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ce monument prouve que l'ouvrier, des mains duquel il eft forti, étoit affez ignorant, pour avoir négligé un des traits qui fervoient à caractérifer le Chef de la Justice, parce qu'il étoit au-deffus de fes forces. Après tout, ce n'eft qu'une conjecture; & l'on feroit encore fort heureux d'en propofer toujours d'auffi vraisemblables, fur les points les plus obfcures de l'antiquité.

Ċette figure eft en gaîne d'une proportion très-courte ; & fa hauteur eft de quatre pouces fept lignes. Les trois trous placés dans fa coëffure, me déterminent à croire qu'elle étoit destinée à êrre attachée contre une surface platte & pofée perpendiculairement.

PLANCHE VI I I.

No. I. & II.

Ces deux figures d'Harpocrate, ou du Dieu du filence, exactement deffinées quant à l'attitude, mais confidérablement embellies dans les représentations qu'on en donne, offrent quelques variétés, quoique difpofées de la même façon. La premiére a le poing gauche fermé, la tête couverte d'une coëffure très-jufte, & pofe fur une plinte fondue avec la figure. La feconde porte un bonnet, & la main gauche ouverte, comme fi elle avoit autrefois tenu quelqu'attribut. L'une & l'autre avoit au-deffus de l'oreille droite un ornement recourbé, defcendant jufques fur l'épaule, ayant la forme d'une anse, semblable à celui qu'on voit ordinairement fur ces fortes de figures; mais il n'en paroît plus que la racine fur la premiére, & il est à demi-rompu fur la feconde. Les Antiquaires ne se font guère expliqué fur ce fymbole, & Cuper même n'en a Gifbert. Cuper. rien dit dans un Ouvrage où il a rapporté tout ce que les Anciens nous apprennent fur Harpocrate. Ce filence m'a engagé à faire quelques recherches fur ce fujet, & je vais les expofer en peu de mots.

Harpocrat. Trajett. ad Rhenum,

1687.

Il faut obferver, 1°, que cet ornement fe voit également fur toutes les têtes d'Harpocrate: ce qui prouve qu'il est indépendant de l'efpéce de la coëffure. On doit remarquer en fecond lieu, qu'il ne fe trouve que fur les figures d'Harpocrate & d'Horus, qui n'étoient qu'une feule & même Divinité ; d'où il fuit qu'on peut le regarder comme un attribut qui leur étoit propre. J'avois d'abord pensé que cet attribut n'étoit autre chofe qu'un ferpent mal formé & mal exécuté, attaché à l'oreille d'Horus, comme pour lui infpirer la prudence, dont cet animal est le symbole. Je m'étois fondé fur un monument rapporté dans le cabinet de Paul Petau, Pl. 22, repréfentant un Ifis, avec un ferpent qui s'approche de l'oreille droite du petit Horus couché fur les genoux de cette Déeffe; mais je me fuis bientôt apperçu que celui qui a deffiné & gravé cette figure, avoit été trompé par une reffemblance qu'il a cru voir entre cet animal & l'ornement que j'examine, & qui fe trouve conftamment le même, comme je l'ai déja dit, dans toutes les figures d'Harpocrate & d'Horus qui fe rencontrent dans les cabinets. Il s'en préfente de mieux travaillées les unes que les autres; & dans celles qui ont été faites par de plus habiles Artistes l'ornement en queftion n'a jamais fait naître l'idée d'un ferpent. Accuferoit-on les Artiftes Egyptiens de n'avoir pas fçu deffiner ce reptile, eux qui étoient dans l'habitude de le traiter, & qui l'ont répété mille fois dans l'écriture hiéroglyphique? & ne vaut-il pas mieux douter de la fidélité du deffinateur qu'a employé Petau? Les Planches de fon Livre nous montrent que c'étoit un Artifte dont les talents étoient fort médiocres. Pour moi je prétends que cette forte d'ornement eft un floccon de cheveux, qu'on laiffoit pendre au côté droit de la tête & au-deffus de l'oreille d'Horus & d'Harpocrate. Je fonde ma premiére preuve fur ce que l'ornement que j'explique eft fouvent formé comme une treffe de cheveux liés & entrelacés. On en verra un

Harpoc. p. 26.

2. pl. 123.

exemple fenfible dans une figure d'Harpocrate, rapportée par Cuper, & dans quelques autres gravées dans l'Ouvrage Antiq. exp. tom. du P. de Montfaucon. Enfin ma derniere preuve, & la plus convaincante, c'eft qu'il eft démontré par une foule de témoignages, qu'Harpocrate, Horus & le Soleil n'étoient qu'une même chofe dans le fystême Religieux des Egyptiens. En effet, Macrobe dit : « LorfSaturn. l. 1.6.21. » qu'ils veulent confacrer une ftatue au Soleil, ils la repréfentent la tête rafée, à l'exception du côté droit, >> dont on laiffe paroître les cheveux. Cette petite partie » refervée montre que le Soleil ne se découvre jamais au » même moment à l'Univers entier; les cheveux coupés, » & dont il ne refte plus que la racine, prouvent que cet » Aftre, après avoir disparu, a le pouvoir de renaître ».

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Macrobe ajoute une autre interprétation à celle-ci. Je ne garantis la jusfteffe ni de l'une ni de l'autre ; il me suffit qu'il ait attesté l'ufage des Egyptiens, pour en conclure que cette efpéce de parure, dont la tête d'Harpocrate eft fi fouvent ornée, n'eft qu'une treffe de cheveux.

