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entre les deux grands empires de Perse et de Constantinople, et compromis dans tous les démêlés de ces puissances, ils connurent mieux la plupart des faits; et leurs récits éclaircissent souvent les narrations imparfaites et confuses des écrivains de Byzance, généralement mal informés de l'histoire des Orientaux.

Ainsi, par exemple, deux siècles avant Héraclius, l'empire romain reçut un accroissement de territoire dont on chercherait vainement l'indication dans les auteurs que nous possédons. Le royaume d'Arménie, qui, depuis quatre cents ans, était le rempart de l'empire du côté de l'Orient, cessa d'exister par l'imprudente politique de Théodose le Jeune, qui souscrivit avec le roi de Perse un traité de partage, dont tout l'avantage fut pour les Persans. Ce grand événement fut précédé et suivi de guerres et de révolutions qui nous sont restées inconnues, mais qui doivent se retrouver dans une histoire complète du Bas-Empire. C'est par le secours seul des auteurs arméniens qu'il est possible de suppléer à cette lacune. Il serait facile d'indiquer un grand nombre d'autres faits aussi importants et également ignorés, mais qui se retrouveront dans cette nouvelle édition.

Depuis l'époque d'Héraclius jusqu'à la destruction de l'empire, les modifications qu'il faut apporter à l'ouvrage de Lebeau sont continuelles. Dès lors, les empereurs furent toujours en relation avec les puissances de l'Orient; et c'est justement au point le plus intéressant de cette période, du VII au XIIe siècle, que les annales byzantines présentent la plus grande disette d'écrivains. Il faut nécessairement substituer les Arabes et les Arméniens, aux maigres et ineptes an

nalistes que Lebeau a été obligé de consulter. Leurs récits doivent donc trouver place dans cette édition. Les exploits des conquérants arabes, qui chassèrent de l'Orient les successeurs d'Héraclius; la formation d'une nouvelle monarchie arménienne; les expéditions glorieuses entreprises par Théophile, Nicéphore Phocas et Jean Zimiscès; les guerres opiniâtres que l'empire soutint contre les Arabes, maîtres de la Sicile et de l'île de Crète; les règnes si brillants et cependant si désastreux de Basile II et de Constantin Monomaque : tous ces événements, dont il est facile d'apprécier l'importance, sont à peine indiqués dans l'histoire de Lebeau. Les renseignements que les auteurs arabes et arméniens fournissent pour cette époque, augmenteront du double cette partie de l'histoire du Bas-Empire. Après les croisades, on trouve les écrivains turcs qui ont raconté les victoires de leurs souverains sur les derniers successeurs de Constantin : les ouvrages qu'ils ont composés, et les lettres originales des sultans othomans, dont il existe plusieurs copies manuscrites dans nos bibliothèques, doivent être aussi consultés, et ils fourniront des indications souvent plus exactes et plus authentiques que les narrations passionnées des derniers auteurs byzantins.

Il est hors de doute que, depuis le temps où Lebeau a écrit, beaucoup de savantes recherches, et la publication de plusieurs ouvrages estimables, nous ont mieux fait connaître l'histoire de plusieurs états et de divers peuples de l'Europe qui eurent des rapports avec l'empire de Constantinople. Le grand nombre de faits qu'ils contiennent devront donc être ajoutés à l'histoire du Bas-Empire, surtout pour ce qui concerne les re

lations des Grecs avec les Russes, la république de Venise, et les princes croisés.

Ce court exposé suffira pour faire voir que ce n'est pas seulement une nouvelle édition de l'Histoire du Bas-Empire par Lebeau que nous annonçons, mais qu'il s'agit d'un ouvrage nouveau dont l'importance ne saurait être contestée par aucune des personnes qui s'intéressent au progrès des études historiques.

La géographie fut toujours la compagne inséparable de l'histoire. Dans les ouvrages où les récits sont un peu détaillés, les lecteurs aiment à pouvoir les suivre sur la carte sans un tel secours, un livre ne serait trop souvent qu'un amas de faits incohérents et inintelligibles. C'est surtout pour l'histoire du Bas-Empire qu'on sent à chaque instant le besoin d'un pareil secours. Pour l'histoire ancienne de Rome on pourrait, à la rigueur, s'en passer; les recueils de cartes, les traités de géographie, qui font connaître l'état du monde ancien, sont assez nombreux et suffisamment exacts pour qu'ils puissent suffire. Tout avait changé et changea plusieurs fois pendant la longue période du BasEmpire: les divisions géographiques et politiques de l'antiquité furent détruites; les dénominations classiques disparurent, et furent remplacées par des noms barbares de toute espèce: aucun livre, aucune carte ne les indique; cependant sans ces connaissances diverses l'histoire serait un chaos inextricable, et on ne peut les acquérir que par un travail considérable et très-pénible.

