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les fauciffes; nous dirons à l'article de la Cuifine, comme on y réuffit.
A la difference des Chévres il faut laiffer refroidir le Porc avant que de
fe mettre en état de le faler, & le foir ou le lendemain matin qu'il est
effuyé de fon trop d'humidité: on le coupe par pieces, les jambes, les
oreilles, les langues, & les échinées, tout s'employe, rien ne fe perd; le
lard qui eft le principal, eft falé pour être confervé toute l'année, & s'en
fervir dans le befoin.

Pour bien réüffir à faler un Porc, il faut aprés qu'il a été mis par gros morceaux, commencer par mettre les piéces de lard au fond du Saloir: nous dirons quelque chofe de ce vaiffeau aprés cet article, en obfervant d'abord de repandre un lit de fel fur le bois, puis un autre fur le lard, & continuer ainsi alternativement jufqu'à ce que toute la chair y foit entaffée l'une fur l'autre.

Les jambons fe placent aprés le lard, puis les groffes piéces les plus charnues, & enfuite'celles qui ont le plus d'os, telles font la tête qu'on laiffe entiere, ou qu'on fépare en deux ou trois parties, felon qu'on le juge à propos, les pieds & les échinées qui font presque tout deffus, parce qu'on coûtume de les manger les premiers.

On a déja dit qu'il faloit entaffer le plus qu'il étoit poffible les pieces de chair les unes fur les autres ; on le repete encore, parce que plus elles font preffées, moins elles font fufceptibles d'évent. On ne doit point y épargner le fel, on doit y en mettre plûtôt plus que moins, le lard & la chair de Porc qui n'eft falée que moderément, eft fujete à jaunir, à s'éventer & à fentir un mauvais goût.

Mais avant que de paffer outre, parlons un peu du Saloir; ce vaiffeau Saloir est fait de main de Tonnelier, relié de bons cercles, rond comme une futaille, & plus étroit d'ouverture que par le bas ; on n'en détermine point ici les grandeurs, on les fait bâtir d'une capacité affez grande pour contenir ce qu'on y veut mettre de chair de cochon; car quelquefois on en met deux dans un même Saloir,

Ce Saloir doit être d'un bon bois de chêne, & pareil à celui dont on fabrique les vaiffeaux propres à mettre du vin; on prendra garde qu'il n'y ait point d'aubier, que ce ne foit point un bois gâté, parce qu'il ne faudroit que cela pour corrompre tout le falé, & crainte que la faumûre ne fe perde, on fait fondre de la poix noire fur le dehors du fond & tout au tour du jable environ l'épaiffeur d'un Ecu, & de la largeur de deux doigts.

On peut fe fervir pour faire un Saloir d'une vieille futaille où il y aura eu du vin, & qu'on n'aura pas laiffé moifir; c'eft un bois tout éprouvé, & qui n'en vaut que mieux pour contenir de la chair falée. Ce Saloir a un couvercle tout rond qui s'enclave dans deux oreilles qui excedent au deffus de la hauteur, & à travers defquelles on paffe une tringle de fer dans une des deux extremitez, après qu'elle eft paffée, on y met un cadenat qu'on tient fermé à clef pour ne pas laiffer le falé en proye à la difcretion des Domestiques,

Pour donner un bon goût au falé, il faut prendre des herbes aromatiques, comme thim, fauge, lavande & autres, les bien faire bouillir dans de l'eau ; enfuite bien laver le Saloir avec cette eau, & le laisser secher; après cela on prend deux mufcades, on les rape, étant rapées, on fait rougir une bris

que qu'on met dans le Saloir fur une autre brique ou autre chofe qui empê che qu'elle ne brûle le Saloir; cela fait on répand la mufcade par-deffus, puis on bouche bien le Saloir, de maniere que la fumée qu'exhale cette mufcade, ne s'évapore que le moins qu'il eft poffible.

Il faut laiffer le Saloir bouché jufqu'à ce qu'on juge que toute la muf cade foit brûlée entierement, après cela on l'ouvre pour le remplir inceffamment de la viande qui lui eft destinée ; on ne fçauroit dire combien cette fumigation contribue à la bonté du falé ; les parties volatiles de cette mufcade, qui par leur mouvement fe nichent dans les pores du bois, le rendent excellent par ce qu'il en contracte: ce fecret n'eft rien de lui-même, & merite néanmoins qu'on y faffe attention, fi l'on veut avoir du falé de bon goût.