Les deux figures de cette Divinité que j'ai fait graver, nous apprennent auffi que les Egyptiens ont donné l'exemple aux autres Peuples, de mettre aux figures de bronze des yeux d'une autre matiére que celle qu'ils employoient pour la figure même.

Celle du N°. I. paroît encore avec les yeux d'argent; l'autre a perdu ceux qu'elle avoit. J'avoue que cet ufage, qui n'a rien de naturel ni d'agréable, m'a toujours révolté, & que je ne puis comprendre le motif qui l'a fait recevoir. Eft-ce magnificence ? elle eft déplacée. Eft-ce un goût de fingularité? il est mauvais. Il faut convenir que la mode & l'habitude ont une force inexprimable, & qu'elles ont exercé dans tous les temps un empire trop abfolu fur l'efprit des hommes ; car enfin les Egyptiens eux-mêmes n'ont pu y résister. Comment ces Peuples qui voyoient i jufte, & dont la façon de penser étoit si grande & fi

diftinguée, ont-ils foutenu avec quelque plaifir la vue d'un ornement fuperflu, qu'un meilleur examen auroit dû leur faire rejetter comme tout-à-fait hors d'oeuvre ? Ne devoient-ils pas fentir que, quelque peu d'étendue qu'eût cette addition, elle tranchoit avec le refte de la figure, & en interrompoit totalement l'accord? & ce qui produifoit encore un effet plus mauvais, c'eft que par fon brillant cette petite portion d'or ou d'argent attiroit les regards & empêchoit de remarquer l'ordre & la proportion qui étoit entre les parties, dont le juste rapport devoit faire toute la beauté.

Je ne puis paffer à un autre article, fans dire que j'ai vû quelques figures Egyptiennes, dont les yeux étoient d'or, & fans ajouter que la couleur bafanée des habitans de l'Egypte, donnant plus d'éclat au blanc de leurs yeux, pouvoit autorifer l'ufage que je viens de blâmer; mais le reproche fubfifte en entier pour les Etrufques, pour les Grecs & pour les Romains. Cependant quoique j'aie vu Voy. de l'Attiq, peu de bronzes Grecs avec cette prétendue parure, Pau- c. 24. fanias nous confirme non-feulement le fait, mais il dit de plus, que les Grecs donnoient encore des ongles d'argent à leurs figures. Quoi qu'il en foit, les Romains, qui les ont fervilement imité dans les Arts, ont abufé de cet ufage; ils ont même pouffé le ridicule jufqu'à mettre des prunelles de rubis ou d'émeraudes à des ftatues, & à placer des pierres ou des verres de couleur, pour former les yeux de plufieurs animaux repréfentés même en marbre. On en verra plus bas un exemple.

La figure du N°. II. a dix pouces trois lignes de haut, & celle du No. I. deux lignes de plus, en y comprenant la plinte, dont la hauteur eft de dix lignes, & la longuur de quatre pouces trois lignes. On obfervera à cette occafion que les Egyptiens ont fait affez ordinairement leurs plintes fort longues, & qu'ils leur donnoient peu de largeur.

Tom. 2. pl. 190.

No. III.

Ce petit monument eft de bronze, & de la plus parfaite confervation. Il a deux pouces dix lignes de longueur, & fix lignes de moins dans fa hauteur. L'original eft peut-être d'une exécution plus fine que la copie ne l'annonce. Rien n'eft si simple que l'explication qu'on peut lui donner.

Tous ceux qui ont étudié l'antiquité Egyptienne,fçavent que le cercueil (a) dans lequel étoit le corps d'Ofiris, fut porté par la Mer fur les Côtes de Phénicie; & qu'Ifis l'ayant trouvé après bien des recherches, l'emporta en Egypte, où fon premier foin fut de l'ouvrir & d'arrofer de fes larmes le corps d'Ofiris qui y étoit renfermé. Cette Déeffe eft donc représentée à genoux auprès du cercueil découvert, & foulageant fa douleur par la vue de ce trifte objet.

Les monumens qui démontrent, pour ainfi dire, avec autant d'évidence les paffages des Auteurs anciens, ne font pas communs, & font encore plus recommendables quand ils n'ont point été donnés au Public.

PLANCHE IX.

No. I.

CETTE figure appartenoit autrefois à M. le Maréchal d'Eftrées, & le P. de Montfaucon l'a déja fait graver dans le Supplément de l'Antiquité expliquée. Elle représente le Soleil ou le petit Horus affis fur la fleur du lotus, plante qui, croît dans le Nil, & qui femble régler fes mouvemens fur Diofcorid. lib.iv. ceux de cet Aftre, en s'élevant au-deffus de l'eau lorfqu'il paroît fur l'horifon,& en s'y replongeant lorfqu'il disparoît. Ce Phénoméne avoit engagé les Egyptiens à lui confacrer cette plante, & à le représenter fort fouvent affis fur la Porph. apud Euf. fleur a qu'elle produit. Je crois encore que c'eft fur cette

C. 114.

a Jamblic.de myst. fect. VII. c. 2.

1. v. c. 10.

(a) Voyez entr'autres Plut. de Ifid. & Ofirid.

efpéce

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