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une Riviere & un grand Chemin en font de fort incommodes: un mauvais Particulier, ou un Hobereau, eft encore à craindre, & avant que de finir ceChapitre, qu'on fe fouvienne de ce qu'a dit fort judicieusement un des plus fameux Poëtes de l'antiquité : quand il nous avertit de faire cas d'un Domaine qui ait beaucoup d'étendue en Terres labourables, mais de n'en laexiguum co- bourer qu'un petit nombre, parce qu'on les cultive toûjours avec bien plus lito. Virg. de foin, & que par confequent elles en rapportent davantage de grains. Georg. II.

Laudato in

gentia rura,

CHAPITRE II.

Connoiffance de chaque Terre en particulier, avec la manière de les mesurer, felon le different ufage de chaque Pais.

L n'y a rien de plus ncceffaire à une perfonne qui veut cultiver la terre, que d'en fçavoir approfondir le bon ou mauvais temperamment; on en compte de plufieurs fortes, qui demandent par confequent diverfes confiderations.

Columelle les diftingue en fix efpeces differentes, fçavoir en Terre Col. 1. 2.c. graffe ou maigre, Terre forte, legere, argilleufe, & Terre humide.

&

Sous Terre graffe, on entend ces Terres fubftancielles, bonnes & où tout croît à fouhait; il y en a de la noirâtre & de la jaune de ce temperamment pour la connoître telle, il n'y a qu'à en prendre dans les doigts, la preffer, & voir fi elle forme un corps compacte, fans faire la pâte, ni rendre de l'eau.

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La Terre maigre, eft celle dont les fels font fi volatiles, & en si petite quantité, qu'ils fe diffipent dans l'action fans prefque produire aucun effet. Telles font certaines Terres noirâtres, qui étant maniées & preffées, s'échappent de tous côtez, fans que les parties qui la compofent, puiffent se lier l'une à l'autre ; nous avons auffi quelque Terre rougeâtre & jaunâtre de ce genre, & à moins que ces Terres ne foient bien amandées & fouvent, on court rifque de perdre une partie de ce qu'on leur commet.

Nous appellons Terre forte, celle dont le corps eft fort preffé naturellement, ce qui la rend difficile à manier; ces Terres font ordinairement très-fertiles en Bleds & en Pâtutages gras, on ne fçauroit trop en avoir dans une Maifon de Campagne.

A l'égard des Terres legeres, elles fe connoiffent lorfqu'en les remuant elles s'ameubliffent aifément fous l'outil qui les remue; on en trouve de noirâtres & de grisâtres, les unes plus remplies de fubftance que les autres, ce qu'on remarque quand en les éprouvant avec les doigts, elles ont plus ou moins de corps, fans qu'il y paroiffe trop d'humidité.

On fe tromperoit fouvent dans la connoiffance de ces Terres, fi pour en approfondir la bonne ou mauvaise qualité, on alloit en Efté en prendre fur la fuperficie, qui étant beaucoup deffechée par les ardeurs du Soleil, tomberoit toûjours toute en pouffiere, il en faut effayer de celle qui eft à deux doigts au-deffous.

Quant aux Terres Argillenfes, elles ne font propres à donner aucune pro

duction; ce font des Terres à Potier, elles font graffes & gluantes, on
en fait auffi des Tuiles, des Briques, & des vaiffeaux de terre.
Nous n'avons plus que les Terres humides à confiderer, & pour
dire ce
qui en eft, elles ne valent rien pour les Grains, on ne les employe feule-
ment que pour y dreffer des Sauffaïes, ou des Ozeraïes, ou Saulcis, comme
on dit en certains Païs; la connoiffance de ces fortes de Terres n'eft pas
difficile à acquerir, l'eau dont elles abondent, en eft la veritable marque.
Nous avons encore des Terres fablonnenfes, abondantes en beaucoup de
fels fixes, d'où vient que leur fertilité fe reconnoît dans tout ce qu'elles
produifent. Il en eft d'autres de même efpece, dont le grain eft plus gros,
& moins fubftantiel, celles-ci ne valent pas les premieres, mais elles font
encore meilleures que les Sablons,qui ne font propres qu'à écurer la vaiffelle.
Les épreuves des Terres fabloneufes fe font de la même maniere qu'on
l'a dit à l'égard des Terres précedentes.

