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fortir dans deux jours, non- feulement de Rome, mais de tout l'état eccléfiaftique. L'ambassadeur, qui avoit toujours foutenu avec beaucoup de fermeté la gloire de fon maître & l'honneur de fa nation, répondit fans s'émouvoir, qu'il étoit fort étonné d'une pareille fommation; que fans fe mettre en peine de fçavoir par quel motif le pape en agiffoit ainsi, il alloit dans l'inftant mettre ordre à les affaires, & qu'il n'abuferoit point du terme qu'on lui donnoit, puifque les terres de fa fainteté n'étoient pas d'une fi grande étendue, qu'il eût befoin de plus d'un jour pour en fortir: en effet, Pifani se retira auffi - tôt après.

pas

Le roi ayant été informé de cette conduite du pape, en témoigna fon chagrin : il s'en plaignit à tous les ambassadeurs des princes étrangers, & manda à Rome, qu'en toutes les cours du monde, on n'auroit fait à fon miniftre un pareil outrage, quand il y auroit eu déclaration de guerre; qu'il avoit très-poliment écrit au pape, avant que de défendre à fon nonce de paffer outre, pour le prier d'envoïer auprès de lui une perfonne qui ne lui fût pas fufpecte. Sixte répondit, que depuis la réception des lettres du roi de France, il avoit pressenti fon ambassadeur qui lui avoit témoigné que fon mattre confentiroit à la nonciature de l'archevêque de Nazareth. Qu'avant fon départ, il avoit déclaré au même ambassadeur, en préfence du cardinal d'Eft, que puifque fon nonce alloit en France de fon confentement, il prétendoit qu'on ne mît aucun obstacle à son voïage, & qu'en cas qu'on le traversât, il ne trouvât pas mauvais qu'il le fit fortir lui-même de

a

AN. 1585.

XXXII. L'affaire s'acconmode entre le pape & le roi.

Leti, vie de Sixte

V. t. 1. l. 6.

Rome, dès le premier avis qu'il en recevroit. Pifani ne AN. 1585. le nia pas; mais il n'en avoit point donné avis au roi. Il fallut donc en venir à la négociation. Sixte en chargea Horace Ruccellay, qui après s'être enrichi en De Thou 1. 82. France dans les gabelles,s'étoit depuis retiré à Rome: il y eut beaucoup d'allées & de venues pour l'accommodement. Les princes & les miniftres de la cour de France exhortoient le roi à fe relâcher un peu pour adoucir l'efprit du pape, & le cardinal dÊft, qui s'étoit adroitement mêlé de l'accord avec d'autres cardinaux, fit conclure que le marquis de Pifani retourneroit à Rome, que le pape lui feroit une efpéce de fatisfaction au fujet de ce qui s'étoit paffé, & que de fon côté fa majefté agréeroit le nonce qui avoit été nommé. L'archevêque de Nazareth fe rendit done à la cour, où il fe comporta avec beaucoup de modération malgré fa vivacité naturelle, & contre l'attente du roi, qui craignoit que ce nonce ne favorisât trop ouvertement la ligue.

XXXIII.

Bulle du pape

Ce démêlé fut peu de chofe, en comparaifon de l'extrémité à laquelle fe porta le même le même pape contre le roi de Navarre Henri roi de Navarre & le prince de Condé. Ce

qui excommunie

& le prince de Condé.

1. 1. p. 8.

Mém. de la li

343. & fuiv.

le

que

Maimbourg,hift. pere Mathei Jesuite, n'avoit pû obtenir de Gréde la ligue, in-4. goire XIII. après tant de voïages à Rome, fut enfin Journal de Hen- accordé par Sixte V. Ce pape ne fe vit pas plutôt éleri lll. t. 1. p. 78. vé fur le trône de l'églife, qu'il confirma autentigue in 8. t. 1. f. quement la ligue, & fulmina en plein consistoire la plus foudroyante de toutes les bulles contre le roi de Navarre & le prince de Condé, tous deux chefs du parti Calvinifte en France. Cette Bulle fignée de vingt-cinq cardinaux, fut expédiée le 9. de Septembre, & fut rendue publique à Paris fur la fin dù mê

me mois. Le pape, après un préambule dans lequel il releve fort au-deffus des bornes légitimes, la puiffance & l'autorité pontificale, ajoute, que le devoir de fon miniftere l'avoit obligé de s'armer du glaive apostolique contre deux enfans de colere.