Il faut donc, pour compléter l'Histoire du BasEmpire par Lebeau, y joindre un certain nombre de cartes et de dissertations destinées à faire connaître

XII

AVERTISSEMENT DE L'ÉDITeur.

tous les changements survenus dans la géographie et les divisions civiles, politiques, militaires, ecclésiastiques et administratives de l'empire de Constantinople pendant toute sa durée.

INDICATION DES CARTES.

1 Carte destinée à faire connaître l'empire d'Occident sous le règne de Constantin. 2. Une autre pour l'empire d'Orient à la même époque. 3. Une pour l'expédition de Julien contre les Perses. 4. Une pour l'empire d'Occident après l'invasion des Barbares.

depuis Théodose jusqu'a hÉRACLIUS:

5. Carte particulière de la Grèce. 6. Carte particulière de l'Italie. 7. Illyrie et provinces sur le Danube jusqu'à la mer Noire. 8. Asie-Mineure. 9. Syrie et provinces orientales. 10. Égypte. 11. Carte pour l'expédition d'Héraclius en Perse.

Pour faire connaître les divisions militaires en usage au Xe siècle dans l'empire de Constantinople, et les états qui étaient alors dans la dépendance de cet empire, ou en relation avec lui, il faudra six cartes particulières:

12. L'Italie et la Sicile. 13. La Grèce proprement dite. 14. L'Illyrie et les rives du Danube. 15. L'Asie-Mineure. 16. L'Arménie et les régions orientales. 17. La Syrie.

Pour bien comprendre la dernière période de l'Histoire du BasEmpire après la conquête de Constantinople par les Français, il faut encore ajouter trois cartes à ce recueil :

18. L'Asie-Mineure au XIIIe siècle, après les conquêtes des Turcs Seldjoukides. 19. La Grèce et la mer Egée, après l'établissement de l'empire des Latins. 20. La Thrace, l'Illyrie, et les régions limitrophes du Danube, pour les derniers temps de l'empire.

On joindra à ces cartes un plan de Constantinople telle qu'elle était sous les empereurs.

Tous les passages intercalés dans la narration de Lebeau, ou rajustés en note, seront placés entre crochets [ ] précédés d'un tiret, et suivis de cette signature [S.-M.]

J. S.-M.

ÉLOGE DE LEBEAU,

PAR DUPUY,

SECRÉTAIRE DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES,

Prononcé le 11 novembre 1778 dans la séance publique de cette Académie.

CHARLES LEBEAU naquit à Paris, le 15 octobre 1701, de parents honnêtes, mais peu favorisés de la fortune. Avec les qualités solides et brillantes qui promettent les plus grands succès en divers genres, la nature avait jeté dans son cœur le germe d'une passion pour les lettres qui s'enflamma de bonne heure, et s'empara impérieusement de toutes les facultés de son ame; mais d'abord, telle qu'un feu enseveli sous la cendre, et comme captive au milieu d'une famille chargée de l'éducation de cinq enfants, elle n'eut pas la facilité de se faire jour et de s'élancer à son gré. Le foyer paternel lui paraissait un lieu d'esclavage: il lui fallait un air libre, tranquille et serein, où, maîtresse d'elle-même, elle pût prendre un essor qu'aucun obstacle ne fût capable d'arrêter. L'atmosphère qui lui convenait, elle la trouva dans le collége de Sainte-Barbe, célèbre par des phénomènes qui attiraient les regards de la capitale et des provinces.

Dans un séjour si favorable à ses vues, Lebeau, respirant en liberté et selon son goût, vit des maîtres zélés, vigilants, éclairés; des disciples actifs, diligents, laborieux, toujours en haleine, toujours se disputant à l'envi la gloire des succès. En fallait-il davantage pour exciter chez lui une émulation dont il n'avait jamais encore senti si puissamment l'aiguillon? Il se livre donc tout entier aux exercices prescrits à son âge; et bientôt une application forte et constante le rendant supérieur à tout ce qu'on exigeait de lui, ces exercices ne suffisent plus ni à son activité, ni à ses désirs. Attristé de voir que le travail commun et ordonné le laisse comme dans un état de langueur et d'inaction, il se ménage secrètement une étude particulière, et s'enfonçant dans la lecture des meilleurs écrivains grecs et latins, il se nourrit en silence de leur suc le plus pur et le plus substantiel.

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