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Cette agitation de l'air fe décèle manifeftement lorsqu'on excite un fon bruyant près d'une piece d'eau tranquille; on voit la furface du liquide frémir ou fe crifper par les fecouffes qu'elle reçoit de l'air agité qui le touche. Grimaldi (1) nous apprend qu'on a fu profiter de l'ébranlement communiqué à une maffe d'air, & même à une très-grande distance, pour se mettre en garde contre la surprise de l'ennemi. On met alors un dé à jouer fur la peau d'un tambour; lorfque l'ennemi approche, l'ébranlement qu'il cause à la masse d'air qui l'environne fe communique de proche en proche jufqu'au tambour; il fait frémir les fibres de la peau, & on voit le dé se trémous fer fur cette derniere.

Comme l'air eft du nombre des corps qui exercent leur preffion en tout fens, il est vraifemblable que les fons fe répandent & fe propagent dans ce fluide comme dans une certaine fphere, dont le corps fonore eft le centre, c'eft-à-dire que chaque point phyfique de l'air mis en mouvement s'étend de tous côtés & forme en quelque maniere des rayons fonores qui ne font point confondus. Dans cette hypothèse, on conçoit que les fons s'affoiblif

(1) Phyf. Math. de Lumine.

fent ou perdent de leur intenfité, à mesure qu'ils s'éloignent du corps qui les rend: le mouvement de frémiffement occafionné dans celuici, doit produire un effet d'autant moindre dans l'air qu'il agite, qu'il fe communique à une plus grande maffe de ce fluide. La raison pour laquelle les fons fe font mieux entendre dans un lieu fermé qu'en plein air, est également facile à faifir: c'eft que le corps qui réfonne communique plus en plein fes vibrations à un air captivé & arrêté, qui ne peut échapper à fes impulsions réitérées, qu'à un air libre qui cede trop facilement & qui fe fouftrait en partie à la force comprimante.

L'exiftence fimultanée de différens fons dans une même maffe d'air, eft un fait fur lequel l'expérience journaliere ne fauroit laiffer aucun doute. Dans les lieux habités, nous en entendons plufieurs en même tems, & nous les diftinguons très-bien, quoique propagés & tranfmis par la même maffe d'air. Dans une Salle même qui a peu d'étendue, & où l'on donne un concert on entend à la fois, nettement & diftin&tement, le fon des voix & celui des inftrumens qui forment une fymphonie. Comment peut-il fe faire que cette multiplicité & cette variété de fons foient tranfmis fans confufion à chacun des Auditeurs ? comment la

même maffe d'air renfermée dans la Salle peutelle recevoir & tranfmettre toutes les différentes vibrations qui font néceffaires pour produire des fons & des accords fi variés ?

Plufieurs Phyficiens ont voulu expliquer ce phénomène; mais M. de Mairan est le feul qui l'ait fait d'une maniere fatisfaisante. Suivant ce célèbre Académicien, il faut admettre dans l'air différentes parties fonores propres à chacun des fons qu'il reçoit, à raison des vîteffes particulieres & toujours les mêmes de leurs vibrations, c'est-à dire qu'on doit recon. noître dans l'air des molécules différentes, foit par la groffeur & la grandeur, foit par le ref fort & la tenfion, variés en un mot à l'infini; ce qui s'accorde d'ailleurs avec quantité d'obfervations relatives à la conftitution de l'air.

Cela pofé, un corps fonore trouve néceffairement, dans la maffe d'air qui l'environne des molécules de ce fluide qui lui font analcgues, & qui peuvent, par cette raifon, recevoir, conferver & propager fes vibrations. Ces molécules d'air, analogues aux parties ébranlées dans le corps fonore, vont & viennent comme ces dernieres; de forte qu'à chaque instant elles reçoivent une nouvelle fecouffe qui accélere leur mouvement de plus en plus, jufqu'au point de le rendre fenfible à l'oreille.

Par conféquent deux cordes, dont les vibrations different en nombre dans le même tems, ou donnent naissance à deux fons différens, fe font bien entendre dans la même maffe d'air, mais par différentes parties de cette maffe fluide; &, ce que nous difons de deux cordes, peut s'étendre à un nombre auffi grand que l'on voudra. Dans un concert de voix & d'inftrumens, il n'y a point ou prefque point de frémiffement, excité dans les fibres fonores, qui ne puiffe fe propager, par le moyen de quelques molécules analogues, jufqu'aux oreilles des Auditeurs. Quand à l'impreffion des fons fur ce double organe, quoiqu'il ne foit pas de notre objet d'en parler, cependant nous nous y arrêterons un inftant.

L'organe de l'ouïe eft compofé particuliérement d'une infinité de petites fibres d'inégale longueur, d'inégale tenfion; & par conféquent les unes font propres à recevoir & à transmettre à l'ame un certain fon, & les autres un autre fon; ce qui s'accorde avec ce que nous avons dit de l'existence fimultanée des différens fors dans l'air. De même donc qu'une corde fonore, restant la même dans toutes fes circonftances, donneroit conftamment le même fon, de même un filet d'air & une fibre de l'oreille

femblent être destinés pour un fon déterminé, & toujours le même.

Ainfi, quand deux fons excitent des frémiffemens, foit dans l'air, foit dans l'organe de l'ouïe, chacun d'eux agit fur la fibre analogue à la fréquence de fes vibrations, & qu'on pourroit appeler fibre du même fon; chacun par conféquent fe tranfmet d'une maniere diftincte. Il arrive ainfi à ces fibres analogues, ce que l'on voit arriver aux cordes d'un clavecin ou même de tout autre corps fonore dont on prend le ton; en touchant une corde, l'on fait réfonner celle qui fe trouve à l'uniffon, nonfeulement fur le même inftrument, mais encore fur un autre placé à côté.

fi

Si l'on prend un nombre quelconque de verres à boire qui foient de même grandeur, de même figure & à l'uniffon, & que, les ayant remplis de liqueurs femblables ou différentes, on les mette proche les uns des autres, l'on vient à gliffer fortement le bout du doigt fur le bord d'un de ces verres pour lui faire rendre un fon, on verra trémouffer, nonfeulement la liqueur qui y eft contenue, mais

encore celle des autres verres.

Lorfqu'on parle à voix haute dans un magafin de verreries, dans une boutique de chau

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