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L'air cependant pris à la hauteur de 1600 toifes au-deffus du niveau de la mer, eft encore très-propre à l'entretien de la vie animale, ainfi qu'à la végétation des plantes; car les Villes de Quito, Cuença, &c. en Amérique, font fituées à cette hauteur au-deffus de la furface de la mer. Le fol de ces Villes eft trèsfécond ; on y voit croître avec plaifir des arbres & plufieurs plantes différentes. A la vérité, plus les montagnes font élevées, moins les arbres s'y élevent; leur hauteur n'excede même pas celle des arbriffeaux (1), ainsi que Peyffonnel l'a obfervé à la Guadeloupe; mais on ne voit point croître d'arbres au-delà de 2000 toifes de hauteur; la terre n'y porte qu'un gazon fort clair, dont la hauteur égale au plus celle de la mouffe. Enfin, on ne voit plus aucune plante, aucune végétation au-deffus de 2000 ou 2300 toifes d'élévation, quoique les neiges & les pluies tombent & se répandent fur ce terrein (2). Non-feulement à une hauteur auffi confidérable, l'air eft trop léger & trop rare pour pouvoir pénétrer & circuler dans les vaiffeaux aériens des plantes, & pour exciter les fucs nourriciers à fe mouvoir dans

(1) Tranfact. Philofoph. vol. XL. pag. 564. (2) La Condamine, Introduct. Hift, pag. 48.

les vaiffeaux qui leur font destinés; mais le froid qui regne habituellement fur les endroits qui font très-élevés, eft lui-même fort contraire à la végétation. Les arbres ne croiffent point vers les pôles où les nuits font fi longues, où elles durent fix mois ; & fi on y en remarque quelques-uns, ce font des avortons, des petits arbriffeaux à peine trouve-t-on de l'herbe dans ces contrées.

:

La condenfation fubite de l'air n'eft pas moins funefte à l'homme & aux animaux que la prompte raréfaction de ce fluide; cependant ils s'habituent par degrés à refpirer un air très-condensé, de même qu'ils s'accoutument à vivre dans un air très-raréfié. Les animaux vivent gracieusement & fans incommodité fous un récipient dans lequel on a condensé l'air par degrés, fur-tout fi on a foin de renouveler fouvent cet air; en en retirant une partie pour en introduire de nouveau.

part

Les Mineurs qui travaillent à Cracovie, au fond des mines de fel les plus profondes, y éprouvent une preffion très-confidérable de la de l'air; on en voit, à la vérité, plufieurs qui ne peuvent la fupporter fans être expofés à certaines maladies qui affectent même l'efprit. C'est à cette caufe que Scheuchfer attribue la nostalgie, cette maladie endémique,

dont les habitans des Alpes nous offrent un exemple habitués à refpirer un air rare, léger, & celui qui paffe dans leur fang, par le moyen des alimens qu'ils prennent, étant de même nature, les vaiffeaux & les fibres de leur corps font eux-mêmes accoutumés à ne fupporter que le poids de cet air rare & fubtil. De-là, s'ils voyagent dans des endroits où le poids de l'atmosphere eft plus grand, comme ils y font exposés à une preffion plus fenfible, & que l'air intérieur, compris dans les différentes humeurs de leur corps, ne peut réfifter à cette preffion, la circulation du fang fe trouve dans ce cas expofée à de trop grandes variations; ce qui occafionne ces inquiétudes, cette trifteffe qu'ils éprouvent alors; ils devien¬ nent hypocondriaques, & leur plus grand defir eft celui de retourner dans leur patrie. Les Anciens avoient déja obfervé de femblables phénomènes, ainfi qu'on peut s'en affurer par un paffage de Lucrece (1). Bafterus nous a laiffé de très-beaux Commentaires fur ces fymptômes (2).

Les Plongeurs vivent fous une ample cloche

(1) Lucret. lib. VI. verf. 1101.

(2) Verhandelingen, der Maatschappy te Haarlem, 3 Deel,

defcendue dans la mer, lors même que cette cloche eft à 300 pieds de profondeur, quoique l'air y foit alors neuf fois plus comprimé par la preffion de l'eau que par fon propre poids à la furface de la terre. Il y a plus, ceux qui font fous cette machine n'éprouvent aucune sensation incommode; ils ne font point affectés défagréablement par l'air dense qu'ils y refpirent, fi on a foin d'y introduire de nouvel air, qu'on tient en réserve dans des tonneaux qui communiquent avec cette cloche, & qu'on y fait pafler en retirant, à l'aide d'une pompe afpirante, une portion de celui qui a féjourné dans la cloche; il faut encore avoir attention de ne pas defcendre cette machine avec précipitation, autrement le Plongeur feroit exposé à une preffion trop brufque qui lui cauferoit une hémorragie. Pendant qu'on defcend cette cloche dans la mer, la grande compreffion qui fe fait fur la poitrine & les poumons, gêne la respiration & la rend difficile; mais l'air condenfé paffant bientôt dans les routes de la circulation, l'équilibre s'établit entre l'air intérieur & l'air extérieur, & l'homme respire avec facilité. Toutes ces précautions font`indifpenfablement néceffaires, mais fur-tout le renouvellement de l'air; car la ftagnation de ce fluide eft auffi fatale que fon entiere priva

tion, Un gallon anglois d'air (c'eft-à-dire une mefure de 4 pintes de Paris) ne pourroit pas fuffire pour la refpiration d'un homme durant une minute. Suivant les expériences de M. Hales, 74 pouces cubiques d'air ne suffiroient pas, & au bout d'une minute l'homme courroit rifque d'être fuffoqué.

Plus l'air eft rare & plutôt il devient incapable de fervir à la refpiration (1). Une linotte peut vivre 3 heures dans un demi-gallon d'air; mais elle ne vit que cinq quarts-d'heure dans celui qui eft moitié moins denfe.

Deux animaux renfermés fous un même vafe, y périffent plus promptement que s'il n'y en avoit qu'un; trois y meurent encore plus promptement ; &, dans ces fortes d'expériences, on voit defcendre de plufieurs lignes le mercure d'un barometre renfermé dans le vafe (2). Pourquoi l'air, dans ces circonftances, perd-t-il fi promptement fes qualités vivifiantes?

Indépendamment de l'altération que l'air éprouve dans l'acte même de la refpiration, pour des raifons que nous expoferons dans la fuite, ce fluide eft encore altéré par les exhalaisons que

(1) Derham, Theolog. Phyf. ch. 1. remarq. 3. (2) Comm. Bonon. vol. II. pag. 340.

la

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