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felon M. de Réaumur. Ces thermomètres, qui font les plus exacts de tous ceux qu'on a imaginés jufqu'à préfent, ont un défaut qui leur eft commun avec tous les autres ; c'eft que le verre de ces inftrumens fe dilate par la chaleur, & qu'alors la liqueur, aulieu de monter dans le tube, proportionnellement à la dilatation qu'elle éprouve, doit defcendre en partie: le contraire arrive quand il fait froid; il faudroit, pour corriger ce défaut, donner au verre, une figure qui fût telle que ce verre, en fe dilatant, n'augmentât pas en volume ou capacité, & ne diminuât pas en fe condenfant; mais ce moyen nous paroît peu pratiquable. Boerhaave en a bien propofé un autre, mais fi minutieux & fi fujet à erreur, qu'on y a

renoncé.

Le défaut que nous reprochons ici à tous les thermomètres mérite peu d'attention, en comparaison de celui-ci ; ils n'indiquent que la différence de température, tandis que, felon l'étymologie du nom qu'on donne à ces inftrumens, ils devroient exprimer les vrais degrés de chaleur, la chaleur abfolue. Pour que les thermomètres pûffent remplir ce fecond but, il faudroit que l'on eût déterminé 1o. le degré auquel il n'y a aucune chaleur dans la nature, ou le vrai zéro de l'échelle de ces

pas

inftrumens; 2o. un fluide indiquant, par des dilatations égales ou du moins conftantes, des différences égales de chaleur; de forte que fi, par exemple, on avoit déterminé au jufte le vrai zéro, le 48e. degré exprimât une chaleur double de celle qu'indique le 24°. degré : mais le degré du froid abfolu eft auffi impossible à déterminer que l'époque du repos abfolu; car, supposer dans la nature une ceffation totale de chaleur, c'eft fuppofer une ceffation de mouvement, puifque le mouvement paroît être la cause productrice de toute chaleur; il n'eft donné non plus aux Phyficiens de prononcer fur l'efpece de fluide qu'il faudroit employer dans la compofition des thermomètres. Il eft affez vraisemblable qu'il n'existe point de fluide dont des dilatations égales expriment des degrés égaux de chaleur, au moins n'en connoiffons-nous pas jufqu'à préfent; il eft cependant certain que le mercure eft de tous les fluides celui dont d'égales dilatations conviennent le mieux avec des augmentations égales de chaleur; que la loi des dilatations du mercure differe réellement peu de la loi de la vraie chaleur, & même fi peu, que ces loix peuvent être prifes l'une pour l'autre en bien des occafions; c'eft ce que M. de Luc a prouvé par une fuite d'admirables expériences, fur

l'exactitude defquelles il ne fauroit y avoir de doutes. On peut donc, en bien des cas, regarder les degrés du thermomètre à mercure comme s'ils exprimoient en effet les vrais degrés de chaleur, fans craindre de tomber en de grandes erreurs; mais toujours dans la fuppofition que le zéro de fon échelle n'eft pas fort éloigné du vrai zéro de la Nature: ce qui n'eft pas reçu de tous les Phyficiens.

mes,

Quoi qu'il en foit des défauts qui peuvent encore refter aux thermomètres, malgré les recherches des Phyficiens, ces inftrumens font très-utiles; leur ufage s'étend à la végétation, aux procédés chimiques, à la fanté des hom&c. c'eft par le moyen d'un thermomè tre qu'on parvient à régler le degré de chaleur convenable pour la confervation des plantes dans les ferres, pour celle des liqueurs & des fruits dans une étuve; c'eft par le fecours du thermomètre qu'on connoît le degré de chaleur propre pour faire éclore les poulets, les vers-à-foie, & qu'on décide de la température des bains, & de celle de l'air convenable dans la chambre d'un malade; on s'en fert encore pour comparer la chaleur des dif férentes eaux thermales, celle des eaux ordinaires, des huiles, des graiffes bouillantes, & des métaux fondus.

Avant l'invention des thermomètres, on ne défignoit les plus grands froids & les plus grandes chaleurs que par le fentiment & les effets qu'ils produifent fur, les corps, & les Hiftoriens n'ont parlé de ces grands froids que lorfqu'ils ont été affez confidérables pour faire mourir les hommes & les animaux, & geler les plantes & les arbres; quand les neiges ont été plus abondantes qu'à l'ordinaire; que les rivieres & quelquefois des endroits de la mer ont été glacés, comme dans les hivers des années 859 864 de l'Ere Chrétienne, pendant lefquelles la mer Adriatique fut gelée en partie, fuivant ce que rapporte Calvifius, favant Chronologifte: la même chofe arriva, selon Sydenham, en 1709.

Les premiers excès de froid, que l'on ait obfervés par le moyen des thermomètres, font ceux de 1695, 1709 & 1716. En rapportant ces degrés de froid au thermomètre de M. de Réaumur, le froid de 1709, à Paris, étoit de 15 degrés & demi au-deffous du terme de la congélation; celui de Leyde à 12 degrés; celui d'Iflande à 14, quoique dans une latitude beaucoup plus reculée. Pendant long-tems on ne connut pas de plus grands froids; &, comme on favoit que le froid eft ordinairement plus grand à mesure que les climats font

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plus voifins des pôles, on crut avoir un des plus grands froids qu'il fût poffible, en observant celui de 1709 en Islande.

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Cependant M. de l'Ile, de l'Académie Royale des Sciences de Paris, étant à Pétersbourg, le dans 27 Janvier 1733, 1733, obferva que, cette Ville, fituée à 59 degrés 56 minutes de latitude, fes thermomètres étoient defcendus à un point qui répond à 27 degrés au-deffous de la congélation dans celui de M. de Réaumur. Dans l'hiver de 1748, le thermomètre defcendit, dans le même lieu, à 30 degrés. Le 6 Janvier 1760, il defcendit à y grés, & remonta, au mois d'Avril, pour la premiere fois de l'hiver, à 15 degrés & demi qui eft le froid que l'on reffentit si vivement en France en 1709. L'hiver de 1781 fit éprouver, dans les pays du Nord, un froid trèsrigoureux; dès le mois de Novembre les rivieres étoient glacées, & la neige y fut trèsabondante; la température de Décembre fut humide & chaude; mais le froid revint fi fubitement que, les 6 & 7 Janvier, le thermomètre de M. de Réaumur defcendit, à Pétersbourg, à 36 degrés au-deffous du terme de la glace, & l'on trouva plufieurs perfonnes mortes de froid fur les chemins & dans les rues de cette Capitale : cet hiver avoit été ex

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