouvoir s'en fervir une autre année. L'oeil du Maître ou de la Maîtreffe eft capable de bien conduire tout cela, pour peu qu'il veuille ne s'y pas endormir,

Dans les lieux où le vin eft rare, comme en Normandie, on aura fa provifion de Cidre, de Pommé ou de Poiré, ces deux dernieres boiffons Cidre, Po peuvent être communes ailleurs que chez les Normands, & l'on en fait ef- mé, Poiré. fectivement en bien des endroits, & qui y tiennent même lieu de vin pour l'ordinaire des Valets : il y a encore le Cormé qu'on boit au lieu d'eau & Cormé. la Bierre dont on fe paffe très-bien au défaut de vin; toutes ces provifions Bierre, font admirables, & d'un très-grand fecours dans un ménage : nous dirons dans leur lieu la maniere de faire chacune de ces liqueurs qu'on destine, tant pour la bouche du Maître que pour celle des Valets.

L'Eau de Vie eft encore neceffaire dans une maifon de campagne; on Eau de vie? l'y employe à plufieurs ufages dont nous parlerons, & le Vinaigre n'y a Vinaigre pas moins fon utilité : il faut donc être pourvû de toutes ces provifions, pour n'être pas obligez d'en aller chercher chez fes voifins lorsqu'on en a befoin, & pour en avoir qui coutent peu, & qui foient meilleures que celles qui fe vendent chez les Marchands. On donnera la maniere de les faire; paffons de ces liqueurs aux Chairs dont il est bon qu'une maison foit munie,

Nous ne parlerons point ni des viandes de boucherie qui fe mangent fraîches; mais de celles qui fe gardent & qui font comme un fecours fort confiderable pour la nourriture tant du Maître que des Domestiques.

Les Porcs, les Chevres, les Boeufs, les Vaches & les Oyes font les animaux qui fourniffent le plus de quoi avoir des viandes de garde; on ne tue point de ces bêtes, qu'elles ne foient graffes, & c'eft ordinairement en Hyver que cela arrive, où les chairs alors prennent bien fel, au lieu qu'en Eté elles ne fe falent que difficilement, outre qu'il est dangereux qu'elles ne fe corrompent.

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Provifions de Chairs differentes.

Es Chévres font les premieres qu'on facrifie pour le ménage, les Boucs
n'en font point exceptez; mais il faut qu'ils foient châtrez: ils doi-
M

Chérres:

Torcs.

vent l'un & l'autre être gras, & c'eft pour l'ordinaire au commencement de l'Automne qu'on les tuë, afin de tirer du profit de leurs peaux qui ne vaudroient que très-peu de chofes en Hyver.

Ces animaux ne font pas plûtôt tuez & deshabillez, qu'on les dépece par morceaux pour en faller la chair le plus chaudement qu'il eft poffible parce que quand elle eft refroidie, elle n'en prend pas fel fi facilement. II. faut foigner d'en féparer la graiffe qu'on employe pour faire de la chandelle.

Pour leur peaux on les étend auffi-tôt en un lieu fec & aëré, qui soit néanmoins à couvert du Soleil, & hors de la portée des chiens, des chats & des rats qui les endommageroient. Si l'on veut les rendre d'une belle vente, il faut en les étendant, les tenir élargies & ouvertes le long de petits bâtons qu'on y attache, & par ce moyen elles ne fe retirent point.

La chair de Chévre ou de Bouc n'eft pas bien excellente, on n'en fert guéres fur la table du Maître, ce n'eft que pour les Valets, qui n'ayant pas, le goût fi délicat s'accommodent affez bien de tous mets, pourvû qu'ils en ayent fuffifamment le ventre remply.

Les Porcs ont la chair meilleure & plus profitable; on tue d'abord ceux qui font les plus gras, pour laiffer engraiffer les autres; ce font de petits Porcs alors qu'on égorge, & dont on nourrit la maison, avec les dépouilles qu'on fait aller le plus loin qu'on peut avec la viande, & jufqu'à ce qu'on en tuë de plus gros & de plus gras, autant qu'on juge en avoir affaire pour la provifion du ménage,

Quand un Porc eft égorgé on l'étend le ventre deffous, & les quatre pieds écartez fur trois bûches, & en travers écartées l'une de l'autre d'un pied, on le couvre de grande paille, puis on y met le feu pour en brûler la foye.

Cela fait, & lorfqu'on voit que cette foye eft bien brûlée par tout, on en ratiffe proprement la peau avec des coûteaux, dont le tranchant foit en partie émouffé; car s'ils étoient trop affilez, ils écorcheroient la peau du Cochon ; on foigne donc de bien ratiffer toutes les parties du corps de ce Porc.

Il y en a après qu'ils font brûlez, qui au lieu d'en ratiffer la peau avec des coûteaux, prennent de l'eau fraîche bien claire & bien nette, la jettent pardeffus, & avec des tuilleaux ratiffent cette peau à force de bras. Cette derniere façon à la verité en rend la peau plus blanche, mais on tient qu'elle diminue le relief de la viande ; d'autres les échaudent, & les pellent comme on fait un cochon de lait, cette maniere eft trop pénible; & ne nettoye pas fi bien un cochon de fes foyes que les deux précedentes: on choifira néanmoins celle qu'on voudra, ou plûtôt on suivra en cela l'usage du Pays.

Le Porc étant nettoyé, comme on vient de dire, on l'ouvre les uns par le ventre, & les autres par le dos, en levant l'échinée depuis la tête jufqu'à la queue qui y tient; cela fait on ôte toutes les entrailles du corps qu'on défait tout doucement, & qu'on fépare les unes des autres ; c'est-à-dire les boyaux des freffures, les freffures du mou, ainfi du refte, pour en faire après les mets aufquels toutes ces parties font deftinées.

Le fang & les boyaux font refervez pour les boudins, les andouilles &

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