Les Terrains pierreux, ne font gueres propres que pour les Vignes ; il eft vrai qu'on y feme du Bled, il n'y vient point en abondance. On en voit dont la terre eft rouge, & le cailloutage blanc, & d'autres dont le caillou tage eft de même couleur, & la terre grisâtre ; cette derniere terre rend le vin meilleur que l'autre : on en voit encore dont les pierres font de veritables pierres à fufil; ces Terres ordinairement ne font propres à rien, elles manquent de cet humide radical qui eft neceffaire pour la germination des plantes, & de cette nourriture qui eft le principe de la vegetation.

Epreuves On ne défaprouve point la maniere des anciens Agriculteurs pour éprou des Anciens ver, fi une Terre eft graffe ou maigre, c'est-à-dire, bonne ou médiocrement pour voir fi bonne. Ils prenoient une petite motte de terre,& jettoient de l'eau par deffus, la Terre eft puis ils la broïoient & la petriffoient dans leurs doigts, enfuite, s'ils voïoient bonne ou que cette terre ainfi paîtrie étoit tenace pour peu qu'on y touchât, ou qu'é- olum hes tant jettée contre la terre, elle ne fe rompoit point, ils jugeoient de-là que 2. - cette terre étoit fubftancielle, & pleine d'une humeur capable par fes parties huileufes, de concourir abondamment à la production des plantes.

Ils agiffoient encore d'une autre maniere pour faire cette épreuve; voici comment. Ils tiroient une certaine quantité de terre d'un petit trou, & l'y remettoient incontinent, en la preffant fortement, & fi elle n'y pouvoit toute entrer, & qu'elle excedât fes bords du trou, s'enflant comme fi elle fermentoit, c'étoit une marque de la bonté d'une terre. La raifon physique en est toute apparente, cette grande abondance de fels qui y font en mouvement, ne permettant pas aux parties détachées de s'unir les unes aux autres, il faut de neceffité que cette terre fe gonfle jufqu'à ce que l'agitation en foit rallentie, & qu'elle retourne en fon premier état.

Si au contraire cette terre tirée du trou en rempliffoit la capacité, c'étoit une indice de la mauvaise qualité, qu'elle étoit maigre & peu capable de nourrir beaucoup de chofes. Ils avoient principalement la terre noire en recommandation, c'eft auffi la meilleure pour l'ordinaire.

On éprouvoit encore la terre par le goût: nos Auteurs modernes fur PAgriculture, font encore imbus de cette opinion, mais ne leur en déplaife, om retranchera ici cette experience, qui n'eft qu'une vetille qui ne merite pas qu'on s'y arrête, la vûë & le toucher font les deux fens qu'il faut feulement

mauvaise.

confulter en matiere de terres,pour les bien approfondir, la faveur est inutile; car fuppofé qu'on trouvât une terre qui eut un goût extraordinaire, comme on le prétend, en ce que les fels qui en émaneroient, communiqueroient ce goût aux fruits qui y naîtroient ; & diroit-on qu'une charogne mife au pied d'un arbre, n'auroit en aucune façon alteré la faveur ordinaire des Poires, cela eft neanmoins vrai par l'épreuve qu'on en a faite ; à plus forte raifon d'une terre qui n'aura qu'un goût extraordinaire très-mediocre,' Et s'il y a du vin qui fent la craie, parce que des Vignes font fituées dans des terres de crayon, cette faveur ne provient point de la terre, mais des corpufcules qui exhallent de cette pierre, & dont les parties trop fulphureufes fe portent avec trop de vehemence, & s'introduifent en trop grande quantité dans les pores dû farment, & qui venant à fe mêler au fuc qui y monte, lui communiquent ce goût, ce qui ne peut pas arriver aux terres, à caufe des parties huilleufes dont elles font remplies.

La Glaife, eft une Terre morte, c'eft la même que l'argilleufe dont nous avons déja parlé, on s'en fert pour faire des Batardeaux, des Baffins de Fontaines, des Refervoirs, & des Chauffées d'Etang: parce que l'eau ne peut paffer à travers, quand elle eft bien paîtrie & bien trépignée, outre que c'eft un foffile avec le Tuf, qui ne fe trouve point à portée de la Charrue, ni d'autre inftrument à labourer la terre, à moins qu'on ne creufe beaucoup la terre de fuperficie.