pas

Il fe déchaîne enfuite contre ces deux princes, & commençant par le roi de Navarre, il rappelle l'abjuration qu'il avoit faite de l'héréfie dans l'églife cathédrale de Paris, fur les remontrances réitérées de Charles IX. de la reine mere, du cardinal de Bourbon & du duc de Montpenfier; l'aveu qu'il avoit fait de n'être dans le chemin de la vérité; fa députation au pape Gregoire XIII. pour le reconnître en qualité de chef de l'églife, & le prier de ratifier fon abjuration ; l'abfolution qui lui avoit été accordée, parce qu'on le croioit changé de bonne foi; enfuite fon apoftafie,fon renoncement à la religion Catholique, sa soustraction de l'obéiffance du faint fiége, & fa profeffion ouverte du Calvinisme, dont il s'étoit déclaré le chef. Il ne fe récrie pas moins contre le prince de Condé, qui après avoir auffi embraffé la religion Catholique, & avoir éprouvé comme l'autre la clémence du faint fiége, avoit fait entrer en France des armées étrangeres d'hérétiques, pillé les églifes, égorgé ses miniftres, & mis en leurs places les faux Docteurs de la fecte impie qu'il profeffoit. Après cette véhémente déclamation, le pape profcrit ces deux princes comme hérétiques, relaps, fauteurs d'hérétiques, défenfeurs publics & notoires de l'héréfie, ennemis de Dieu & de la religion. Déclare le roi de Navarre déchû de tous fes droits fur cette partie du roïaume de Navarre fur laquelle il avoit des prétentions, & même fur la

AN. 1585.

principauté de Bearn dont il jouiffoit ; en forte que AN. 1585. ce prince, conjointement avec celui de Condé, devoient être dans ce moment régardés comme privés de tous les droits & priviléges attachés à leur rang, incapables de fuccéder à aucune fouveraineté, & particulierement à la couronne de France; & leurs fujets abfous du ferment de fidélité, & par-là difpenfés de leur rendre aucune obéiffance. Enfin, le pape ordonnoit à tous les archevêques & évêques, de faire publier cette bulle dans leurs diocefes.

XXXIV. Comment cette

France.

gé ch. t. 3. in 4. p. 314,315.

Elle fut publiée & affichée dans Rome le 21. de buille fut reçue en Septembre, enfuite envoïée à l'empereur, que fa De Thou, 1. 82. fainteté prioit d'emploïer fon autorité pour empêMezerai, abre cher que les princes Proteftans n'en arrêtafsent l'exécution; mais fa majefté impériale n'y eut pas beaucoup d'égard. En France les ligueurs furent tranfportés de joie, leurs prédicateurs fe déchaînerent avec la derniere violence contre les deux princes, comme contre des excommuniés, & n'oublierent rien pour rendre Henri III. odieux, en faisant entendre au peuple, qu'il favorifoit fous main le roi de Navarre & fon parti.Mais les bons Catholiques qui n'entroient pas dans les vûes des factieux, gémiffoient de voir un vicaire de Jefus-Chrift, qui ne doit refpirer que la douceur & la modération, abuser de fa puiflance, l'emploïer à déposer des rois, & empêcher par les cenfures & par les foudres de l'églife, que leurs fujets ne leur rendent l'obéiffance qu'ils leur doivent. On auroit voulu que le roi de France eût fait de cette bulle le même ufage que Charles IX. avoit fait vingt-trois ans auparavant, de celle que Pie IV. avoit donnée contre la reine Jeanne

d'Albret, mere du roi de Navarre, qui fut révoquée, & fi bien fupprimée, qu'on ne la trouve point au- AN. 1585. jourd'hui dans le recueil des conftitutions de ce

pape.

& fi

Le parlement de Paris fit fur cette bulle de Sixte V. de très-fortes remontrances au roi, dignes de la fageffe & de la fermeté que ce célebre corps a fait éclater dans toutes les occafions, où il s'agiffoit de maintenir les droits de la couronne & les libertés du roïaume. Il y difoit pour conclufion, que la cour avoit trouvé le ftile de cette bulle fi nouveau, éloigné de la modération & de la fageffe des anciens papes, qu'elle n'y reconnoiffoit en aucune maniere la voix d'un fucceffeur des Apôtres, & que comme il ne voïoit point par fes regiftres ni dans toute l'antiquité, que les princes du fang de France euffent jamais été sujets à la juftice du pape, il ne pouvoit délibérer fur ce fait, qu'auparavant fa fainteté n'eût fait connoître le droit qu'elle prétendoit avoir dans la translation des roïaumes qui étoient établis de Dieu, avant qu'on connût le nom de pape. feiller dit que cette bulle étoit fi pernicieufe au bien de toute la chrétienté, & à la fouveraineté de la couronne de France, qu'elle ne méritoit d'autre traitement que celui qui fut fait par un roi de France à la bulle qu'un des prédéceffeurs de Sixte V. lui avoit envoïée, qui étoit de la jetter au feu, & d'enjoindre au procureur général de faire une exacte & diligente perquifition de ceux qui en avoient pourfuivi l'expédition en cour de Rome, pour en faire fi bonne justice, qu'elle pût fervir d'exemple à toute la postérité. Le roi de Navarre y joignit auffi ses remon

Un con

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