Imágenes de páginas
PDF
EPUB

Il envoya publier dans la Province, qu'on eut à le reconnoître comme Lieutenant du Grand Soliman & Juge fouverain de toutes les affaires generales & particulieres.

Emeric Cibaco Evêque de Varadin, étoit Vaivode de Tranfilvanie, comme nous l'avons vû. C'étoit un Seigneur recommandable par fa naissance, fon mérite & fa fidelité. Etant informé de la commiffion extraordinaire de Griti, & de fon entrée dans fon Gouvernement, il ne jugea pas à propos de paroître empref fe pour le recevoir, n'étant pas fatisfait de ces hauteurs, ni de ces entreprises, contraires à l'au torité Royale. Cependant il ne laiffa pas de faire quelques lieuës pour aller au devant de ce prétendu Lieutenant General. Il étoit accompagné de quelque Cavalerie, mais de beaucoup de

Nobleffe,

[ocr errors]

Nobleffe. Griti affecta de paroître offenfé que ce Gouverneur n'eût pas avancé jufqu'à la frontiere pour le recevoir; il prétendit qu'il avoit méprifé fon caractere par cette négligence, & il en marquá un grand reffentiment. Parmi les Capitaines qui commandoient ses troupes, étoit un nommé Jean Doce, hommé emporté, qui gardoit fur le cœur un affront qu'il prétendoit avoir reçû du Vaivode, dans un occafion où ce Seigneur l'avoit frappé. Cet homme vindicatif, s'offrit à Griti pour aller punir ce Gouverneur de fon manque de refpect. Griti loua fon zele & l'encouragea à l'execution. Doce part la nuit avec une bonne efcorte, & ayant bien reconnu le lieu où le Vaivode étoit campé, & que fans défiance il avoit fait mettre fa tente fous quelques arbres à cause de la chaleur, qu'il

E

étoit fans gardes, ayant permis à ceux qui l'accompagnoient de fe mettre à leur aife où bon leur fembleroit. Doce furieux entre dans fa tente, le trouve endormi, n'ayant auprès de fa perfonne que quelques domestiques, trop foibles pour le défendre, il se jette fur lui, & fans égard pour fon caractere, lui fépare la tête du corps, abandonne aux Turcs le pillage de fes équipages,& porte en triomphe à Griti la tête de ce Prélat venerable, pour joüir enfemble, l'un du plaifir de la vengeance, & l'autre de l'efperance de fatisfaire fon ambition. Car Griti n'afpiroit pas à moins que de fe rendre maître de la Tranfilvanie: deffein qu'il avoit concerté avec le grand Vifir fon ami.

Dès

que l'affaffinat du Vaivode fut publié, toute la Provin

ce mit en mouvement

la No

2

bleffe monte à cheval, le peuple prend les armes contre Griti, les Villes lui ferment les portes, Roy & le Miniftre les animent à e la vengeance. Griti, preffé de

le

toutes parts, fe retrancha fur une hauteur près la ville de Megeft, où il ne put être forcé; mais ayant été bloqué étroitement, les vivres lui manquerent, il tenta de se fauver par la fuite; mais quelques mefures qu'il eut pris pour la ménager, il fut arrêté, conduit au milieu de l'armée de la Province, où ayant été interrogé & convaincu, il fut condamné à être décapité, ce qui fut executé fur le champ. On trou va fur lui pour quarante mille ducats en pierreries; il en étoit bon connoiffeur, ce qui lui avoit facilité l'accès auprès de Soliman. Enfuite on fit main baffe fur fes troupes, comme fur des affaffins & des voleurs. Le CapiBib E ij

taine Doce fut pris en vie; mais fa mort fut bien plus cruelle. Le peuple eut tant d'horreur de fon crime, qu'on fe Jetta fur lui, & impitoyablement il fut déchiré en un million de pieces. La vengeance n'en refta pas là, on apprit que Griti faifoit venir fes deux fils, escortez par cinq cens Turcs; Quendi Ferens, un des plus grands & des plus puiffans Seigneurs de la Province, alla les chercher, & les ayant joints, il fit main baffe fur leur efcorte, & les conduit à l'armée Ou auffi-tôt ils furent décapitez, comme fi le crime du pere devoit être imputé à toute fa race. Les Tranfilvains fe trouvant affemblez, délibererent fur leurs affaires, pour affurer leur tranquilité. Voyant que le Roy étoit toûjours en guerre avec Ferdinand, & que l'un ni l'autre ne pouvoient les mettre à couvert

,

« AnteriorContinuar »