Il y en a qui falent autrement leurs cochons ; ils ont une grande table affez large environnée tout au tour de bords de la hauteur de quatre doigts, ils prennent leurs pieces de chair l'une après l'autre, & avec du fel un peu chaud qu'ils ont dans la main, il les frotte, de maniere qu'il n'y a pas un petit endroit qui n'en foit atteint: à mesure qu'on fale ainfi le lard & les autres pieces, on les entaffe tout du long de la table les unes fur les autres, lit par lit. On laisse ainfi cette chair prendre fel pendant huit jours, après lefquels ou la dérange toute,obfervant de mettre deffus les pieces qui étoient deffous, & de bien frotter encore de felles endroits qui paroiffent les plus fufpects, crainte qu'ils ne fe corrompent; on recommence cette manoeuvre de huit jours en huit jours & jufqu'à ce qu'on voye le lard avoir une couleur claire que lui donne le fel, & qui eft la marque qu'il en a pris fuff famment pour pouvoir fe conferver. C'eft ainfi qu'en agiffent les Chaircuitiers de Paris; mais cette maxime n'eft bonne que pour du falé dont ont veut avoir un prompt débit & non pour le ménage, à moins que ce ne foit dans les pays où l'on fait fecher le falé à la cheminée.

Dans ceux où s'obferve cette maniere de faler le cochon, & lorf qu'on voit que la chair a fuffifamment pris fel, on la leve piece par piece. qu'on bat avec un bâton l'un après l'autre pour faire tomber le fel fuperflu, puis on attache ces pieces à un ratelier deftiné pour cela, & qui eft placé dans un endroit fait exprès. Le falé s'y garde fans danger & jufqu'à ce qu'on veuille s'en fervir, mais il y a bien à dire qu'il ait fi bon goût que le premier

D'autres fuivent une autre methode. Après avoir ôté toute la menuifaille du cochon & levé les jambons, les épaules, la tête & autres pieces de cette forte,qu'on a coûtume de feparer du refte du corps, ils fendent tout le lard en deux & falent ces deux moitiez entieres, y faifant penetrer le fel avec un rouleau qu'ils paffent rudement par-deffus ; ce travail fe fait à deux ou trois reprifes, & de deux jours en deux jours, puis ils le pendent au plancher. Cette chair ainfi falée ne fe garde pas long-temps, il vaut mieux s'attacher à la premiere méthode, c'est la meilleure & la plus sûre.

Il faut obferver que dans les pays où l'on fe fert de fel blanc, le falé ne veut pas tant fejourner dans le Saloir, qu'où le fel ordinaire eft en ufage, fix femaines fuffifent pour lui bien faire prendre fel, & après ce temps, il faut le lever pour le mettre au plancher, attaché à des perches ou à des cro

chets, autrement il prendroit le goût de rance, & s'empuantiroit.

Le Sain-doux qu'on tire de la graiffe de cochon, eft encore une bonne pro- Sain-doax? vifion pour l'aprêt de plufieurs mets & autres ufages du ménage: on le conferve proprement dans des pots verniffez après qu'il eft fondu ; ce Sain-doux Le garde long-temps; pour la graiffe entiere du cochon, fi l'on veut la vendre pour faire du vieux oing, on la met auffi dans des pots, où on la fale, afin qu'elle fe garde plus long-temps, on fait un débit de cette graiffe dont nous parlerons dans le Traité du Commerce général des Danrées.

Le lieu où l'on met les chairs pour garder ne doit être ni trop humide, ni trop fec; l'humidité les rend rances, & le trop grand air leur fait acquerir l'évent, deux qualitez très-mauvaises pour quelque chair que ce puiffe être, & qui la rendent très-défagreable au goût.

Crainte que le lard ne jauniffe, & ne fente le rance, il y en a qui le mettent parfumer à la cheminée pendant huit ou dix jours, il eft conftant que cela ôte l'humidité qui pourroit y refter, & qu'il s'en garde bien plus long-temps: on en fait autant aux jambons qu'on veut conferver.

Et comme une bonne ménagere ne doit jamais rien perdre de ce qui Saumte peut contribuer au profit de la maifon, elle aura foin, après que toute la chair eft hors du Saloir, d'en ramaffer toute la faumure pour s'en fervir au befoin; elle eft plus propre à employer, & plus ragoûtante en la maniere qui fuit.

