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tion entr'eux & les molécules d'air, elle ne peut être que très-foible; l'air ne peut fe filtrer au travers de leurs pores, à moins qu'il n'y foit contraint par une force étrangere; il en eft de même de l'eau qu'on voudroit faire paffer au travers d'un papier huilé, commé elle ne peut plus mouiller les parties propres du papier, fa filtration n'a plus lieu.

CHAPITRE II.

De la Pefanteur de l'Air.

L'AIR eft pefant, c'est-à-dire que ce fluide à, comme les autres corps fublunaires, une tendance vers le centre de la terre. Ariftote (1) paroît n'avoir pas ignoré cette qualité de l'air; il parle d'une veffie remplie d'air, qui pefoit davantage qu'une veffie vuide d'air. Plutarque & Stobée le citent, comme ayant enfeigné que l'air tenoit un milieu entre la terre & le feu, quant à fa pefanteur; & ce même Philofophe, traitant de la refpiration, rapporte l'opinion d'Empedocles, qui en attribuoit la caufe au poids de l'air, qui, par fa preffion, s'infinuoit avec force dans les poumons. Plutarque parle auffi dans les mêmes termes du

(1) De Cœlo. lib. IV. chap. 1. pag. 420.

fentiment d'Afclepiades touchant la refpiration; il lui fait dire, entr'autres chofes, que l'air extérieur eft porté avec force dans la poitrine par fa pesanteur.

Quoique les Anciens connuffent la pesanteur de l'Air, ils rapportoient cependant la plupart de fes effets à une caufe imaginaire, à un être de raison, qu'ils appeloient l'horreur de la nature pour le vide. Demandoit-on, par exem ple, aux Difciples d'Ariftote, par quelle raifon l'eau monte dans une pompe aspirante dont on tire le piston, tandis que le tuyau d'aspiration eft plongé dans l'eau ? La nature a horreur du vuide, difoient-ils, & elle oblige l'eau à rem plir celui qu'on a fait dans la pompé en éle vant le piston. << C'étoit, dit M. Saverien (1), expliquer une chose par une chofe inexpliqua»ble; car, on auroit bien embarraffé les Arifto» téliciens, fi on leur avoit d'abord demandé

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» ce que c'est que la Nature; en fecond lieu

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» comment elle avoit horreur du vide; & enfin pourquoi elle l'avoit? Ces queftions étoient » fort raisonnables; cependant, fans fonger » à y répondre, on fe contenta de cette rai » fon; les Phyficiens même s'en contenterent pendant long-tems; & ce ne fut que par

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(1) Hiftoire des Progrès de l'Efprit humain dans les Sciences naturelles; de l'Air, pag. 108.

hafard qu'ils en reconnurent l'infufifance ». Un Jardinier de Florence ayant voulu faire ufage d'une pompe afpirante, plus longue que celles qu'on emploie ordinairement, ne put jamais parvenir à faire monter l'eau au-deffus de 32 pieds. Trompé dans fon attente & ne fachant à quoi s'en prendre, il fut trouver Galilée, efpérant que ce Mathématicien le mettroit fur la voie de réuffir dans fon entreprife; ce Philofophe n'apprit pas fans étonnement que l'eau refufoit de s'élever au-delà de 32 pieds dans les pompes; il diffimula cependant fa furprise, & fe contenta de dire au Jardinier que la raison de cela étoit que la nature n'avoit horreur du vide que jusqu'à un certain point.

Tout autre que Galilée auroit pu fe perfuader que l'horreur du vuide avoit fes limites au-delà defquelles la nature étoit indifférente; mais ce Philofophe étoit trop grand Phyficien pour ne pas reconnoître, reconnoître, dans le jeu des pompes, l'effet d'une caufe mécanique & limitée dans fon action: on prétend même qu'il conjectura que l'air étoit cette caufe; mais il mourut fans avoir pu s'en affurer.

Son difciple Toricelli, pour vérifier cette conjecture, imagina une expérience auffi fimple que concluante; & voici comment il

raifonna. En fuppofant, dit-il, que l'afcenfion de l'eau dans une pompe afpirante foit l'effet d'une cause mécanique, bornée dans fon action, il eft conftant que cette cause ayant à agir contre un fluide d'une pefanteur fpécifique plus grande que celle de l'eau, ne l'élevera ou ne le foutiendra qu'à une hauteur réciproque à fa denfité. De-là, fi cette force ne peut élever & foutenir l'eau qu'à la hauteur de 32 pieds ou environ, elle n'élevera & foutiendra le mercure qu'à la hauteur de 27 à 28 pouces, puifque ce fluide étant environ quatorze fois plus pefant que l'eau, n'aura befoin, pour faire équilibre à cette force, que de parvenir à une hauteur environ quatorze fois moindre. L'expérience qui fuivit de près ce raifonnement eut tout le fuccès que Toricelli s'en étoit promis.

Pour la faire, il prit un tube de verre de quatre pieds de hauteur, fermé hermétiquement à une de fes extrémités : il le remplit entiérement de mercure, boucha enfuite avec le doigt l'orifice ae ce tube, & plongea ce dernier dans une cuvette qui contenoit du mer. cure & de l'eau; il retira fon doigt, alors le mercure contenu dans le tube tomba en partie dans la cuvette & demeura fufpendu à 27 ou 28 pouces daus l'intérieur du tube.

Nous obferverons, en faveur de ceux qui voudroient répéter cette expérience, 1o. qu'elle réuffit également bien lorfque la cuvette ne contient que du mercure, mais en quantité fuffifante pour noyer l'extrémité ouverte du tube; 2°. que, lorfqu'on verfe du mercure dans le tube, l'air s'engage entre les globules du mercure & interrompt leur continuité cet air, moins pefant que le mercure fe porteroit en grande partie vers la voûte du tube & feroit baiffer la colonne de mercure d'une quantité plus ou moins fenfible; mais on a foin de l'expulfer du tube, non pas en employant l'action du feu, comme on le pratique dans la conftruction des Barometres, mais fimplement en faifant aller & venir dans le tube une groffe bulle d'air qu'on y a renfermée avec le mercure; cette bulle d'air fe joint par affinité d'aggrégation aux bulles d'air plus petites qu'elle rencontre dans la longueur de la colonne de mercure, & elle les entraîne avec elle. A la vérité, par ce moyen on n'expulse du tube que les bulles d'air les plus groffieres; mais celles qui restent ne nuifent pas fenfiblement au fuccès de l'expérience.

Le P. Merfene, Minime de Paris, chez lequel les Savans de cette Capitale s'affembloient alors, apprit le premier l'expérience de Tori

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