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FRANÇOIS à fes Paroiffiens, qui le trouvoient RABELAIStoujours difpofé également à leur donner tous les fecours que leurs befoins fpirituels & corporels exigeoient.

Il mourut en 1553. non pas à Meudon, comme quelques Auteurs l'ont dit mal à propos, mais à Paris dans la rue des Jardins, fous la Paroiffe de S. Paul, & fut enterré dans le cimetiere de cette Eglife au pied d'un arbre, qu'on y a laiffé long-temps, pour en conferver la mémoire. La plupart des Auteurs prétendent qu'il avoit alors 70. ans.

Antoine du Verdier, qui avoit parlé fort mal de lui dans fa Bibliotheque Françoife, s'eft retracté dans fa Profopographie d'une maniere qui fait honneur à Rabelais. » J'ai parlé, ditil, de Rabelais en ma Bibliotheque fuivant la commune voix, » & par ce qu'on en peut juger par »fes œuvres mais la fin qu'il a fait fera juger de lui autrement qu'on n'en parle communément. « Ceci fait voir que du Verdier prévenu d'abord contre lui le bruit public, étant depuis mieux inftruit,

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par

& ayant appris qu'il avoit vêcu & FRANÇOIS étoit mort d'une maniere édifiante, RABELAIS changea entierement de fentiment à fon égard.

Il faut donc mettre au nombre des fables les circonstances ridicules qu'on rapporte de fa mort; telle qu'eft celle du Domino, qu'il voulut mettre dans fes derniers momens, parce qu'il eft dit dans l'Ecriture: Beati qui in Domino moriuntur; Ce qu'on veut qu'il ait dit au Page, que le Cardinal du Bellay lui envoya pour fçavoir des nouvelles de fa fante: Dis à Monseigneur l'état où tu me vois; je vais chercher un grand peut-être : il est au nid de la Pie, dis lui qu'il s'y tienne, & pour toi tu ne feras jamais qu'un fou. Tirez le rideau la farce eft jouée; auffi-bien que fon pretendu Teftament confiftant en ce peu de mots. Je n'ai rien vaillant ; je dois beaucoup je donne le reste aux pauvres. Tout cela & plufieurs traits femblables, ont été imaginés longtemps après la mort par des gens, qui ne le connoiffoient que fuivant les préjugés populaires, & qui ajoutoient une foi entiere à ce qu'on avoit

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FRANÇOIS debité jusques-là à fon defavanta-
RABELAIS ge.

Il n'eft en effe perfonne, dont on si ait plus de mal, & contre lequel le déchaînement ait été plus général & plus vif; mais on peut dire auffi, qu'il n'eft perfonne dont on fe foit formé des idées plus fauffes & plus éloignées de la vérité. Qu'on life ce qu'ont écrit de lui tous ceux qui fans s'arrêter à des déclamations, ont voulu nous reprefenter dans quelque détail les particularités de fa vie, on n'y verra qu'une fuite de faits, ou entierement faux, ou expofés confufément, ou alterés par des omiffions de chofes effentielles. Ce qu'on trouve dans ces Auteurs, donne lieu de le regarder comme un bouffon, qui ne fongeoit qu'à plaifanter & à rire, & qui dans les circonftances les plus férieufes ne pouvoit s'éloigner de ce caractere; comme un libertin & un debauché qui ne quitta la vie Monaftique que pour fe livrer fans retenuëa, aux plaifirs; comme un impie & un Athée, qui fe jouoit de tout ce que la Religion a de plus

refpectable & de plus faint.

FRANÇOIS Le Pantagruel de Rabelais eft la feu-RABELAIS le chofe qui les ait engagés à le reprefenter fous des couleurs fi odieufes; ils fe font imaginés que ce li→ vre étoit une expreffion fidelle de fes propres fentimens, & qu'il étoit coupable de tous les excès qu'il y a reprefentés. Mais fi fans s'arrêter à des conjectures arbitraires, & fans fe laiffer prevenir, ils avoient exa→ miné les chofes en elles-mêmes; ils en auroient penfé tout autre

ment.

On regarde Rabelais comme un bouffon, qui ne fongeoit qu'à plaifanter, & c'eft pour ce fujet qu'on a mis fur fon compte tant de plaifanteries, la plupart fades & ridicules, qui n'ont été imaginées que depuis lui. Si c'avoir été là fon caractere, on en trouveroit des traces dans tous fes Ouvrages. Cépendant à l'exception de fon Pantagruel, à qui ces fortes de chofes convenoient, tout le refte eft ferieux, & jufques dans fes lettres-mêmes, où il fembloit pouvoir fe permettre la raillerie en certaines occafions, on ne

FRANÇOIS Voit rien que de grave & de conRABELAIS Venable à fon caractere.

Ceux qui l'ont accufé d'avoir quitté la vie Monaftique par libertinage, n'ont eu aucune connoiffance des picces que j'ai rapportées plus haut, & ont ignoré la conduite qu'il avoit gardée en la quittant. Il y auroit de l'injuftice à trouver étrange qu'il fe fût dégoûté d'une vie, qui avoit fort dégeneré de fa premiere inftitution, & qu'aimant l'étude, comme il faifoit, il ne fe vit qu'avec peine obligé de vivre avec des perfonnes, dont les fentimens & la conduite étoient en cela entierement differens des fiens. Il fongea donc à fortir de cet état, mais il prit les voyes legitimes, qui font d'ufage dans ces occafions. Tout ce qu'on lui peut reprocher, & en quoi il eft effectivement condamnable, eft d'avoir quitté de luimême le Monaftere de Mailleais, & l'habit de fon Ordre. Il eft cependant à prefumer qu'il eut pour cela quelques raisons, qui furent approuvées par l'Evêque de ce lieu; puifque ce Prélat ne l'en eftima pas

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