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cartilages, qui fervent à les tendre plus ou moins. Selon M. Ferrein (1), ces cordes vi brent & produifent des fons plus ou moins aigus, lorsque l'air qui vient du poumon, en eft chaffé par un effort plus violent que celui d'où procède l'expiration ordinaire. Cet air frotte alors contre les cordes vocales & les fait frémir & réfonner à la maniere de celles fur lefquelles on traîne un archet; & comme le même fluide a tout ce qui convient pour vibrer lui-même & donner des fons, il prend le ton de chacun des filets tendineux qu'il vient de frapper, & c'eft ainfi qu'il en devient le propagateur, en retentiffant dans les cavités de la bouche & du nez; une tension plus ou moins forte dans ces cordes vocales, un effort plus ou moins violent pour faire fortir l'air des poumons, différens obftacles qui fe rencontrent dans le gofier, occafionnent la prononciation.

Cependant l'on peut dire, avec vérité, que la voix ne devient articulée que par les modifications qu'elle reçoit dans la bouche, par les dents, la langue, les levres, les joues, le palais. Le nez contribue auffi à la beauté de la voix: voilà pourquoi on n'aime point à entendre quelqu'un qui parle ou qui chante

(1) Mém. de l'Acad. des Scienc. 1741. pag. 409.

étant enchifrené, ou ayant, par quelque caufe que ce foit, les narines bouchées, parce qu'alors Fair fonore qui forme la voix ne peut y paffer. L'on dit communément qu'il parle du nez; c'est tout le contraire: le dérangement de fa voix vient de ce qu'il n'en parle pas.

Le bégayement de quelques perfonnes, la difficulté ou même l'impoffibilité qu'elles éprouvent dans la prononciation de certains mots, vient de ce que n'ayant pas le mouvement de la langue bien libre, elles ne peuvent pas ou ne peuvent que difficilement la remuer à leur gré, & lui donner les inflexions néceffaires à la modification de la voix.

Si la voix de l'homme devient plus grave & plus forte, lorfqu'il eft parvenu à l'âge de puberté, c'eft qu'à cette époque de la vie, la voix retentit dans de plus grandes cavités ; les poumons, la poitrine, les muscles, ont acquis d'autres dimenfions, & en même tems plus de force & de reffort.

Il y a des perfonnes qui, par habitude ou par une certaine difpofition d'organes, font entendre une voix fourde & étouffée qui femble partir de leur ventre; on les appelle, pour cette raifon, Ventriloques; mais improprement, car elles ne parlent pas du ventre.

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Les Anciens ont connu l'art des Ventrilo

ques; il paroît même que, dans des temps reculés, cet art avoit été porté fort, loin, & qu'il étoit devenu affez commun pour qu'on s'en fervit dans cette efpece de divination particuliere qui étoit en ufage parmi les Payens & qu'ils appeloient Gaftromantie; car l'on fait qu'il y a eu beaucoup de fupercherie dans la divination des idolâtres.

L'Engaftrimifme, c'eft ainfi qu'on appelle cette faculté de paroître parler du ventre s'eft confervée dans les tems poftérieurs ; & l'on a étendu cette dénomination au fecret qu'ont quelques perfonnes de modifier tellement leur voix, qu'elle paroît venir de loin, comme de cent ou deux cents toifes, fortir même de la terre ou partir d'en haut. Nous pourrions rapporter, d'après différens Auteurs, beaucoup d'exemples de ce genre merveilleux; cependant nous ne parlerons que de l'Engaftrimifme de M. Saint-Gille, Marchand Epicier à S. Germain, à quatre lieues de Paris, parce qu'il a été trop bien examiné & reconnu par M. l'Abbé de la Chapelle en 1770, & enfuite la même année par des Commiffaires de l'Académie royale des Sciences, chargés d'en conftater la certitude, pour qu'on puiffe le révoquer en doute. Voici deux des fcenes auxquelles il a donné lieu, & dont nous empruntons

le récit mot pour mot d'un Ouvrage intitulé le Ventriloque ou l'Engaftrimythe, par M. de la Chapelle.

« M. Saint-Gille me fit entrer, dit cet Auteur, dans une petite chambre au rezde-chauffée (ce que l'on appelle, en termes » de Marchand, une arrière-boutique ), & » chacun de nous occupa un coin d'une pe»tite cheminée qui nous chauffoit, une table » à côté de nous; nous étions feuls. Mes yeux » ne quittoient pas fon vifage, que je vis pref» que toujours en face.

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>> II y avoit près d'une demi-heure qu'il » me racontoit des fcènes très-comiques, cau»fées par fon talent de Ventriloque, lorfque, » dans un moment de filence de fa part & de » diftraction de la mienne, je m'entendis appe»ler,très-diftinctement, M. l'Abbé de la Chapelle, mais de fi loin, & avec un fon de voix fi étrange, que toutes mes entrailles en furent émues. » Comme j'étois prévenu, je crois, lui » dis-je, que vous venez de me parler en Ven» triloque? Il ne me répondit que par un >>fourire ; mais dans le tems que je lui » montrois la direction de la voix qui m'avoit >paru venir du toit d'une maifon oppofée, » à travers le plancher fupérieur de celle où v `nous étions, je m'entendis dire bien distinc

»tement, avec le même caractere & le même >> timbre qui venoit de me furprendre, ce n'eft pas de ce côté-là; & alors la voix me parut >> venir d'un coin de la chambre, où nous faifions à la fois l'expérience & l'observation, » comme fi elle fût fortie du fein de la terre >> même.

» Je ne pouvois revenir de mon étonnement. » La voix me parut abfolument anéantie dans » la bouche du Ventriloque; rien ne paroiffoit >> changer fur fon vifage, qu'il eut pourtant >> foin, dans cette premiere féance, de ne » me préfenter que de profil, toutes les fois » qu'il fe mettoit à parler en Ventriloque.

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>> Cette voix. voltigeoit à fon gré; elle venoit >> d'où il vouloit : de même que l'on entend les efprits familiers, qui fe jouent de ceux qui » y croient.

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>> L'illufion étoit abfolument complette. Tour >> préparé, tout en garde que j'étois contre, » mes feuls fens ne pouvoient me défabuser » » M. Saint-Gille, fe promenoit un jour » avec un vieux Militaire, qui marchoit toujours tête levée, & avec de grands écarts » de poitrine; il ne parloit, & il ne falloit jamais parler avec lui que de batailles, de » marches, de garnisons, de combats fingu» liers, &c.

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