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foleil pour en difpofer comme il le jugeroit à propos AN. 1585. en faveur de la ligue. On fit deux copies de ce traité: l'une devoit rester entre les mains du roi d'Espagne, qui feroit obligé de le ratifier dans le mois de Mars fuivant, auffi-bien que les ducs de Mercœur & de Nevers, & d'en délivrer un acte qu'ils auroient signé & fcellé de leur fceau. Le cardinal de Bourbon, & les autres princes liguez, devoient garder la feconde copie.

Ce traité ne demeura pas long-tems fecret : le roi de France donnant audience aux députés des états de Flandres, qui venoient le prier d'accepter la fouveraineté de leurs provinces, Bernardin de Mendoza prit dans cette audience le parti du roi d'Espagne, qui prétendoit à la même fouveraineté : & fur ce que le roi montroit, qu'il ne pouvoit avoir égard à fes raifons, Mendoza fe retira, & écrivit auffi- tôt au duc de Guife, pour le preffer de fe déclarer, & de prendre en main la défense de la religion de fes peres. Ce dernier coup auroit achevé de déterminer le duc, qui n'étoit déja que trop porté à fe déclarer, fi le traité de la ligue eut été autorifé par le fouverain pontife. L'on y travailloit àRome : mais quoique le pere Matthei Jésuite,en eût porté le plan & les mémoires au pape, & que le cardinal de Pellevé foutenu des cardinaux Efpagnols, emploïât tous fes foins pour obtenir une bulle de confirmation de la ligue, Grégoire XIII. craignoit de fe déterminer : il croïoit s'appercevoir, que les deffeins des liguez n'étoient auffi pas purs, qu'ils vouloient le faire entendre, & les cardinaux avec qui il en conféra, le fortifierent dans fon doute, qui étoit d'ailleurs très-bien fondé.

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Négociation au près du pape pour ver la ligue. guerres civiles

lui faire approu

des

Davila hiftoire

de France, liv. 7. hoc anno.

Ainfi il crut devoir fe contenter de faire espérer aux AN. 1585. ligueurs, qu'il pourroit leur donner fon approbation, & de les exhorter de veiller toujours en attendant, au bien de la religion, & à l'extirpation de l'héréfie.

IV.
Le duc de Gui-

& le cardinal de

un manifefte.

7 3.

Spond, hoc anno

Davila, 1.7.

Le duc de Guife, dont l'impétuofité & l'ambition fe prend les armes, ne s'accommodoient point de ces irréfolutions, ne Bourbon publie Crut pas devoir attendre plus long-tems. Il se déclara De Thou, l. 81. Ouvertement pour empêcher le Roi de porter la guerre en Flandres : il leva des troupes en diligence, & fe mit à la tête de la nobleffe de Champagne & de Bourgogne, avec le duc de Mayenne fon frere, & le duc d'Elbœuf. Dans le même tems, le cardinal de Bourbon se retira dans le château de Gaillon près de Rouen, où les députez de la noblesse de Picardie, qui avoit figné la ligue neuf ans auparavant, vinrent le trouver, & le conduifirent à Peronne. Ce fut de cette ville qu'il publia un manifeste le premier d'Avril, dans lequel il fe plaignoit, que depuis. vingt-quatre ans que l'héréfie avoit jetté de profondes racines dans le roïaume; on n'y avoit point apporté les remédes convenables. Que le roi n'aïant aucun fils pour lui fuccéder, & ceux qui se flattoient d'être les plus proches de la fucceffion à la couronne, aïant lâchement abandonné la vraie religion, & s'étant par-là rendus indignes de la couronne, il étoit réfolu, comme premier prince du fang, & cardinal de la fainte église Romaine, & fuivant les avis des autres princes du fang, des cardinaux, des pairs & grands feigneurs, évêques, gouverneurs de provinces, nobles, villes & communautez, qui faifoient la plus faine partie du roïaume, de rétablir l'an

cienne religion, d'extirper entiérement l'héréfie, de rendre à la nobleffe fa premiere dignité, de AN. 1585. foulager le peuple des impôts dont il étoit accablé depuis la mort de Charles IX. & d'élever l'autorité des Parlemens abbaiffée, & pour ainfi dire, anéantie par les courtifans. Que c'étoient les feules raifons qui l'avoient obligé de prendre les armes, & qu'il ne les poferoit point, que le tout ne fût entiérement exécuté : Que l'on efpéroit que, puisqu'il s'agiffoit de la religion & du falut des peuples, le roi approuveroit leur entreprise, ou qu'au moins il ne s'y oppoferoit point.

