vouloit permettre de le voir qu'aux perfonnes de fa confidence. Mais il y a bien plus d'apparence que ce fut par politique que Soliman voulut le faire porter dans fa tente, comme un hommage que ce Prince devoit rendre à Sa Hauteffe: quoi qu'il en foit, la Reine fe rendit aux judicieufes remontrances du Regent; elle fit parer le Prince d'une maniere Royale, le fit conduire avec fa nourrice & quelques Dames du premier rang, dans un char doré, fuivi du Regent, du grand Chancelier, & de tous les Seigneurs qui avoient reçû des prefens du Sultan : ce cortège en trouva un autre en chemin; c'étoit un corps de Cavalerie & de Janiffaires de la garde, tous magnifiques, qui mirent le char du Roy au milieu de leurs bandes, & l'escorterent en pompe au fon des inftrumens, jufqu'aux fuper bes pavillons du Sultan. Alors le Regent prit le Roy fur fes bras. & le prefenta à Soliman, qui le reçut entre les fiens, avec toutes les marques de tendreffe & toutes les carefles imaginables; il fit appeller les deux Princes fes fils Selim & Bajazet, & voulut qu'ils fiffent au jeune Roy les mêmes careffes que s'il eût été leur propre frere. Enfuite, ce qui chez les Turcs pafle pour une très grande faveur cet Empe→ reur donna de fa main des bourfes de pieces d'or à la nourrice, & aux femmes du Prince. Soliman ne fe contenta pas d'avoir fait une reception fi honorable & fi gracieuse au Roy, il ordonna aux Bachas & aux Offi ciers de fa Maison, qu'on n'ou-~ bliât rien pour regaler le Regent & les Seigneurs de la fuite, & qu'on leur fit des banquets les plus fplendides&les plus délicats Pendant ces démonftrations.de bienveillance, les Turcs entroient & fortoient de Bude en toute liberté ; mais, felon les ordres qu'on leur avoit donnez,, de dix qui entroient, il n'en fortoit pas deux, de forte qu'en peu d'heures il y en refta un si grand nombre , que fans refiftance ils occuperent une des portes, par laquelle ils firent entrer un corps. confiderable de troupes réglées, qui occuperent les places publiques & même l'entrée du Palais. Auffi-tôt l'Aga des Janiffaires fit publier dans toutes les rues » qu'aucun citoyen n'eut à fortir » de fa maison, & que tous rendiffent leurs armes, s'ils vouloient conferver leurs privileges, » & leurs libertez ; ce qui fut executé fans tumulte.. Chaque habitant reçut un Turc pour hôte, mais avec tant de tranquillité, qu'il fembloit que c'étoit des a es mis qui étoient venus dans la Ville, & non des ennemis qui s'en fuffent en parez. Soliman informé comment tout s'étoit paflé, fit reconduire fur le foir le jeune Roy à la Reine fa mere avec les mêmes honneurs qu'à fa reception; mais il retine dans fon camp le Regent & les autres Seigneurs de fa fuite. La Reine en prit l'alarme; elle fe voyoit fous la puiffance du Turc, & tous les Grands & les Officiers de la Couronne, comme prifonniers; elle en écrivit à Soliman en termes les plus foûmis. Qu'ayant mis en lui toute fa con- « fiance, elle ne pouvoit penfer « d'en être déçue qu'elle l'avoit regardé comme fon protecteur & celui de fa Maifon ; que «· par fa clemence il avoit bien voulu prendre ce nom dans les « patentes qu'elle avoit eu l'honn neur de recevoir de fa part ;««2 رو " qu'elle lui demandoit donc la grace de lui renvoyer les Seigneurs, qui l'avoient toûjours fi fidellement fervie, & quide » fi bonne foi s'étoient remis entre fes mains, perfuadez, com» me elle, de la magnanimité de fon cœur fi genereux & fi grand. Soliman fenfible à la gloire, fut touché de ces remontrances contre les fentimens qu'on tâchoit de lui infpirer. Suivant fa conduite ordinaire, il affembla fon confeil, pour l'entendre fur les conjonctures préfentes. Le premier avis fut defferé au Bacha de Bellegrade, comme le mieux informé des affaires & de l'état de la Hongrie, fon Goùvernement en étant la porte.. Son fentiment fut, que Sa Hauteffe » devoit profiter de l'occafion qu'étant le maître,par fes ar** mes victorieuses, d'un si grand |