On prend un chaudron plus ou moins grand, felon qu'on a de faumûre à épurer, on la met dedans, puis fur un feu clair, foignant de la bien écumer à mesure qu'elle bouillonne, jufqu'à ce que cette faumûre devienne claire comme de l'huile de noix, & pour éprouver fi elle a acquis fa cuiffon parfaite, on met un oeuf crud deffus, & s'il flotte, c'en eft la veritable marque.

Quand cette faumûre eft cuite comme il faut, on s'en fert si l'on veut pour faler d'autres chairs qui y prendront très-bien fel, mais on doit avoir foin quatre jours après qu'elles ont été ainfi falées, de les vifiter, & de voir fi elles ne moififfent point à cause de l'humidité de ces chairs qui pourroient avoir décuit la faumûre, & émouffer par là toute l'acrimonie dont le fel auroit befoin pour les conferver: fi cela étoit, il faudroit revider la faumûre dans le chaudron, lui donner un bouillon ou deux, puis la verfer par deffus les chairs. On peut recuire ainfi la faumure jufqu'à deux fois; & fi l'on voit qu'il n'y en ait plus affez pour faire tremper les chairs à l'aife, on y ajoutera du fel nouveau. Cette faumûre eft encore d'ufage pour faler les ragoûts ou les potages qu'on fait pour les Domestiques: le goût ne leur en paroît point défagreable, & c'eft un profit tout clair pour épargner le fel.

Souvent quand on a tué les gros Cochons pour le lard, on en égorge d'autres qui font plus jeunes & moins gras,& c'eft ordinairement un peu devant le Carême que cela fe pratique ; ce falé qui eft entrelardé, eft merveilleux, il va loin dans l'été, & eft d'un grand fecours pour la table tant du Maître que des Valets.

Graiffe de Bœuf.

Bœuf.

Ee Boeuf falé eft encore une provifion qu'on doit faire à la campagne;

Lila Rifiefence et Cocou, qui ne prend pas plus de fel qu'il lui en faut, le Boeuf au contraire eft fufceptible de tout celui qu'on lui donne, & il en prend quelquefois tant qu'il en eft défagreable au goût; c'eft pourquoi il eft bon d'agir en cela avec prudence, felon que les pieces font plus ou moins épaiffes.

Le fecret d'y bien réüffir, confifte à mettre les pieces qu'on veut faler dans un fac à deux ouvertures, avec du fel à difcretion, puis deux perfonnes prendre ce fac chacun par un bout, obfervant de tenir les deux ouvertures fermées, & le fac fortement tendu, & l'agitent tant qu'il leur eft poffible, & c'est par le moyen de ces fecouffes que le fel penetre au dedans de la viande; c'est ainsi qu'il en faut agir à l'égard de toutes les pieces l'une après l'autre.

Etant bien falées, on le place dans un Saloir, ou autre vaisseau semblable, on les y laiffe prendre fel pendant huit ou dix jours, puis on les en fort pour les mettre efforer fur des planches bien nettes pendant deux jours; enfuite on les remet dans le Saloir avec un peu de nouveau fel, dont on les frotte piece par piece, on les y laiffe pendant cinq à fix jours pour les retirer après pour la derniere fois; car alors elles ont affez pris fel, il faut auffi les étendre fur des planches comme auparavant afin de les faire fecher, étant feches, on les pend au plancher d'où on les tire lorfqu'on en a befoin. Telle eft la méthode de faler du Boeuf tant & plus qu'on en fouhaite ; mais avant que d'en venir là, il eft bon que la chair en foit un peu mortifiée, elle en prend mieux fel, & ne rifque pas tant à fe gâter à caufe de l'hu midité qui en fort, ce qui feroit capable de la corrompre, fi elle y reftoit. Dans les gros Domaines où il y a quantité de Domestiques, on ne feint point quelquefois de tuer une Vache qu'on a engraiffée exprès. On fait d'abord manger aux Valets toutes les dépouilles du dedans, puis quelques pieces de chair où il y a le plus d'os, & moins propres par confequent à être falées. Cela peut aller jufqu'à quinze jours avant que cette chair fe gâte, puis après on la fale comme on a dit. C'est un ménage que d'en agir de la forte pour ceux qui ont beaucoup de train à la campagne, car il eft conftant que le Boeuf bien fouvent ne leur revient pas à deux fols la livre.

