avec quelle generofité ne voulut-il pas rendre & faire conduire à la Reine ces riches effets ? Ce jugement eft donc auffi injufte, que malin. La Reine étant en face de l'Autel, fe tourna vers le Roy & lui dit en verfant des larmes : Prince, puifque vôtre fortune « ou plûtôt la mienne n'a pas voulu que vous puiffiez jouir d'un Royaume qui vous étoit acquis par droit, il faut fupor- « ter avec conftance cette ri- « gueur du deftin, qui ne vous « permet pas de conferver un « bien fi précieux; car y en a-t-il « qui égale uneCouronne?mais ne « pouvant garder le plus grand acceptez le plus affuré. Puifque la foibleffe de vôtre âge vous-««e. réduit dans l'inpuissance de « défendre ce Royaume contre « les Infidéles Vous ne devez point avoir de peine de le ce-a " رو رو der à un Prince plus puiffant → ce que vous ne pouvez conferver. Car enfin, je l'avouë, ayant eu recours au Grand Seigneur, j'ay appris, par une trifte experience, que c'étoit un protecteur plus redoutable que fincére, & que j'ay expofé la Chrétienté au bord du précipice. Je demande donc à Dieu » que l'action que je vas fai» re foit utile au Chriftianifme & glorieuse pour vous, mon fils. Voilà, Seigneur Castaldo, les marques & les enfeignes de la Royauté, que je remets entre » vos mains » pour les envoyer » au plûtôt au Roy des Romains » vôtre maître. C'eft maintenant à lui & à vous à remplir les conditions dont nous fommes » convenus, & qu'il foit conn » à tout le monde, que ce Roy fereniffime, n'a pas eu tant deffein d'acquerir un Royaume, رو دو 46 que de faire éclater fa gran- " deur & fa reconnoiffance, pour une fi glorieuse & fi facile ac- « quifition. Le jeune Prince “ voyant remettre les ornemens Royaux en des mains étrangeres, en marqua un grand déplaifir & voulut s'y oppofer; il fallut que la Reine pric foin d'adoucir fon reffentiment. Après cette ceremonie on revint à Millembac,où Caftaldo,en présence des Etats fit une grande harangue, où il réprefenta; La fidelité que les peuples doivent à leurs Souverains.A quels malheurs la Tranfilvanie alloit être expofée, fi la Reine n'a- « voit pas été infpirée de remet- « tre ce Royaume à la maifon « d'Autriche, qui feroit toûjours en état de le défendre contre les Infidéles. Il exhorta " les Grands & les peuples à demeurer bien unis, pour jour » d'une paix affûrée, & attirer » la protection du Ciel. Après ce difcours Martinufius prêta le premier ferment de fidelité à Ferdinand, enfuite André Batori, Quendi-Ferens & les autres Grands, enfin les notables remplirent le même devoir. Après ces formalitez on reçût les lettres de Ferdinand, qui approuvoient & ratifioient tout ce qui avoit été fait & arrêté avec la Reine & le Régent, & pour le mieux autorifer, il ordonnoit que, fans delai, on celebra les fiançailles du Prince avec la Princeffe Jeanne fa fille. C'étoit la condition la plus fpecieuse & la plus facile à executer. Enfuite on délibera furles moyens de foûtenir la guerre contre les Turcs, qu'on prevoyoit par le mécontentement infaillible de Soliman, de voir la Tranfilvanie au pouvoir de lamaifon d'Autriche.Pour réfifter le ec à cette puiffance, & lui fermer l'entrée de la Tranfilvanie Régent remontra : Qu'il étoit abfolument neceffaire de s'affurer du Comté de Temefvard que c'étoit la barriere la plus importante & la plus exposée; Que fi les Turcs s'en emparoient, il leur feroit aifé de s'y i maintenir, & prefque impoffible de les en chaffer: Que ce "r païs étoit arrofé de belles Rivieres abondant en toutes chofes,fortifié d'un grand nombre de bonnes places, & que s'en rendant maîtres, la Tranfilvanie feroit à leur discretion. " Le fentiment du Regent fut d'autant mieux approuvé, que perfonne ne doutoit des intelligences que Petrovieft entretenoit à la Porte. On donna commiffion à André Batori, d'aller avec deux mille chevaux, demander à ce Gouverneur la ville de Temef |