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ait pû unir deux natures fi differentes & dont les idées n'ont nul rapport enfemble. On conçoit diftinctement que l'ame ne peut pas être la caufe des mouvemens qui fe font dans le corps, ni les mouvemens du corps produire les fentimens ou les penfées que l'ame experimente en elle même le corps ne peut agir que par le contact de fa fuperficie, & l'ame que par la pensée : or il n'y a point de proportion entre l'un & l'autre : il faut donc que Dieu foit T'unique auteur de nos penfées & de

nos mouvemens.

Mr.Roella fait fagement de joindre à ces preuves de l'existence de Dieu celle qui fe prefente aux yeux de tout le monde: fçavoir la grandeur & la beauté de l'Univers, l'arrangement de fes parties, leur liaifon, la dépendance qu'elles ont mutuellement les unes des autres, l'or dre conftant qu'elles obfervent entre ellés, la generation des animaux -& de toutes les chofes qui font neceffaires à leur confervation; De tout cela il fait, après Ciceron, un détail qui contente & qui perfuade;

& on eft convaincu auffi bien que Juy qu'il n'y a qu'un être intelligent, d'une fageffe & d'une puiffance infinie, qui ait pu faire & difpofer les chofes comme nous les voyons.

Pour la Demonftration que l'Auteur établit fur fes prétendues idées innées, de fort bons Philofophes ont jugé que plus on fe confulte foy mê même, & moins on la trouve folide. Car nôtre efprit ayant la facul té de connoître & de reflêchir fur fes penfées, de quelque part qu'elles viennent, même des objets les plus imparfaits, il eft évident qu'il peut les comparer enfemble, les oppofer les réunir, les feparer, fe former par abftraction des idées pures de perfection qu'il augmentera s'il veut jufqu'à l'infini, en multipliant les degrez & les ajoûtant les uns aux autres: & par ce moyen il peut fe faire une idée du moins obfcure d'un être infini en perfection. De la même maniere qu'ayant l'idée d'un pied d'étendue on peut la multiplier enfuite & la groffir jufques rà l'infini, fans qu'il foit neceffaire pour fe former l'idée d'un corps

infini, que ce corps exifte veritable

ment.

Il en eft de même de l'éternité: connoiffant la durée finie d'un homme; il eft aifé de concevoir un être qui fubfiftera deux & trois fois autant, & pouffant ainfi la gradation, de fe former au moins une idée imparfaite d'un être éternel. Il eft donc clair que des idées communes qui font en nous, & de l'idée d'un être particulier infiniment parfait, nous ne pouvons pas conclurre l'exiftence de Dieu.

Ce que l'Auteur dit au fujet de l'union de l'ame avec le corps ne paroît pas plus certain à des gens qui fe piquent de raisonner jufte. Il eft vray qu'on a de la peine à comprendre la maniere dont un efprit agit fur les corps : & comment le comprendroit on, puifqu'on ne connoît pas fa fubftance fa fubftance, ni toutes les modifications dont il eft capable? d'où il s'enfuit qu'on ne fçauroit connoître les differens rapports qu'il peut avoir au corps. Mais on demande à Mr. Roell comment Dieu, qui eft un efprit, agit fur les corps?

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Eft-ce par fa pensée & par fa volon té? il affure qu'il ne voit rien dans l'idée de penfée & de volonté qui puiffe remuer un corps. Eft ce parceque Dieu eftinfini? C'eft ce qu'il répond en effet mais il femble que l'infinité de Dieu ne fatisfait pas à la difficulté. Car s'il eft vray que l'efprit felon fa nature & fon effence prife en general ne renferme rien d'où l'on infere qu'il puiffe agir fur les corps 5 qu'il foit fini ou infini, il aura beau vouloir les remuër, il ne le fera jamais la grandeur d'une fubftance ne luy donne point une proprieté qui ne convient nullement afa nature. L'Auteur dira peut être que c'eft ce qu'il ne comprend pas, & que fa raifon luy dicte interieurement qu'il ne fçauroit le comprendre que n'en dit-il donc autant de l'âme à l'égard dû corps?:

On voit par là qu'il n'eft rien de plus ruineux que les principes fur Jefquels ce Philofophe a fondé fon fyfteme, & qu'il eft bien loin de fon compte, lorfqu'il croit nous avoir donné des armes invincibles contre

les Athées. Ils fe moqueront de fes idées innées, & luy feront voir fans peine de quelle maniere nous les formons nous mêmes. Ils luy expliqueront toutes les épreuves & tous les degrez par où l'efprit les fait paffer, jufques à ce qu'enfin elles foient pures & dégagées de l'erreur. Ils luy feront même remarquer que de tems en tems, parmi les vrayes il s'en gliffe de fauffes, que nous cor, rigeons dans la fuite par l'étude,l'ap plication & l'induction exacte que -nous faifons des objets finguliers qui -tombent fous nos fens: qu'il arrive fouvent qu'une nouvelle connoiffance d'un être dont nous n'avions point encore entendu parler, renverfe une partie des idées que nous croyions très-certaines, & fur lefquelles nous n'avions pas le moindre doute: qu'il y a des Nations entieres qui ont des principes tout differens des nôtres. De là par une confequence legitime, ils conclurront qu'il eft faux que nos idées foient des impreffions de Dieu,& que nous ne fçaurions nous tromper en les fuivant.

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