On ne s'avife guéres auffi de faler une grande quantité de Boeuf à moins que le hazard ne nous en offre à bon prix, parce que lorfqu'on le prend à la Boucherie, il vaut mieux le manger frais que de le faler; on fale ordinai rement le Boeuf au commencement de l'Automne & à la fin de l'Hyver, afin d'en avoir pendant toute l'année.

On aura foin de bien ferrer la graiffe de Boeuf ou Vache, c'eft la même chose, on s'en fert pour faire du Suif lorfqu'elle eft mêlée avec celle de Mouton & de Chévres ; les peaux feront auffi confervées foigneufement, crainte que les chiens, les chats ou les fouris ne les endommagent.

Lors qu'on veut faire ce ménage, on ne choifit ordinairement que les Boeufs, Vaches ou Chévres qui font trop vieilles, & dont on ne sçauroit

plus tirer de profit; fi c'eft quelque Taureau ou Bouc qu'on égorge, il aura dû avoir été châtré cinq ou fix mois auparavant ; car fans cette précaution leur chair eft fade & défagreable au goût, outre qu'elle n'eft jamais graffe.

Oyes.

Il
L n'est rien de fi excellent que la chair d'Oye falée, il feroit à souhai-
ter que l'ufage en fût plus commun qu'il n'eft pas, on éprouveroit de
quelle grande utilité cela feroit.

On ne fale point d'Oyes qu'elles n'ayent été engraiffées, parce que c'eft la graiffe qui donne le relief à la chair, qui fans cela ne sent rien, ou a peu de faveur. Pour bien faler les Oyes on les plume proprement, on les vui de de même, puis après qu'elles ont mortifié pendant deux ou trois jours, on les coupe par quartiers, on les met dans un grand pot de terre verniffé, & on les fale comme le Cochon, c'est-à-dire lit par lit; on juge bien qu'il n'y faut pas tant de fel, parce que la chair n'en eft pas fi épaiffe; ce pot fera bien bouché, crainte que ce qu'il contient ne contracte l'évent.

On en ferre la graiffe qu'on fale comme le lard pour fervir dans les ragoûts pendant une bonne partie de l'année. Il eft aifé de juger par ce qu'on a dit, qu'il faut tuer plufieurs Oyes pour en être ainfi fourni. La plume d'Oye ap- plume porte encore du profit; il faut la conferver foigneufement par rapport aux d'Oyess ufages aufquelles elle eft propre. La plume des Öyes mortes n'est pas fi bonne que la plume de celles qu'on tue exprés. On ne peut pas en dire la raifon, il n'y a que l'experience qui nous l'a fait remarquer,

Autres Provifions.

On contente des Provisions dont on vient de parler & qu'elle prend chez elle, une bonne ménagere en aura encore d'autres qu'elle tirera d'ailleurs, foit par échange des danrées qu'elle aura avec d'autres perfonnes qui manqueront de ce qu'elle a, ou par le moyen de l'argent qu'elle en fera, c'eft la même chofe. Elle aura donc outre ces chairs & felon les faifons, fa provifion de Harang & de Moruë pour le Carême, elle aura de l'huile de Noix pour brûler & faire quelque friture, des oeufs en quantité, du beure fondu, des fromages affinez par fes foins, des fruits de plufieurs fortes tant fecs qu'en nature, elle fe pourvoira de fel, poivre, canelle, mufcade, confitures de toutes fortes & bon fucre, elle aura pour fes amis quelques liqueurs agreables à boire, & tout cela fera foigneufement mis fous clef, la Maîtreffe fera feule gardierme.

gens

n'être que
de l'effence

Ces fortes de provifions femblent à bien des du ménage, parce qu'ils ne font pas au fait des douceurs qui peuvent fe trouver dans une maifon bien reglée, fans l'alterer en aucune maniere; tels font neanmoins les avantages qu'on tire d'une veritable oeconomie ; il eft vray que pour être ainfi munie de tout, il faut avoir bien du revenu, mais enfin à proportion de l'étendue du Domaine, on peut être fournie plus ou moins de tout ce qu'on vient de dire. Jugeons donc combien il eft avantageux de mener une vie champêtre, & ne devoir qu'à fon feul menage,

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