Telles font les connoiffances qu'on acquiert par rapport aux terres, quand on en veut approfondir le temperamment, & fur les indices qu'on en a donné, il eft conftant que les obfervant avec foin, on pourra efperer quel¬ que chofe d'avantageux de fon travail.

CE

Maniere de mesurer les Terres felon l'ufage de chaque Pays.

E n'est pas affez que d'avoir la connoiffance de Terres propres à l'Agrisculture, foit qu'on les poffede par l'acquifition qu'on en a faite, ou qu'elles nous viennent de patrimoine ou autrement, il eft bon encore de n'en point ignorer la quantité; car la veritable occonomie, & le bon fens veulent qu'on fache au jufte ce qu'on achete, & ce qu'on a de terres, afin de fe regler la deffus pour la dépenfe, & les domeftiques qu'il faut pour les faire valoir; car de s'en rapporter à la foi d'autrui, c'est bien fouvent fuivre le chemin de fe ruiner. Il faut donc les faire mefurer, & pour cela on fe fert d'un Arpenteur; quelques petits avis fur les divers noms des Mefures qui font en ufage en differentes Provinces, ne feront point ici hors de propos. On écrit pour tout le monde, & les Habitans d'un Païs ne peuvent pas fçavoir les Coûtumes d'un autre, fi on ne les en inftruit, ou qu'ils n'aillent eux-mêmes fur les lieux pour les apprendre ; on dira auffi quelque chofe de l'Arpentage legerement, & comme en courant, afin d'en donner quelque teinture à ceux qui voudront qu'on ne leur impofe point fur cette matiere. Il faut fçavoir que parmi les peuples, il y a diverfes Mesures selon lą diverfité des Païs.

Par Exemple,

L'Arpent, contient dix Perches en longueur, & cent Perches quarrées

en danrées, felon la maniere de parler, en certains Païs ; une danrée étant la fixième partie de cent perches, faifant par confequent feize perches treize pieds deux pouces, chacune à raifon de vingt pieds la perche.

La Perche mesure de la Prevôté & Vicomté de Paris, contient dixhuit pieds.

Et en d'autres endroits felon la diverfité des lieux, elle eft de dix-neuf, vingt, vingt-deux, vingt-quatre, &c.

Au Païs du Perche & Pais Chartrain, la Perche eft eftimée vingt-deux pieds de long, qui étant multipliez par vingt-deux, qui eft la mefure de l'au tre côté, font en quarré de fuperficie quatre cens quatre-vingt quatre pieds. Dans l'Anjou, Poitou, Touraine, le Maine & autres lieux circonvoi fins, la Chaîne dont on fe fert pour mesurer les heritages, contient vingteinq pieds en longueur, & en fon quarré fix cent vingt-cinq pieds.

Au Païs de Bretagne, la chaîne contient vingt-quatre pieds de longueur, & cinq cens foixante-feize pieds en quarré.

Il faut remarquer qu'en la plupart des Provinces, les cens Chaînes quarrées de vingt-cinq pieds de long chacune, font comptées pour un arpent, les vingt-cinq pour un quartier, de forte que les dix Chaînes en longucur fur autant de largeur, compofent un arpent ou vingt-cinq en lon gueur fur quatre de largeur font la même chofe, ainfi que les cinq en longueur fur autant de largeur, contiennent un quartier, *·

On appelle Journal, dans le Duché de Bretagne, comme qui diroit une mefure de terre qu'on peut labourer en un jour, elle contient en ce Païs vingt-deux fillons un tiers, ou quatre mille vingt pieds, le fiilon contien fix rayes, ou cent quatre-vingt pieds, & la raye deux gaules & demie, ou trente pieds, & la gaule douze pieds.

Le Journal du Duché de Bourgogne, felon l'Ordonnance du Duc Philippes, contient trois cens foixante perches quarrées; le demi Journal cent quatre-vingt, & le quart quatre-vingt-dix, la perche dix-neuf pieds de long, & trois cens foixante-un en quarré.

On dit auffi un Journal au Duché de Lorraine, & cette piece de terre contient deux cens cinquante Toises, la Toife dix pieds de long, & le pied dix pouces, c'eft l'ufage du Païs.

Les Normans difent un Acre. Il contient cent foixante perches, ou qua tre vergées, la vergée eft de quarante perches, la perche de vingt-deux pieds, le pied de vingt-quatre pouces, & le pouce de douze lignes.

La Saumée en Languedoc, contient quatre fefterées, ou feize cens cannes quarrées, la canne contient huit pans en longueur, & le pan contient buit pouces neuf lignes.

Toutes ces mefures fe divifent en autant de parties qu'on veut, & après en avoir parlé felon la difference qui fe rencontre, par rapport à la diver fité des Païs, il n'eft plus queftion maintenant qu'à venir à la pratique de l'Arpentage, qui a pour objet la piece de terre qu'on veut mefurer ou ar penter, felon l'ufage du Pais où l'on eft.

Tous les Arpentages qui fe font dans toutes les Provinces, ne different entr'eux que par rapport à la mesure qui eft plus courte & plus longue en un lieu qu'en un autre, quant aux figures Geometriques, c'eft auffi la mê

B

me chofe: car il y en a par tout de quarrées, d'oblongues, de triangulai res, trapezes, circulaires, & autres que la Géometrie enfeigne.

On voit par-là de quelle neceffité il eft qu'un homme qui veut demeu rer à la Campagne, apprenne l'Arithmetique, fur tout les quatre principales Regles qui font le fondement de toute cette Science; après cela il eft aifé de mefurer une terre, pour peu qu'on s'acquiere de lumieres dans l'Arpentage.

Si l'on veut s'y appliquer foi-même, il faut avoir tous les inftrumens qui y font propres, fçavoir une Equiere fimple ou compofée.

Une Chaine de fil de fer, longue de dix-huit, vingt pieds ou plus, felon la perche ou mesure du lieu, & enfin douze ou quinze piquets ferrez par le bout, & davantage même pour fa plus grande commodité.

Quand on a tous ces inftrumens, & auparavant que d'en venir à la pras tique, on doit confiderer trois chofes.

1°. La Coûtume du lieu au fujet de la mefure des terres, 2 le circuit de la terre à mefurer, 3°. les bornes qui la partagent d'avec fes voifins avec les alignemens du chemin & foffez felon la Coûtume du lieu.

Pour marcher sûrement dans ces operations, il faut d'abord fe reprefen ter à l'efprit la figure de la piece de terre qu'on veut arpenter; cela fait, examiner quelle elle eft, puis la mefurer felon les regles, & enfuite en venir à la pratique.

On fçaura pour regle générale, que dans telle figure que ce foit, il faut toûjours tirer des lignes droites avec l'équiere, & les piquets, les fichant actuellement en terre autour de la piece, cette regle obfervée, l'operation donne la fuperficie qu'on demande.

Si les lignes fe trouvent courbes, rentrantes, ou fortantes, en coude ou en S, il faut toûjours alligner droit, rafant ce qui rentre & ce qui fort, & par ce moyen-là, il reftera du vuide à mefurer; mais celui qui fort, compenfe ce qui rentre, & ainfi reciproquement l'un repare le défaut de l'autre. Quand on arpente quelque piece de terre, on eft deux perfonnes, qui tiennent la corde ou chaine, chacun par un bout. Le premier, c'est-à-dire, celui qui marche devant, tient d'une main la chaîne, & quand elle est tendue, il fiche un piquet en terre, & marche toûjours, pendant que l'autre le leve; on continue ainfi jufqu'à ce que la piece foit entierement mefurée, & quand cela eft fini, le dernier qui eft pour l'ordinaire PArpenteur, compte les piquets qu'il a levez, & ce font autant de perches qu'il calcule, avec ce qui peut refter de pieds.

Pour rendre ce que nous allons écrire ici de l'Arpentage plus aifé à con cevoir, & prefque tout d'un coup, on a jugé à propos de propofer fix tas bles, avec des reductions en fractions fur les mefures les plus ufitées.

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