Dans le même tems que ce manifeste se répandoit, le duc de Guise se rendit maître au nom de la ligue des villes de Toul & de Verdun, & il fe feroit auffi emparé de Metz, fi le duc d'Epernon ne l'eût arrêté dans fes progrès. Henri III. au lieu de s'oppofer en roi à ces premiers fuccès, fe contenta de faire publier un édit le 9. de Mars, par lequel il diminuoit les impôts de deux cens cinquante mille écus, & défendoit de faire des levées de gens de guerre fans fon ordre exprès. Il envoïa cependant peu après un ordre à fon ambaffadeur en Suiffe de lui lever des troupes, & Schomberg fut chargé de la même commiffion en Allemagne : mais il fut arrêté en chemin, & conduit à Verdun. Henri III. ne montra pas moins de foibleffe, lorfqu'il eut reçu le manifefte du cardinal de Bourbon: il sembla oublier qu'il étoit fouverain, pour ne prendre dans fa réponse que le titre & les airs d'un fuppliant. Il fe reconnut coupable, il conjura ceux qui étoient à la tête des factieux de mettre les armes bas, & les affura qu'ils trouve

Le roi s'oppofe foiblement au progrès de la làDavila, 1.7.

gue.

De Thou, 1.85.

AN. 1585.

VI.

La reine mere

tion avec le duc

de Guife.
De Thou. 1. 81.

roient dans fa clémence & dans fa bonté, tous les avantages qu'ils efperoient en vain de fe procurer par la guerre. Cette conduite du roi enhardit les liguez, & donna lieu au duc de Guife de fe faifir de plufieurs villes.

Mais comme malgré fes conquêtes, il ne laiffoit entre en négocia- pas de faire répandre par les émisfaires, qu'il n'étoit pas éloigné d'en venir à un accommodement, le roi chargea la reine fa mere de l'aller trouver. Elle se rendit dans l'abbaïe d'Epernai fur la Marne, suivie de beaucoup de feigneurs, les conférences durerent affez long-tems : les ligueurs ne tâchoient qu'à prolonger la négociation, pour avoir le tems d'affembler toutes leurs forces. Le roi vouloit avant toutes chofes que la ligue défarmât, & les amis du duc de Guife protefterent qu'ils ne quitteroient point les armes, qu'on n'eût déclaré la guerre aux Protestans & que fa Majefté n'eût rendu une déclaration fur ce fujet, qu'elle jureroit de faire obferver par tous les grands de fon roïaume,

que

Henri III. embarraffé fur le parti qu'il avoit à prendre, confulta François de Noailles, évêque d'Acqs, célébre par fes Ambaffades. Ce prélat lui fit voir ce n'étoit, ni le zéle pour la confervation de la religion, ni l'amour du bien public qui causoient ceș nouveaux troubles, mais l'ouvrage de quelques hommes ambitieux, qui ne voïant rien d'affez relevé pour fatisfaire leurs défirs infatiables, n'avoient pour but que de fe donner, en femant la divifion dans le roïaume, une autorité qu'ils ne pourroient fe flater d'obtenir, fi l'état étoit tranquille, & qui, fi Dieu n'arrêtoit le cours de leurs pernicieux projets, vou

droient

droient par-là fe fraier un chemin pour monter un jour jufques fur le trône : il ajouta, que pour éviter AN. 1585. la guerre civile qui menaçoit le roiaume, il falloit accepter l'offre des députez des états généraux : mais le roi refufa de fuivre cet avis.

VII. Manifefte du roi

gion.
Spond. boc anno

juftifier fa reli

De Thou, l. 81.

5.

". s.

Davila, hifloire

des guerres civi

les, 1.7.p. 488.

Mém. de la li

gue, t. 1. p. 192.

& fuiv.

Dans le même tems, le roi de Navarre qui étoit à Bergerac, & qui fe voioit traité d'hérétique relaps, de Navarre pour d'ennemi de l'église & des Catholiques, & de perturbateur du repos public, prétendit fe juftifier par un manifefte qu'il rendit public : il y nioit d'abord qu'il fût ni hérétique, ni relaps, ni ennemi de l'églife. Il proteftoit qu'il croioit fermement tout ce qui eft contenu dans l'ancien & le nouveau teftament, dans le symbole des Apôtres, dans les écrits des anciens peres, & dans les premiers conciles:. qu'il croioit qu'il étoit permis à un chacun de fuivre le parti que fa confcience lui feroit croire le meilleur, jufqu'à ce qu'un concile libre & convoqué légitimement eût prononcé au fujet des articles conteftez: Qu'on avoit tort de prétendre que le concile de Trente eût décidé ces conteftations, puifqu'il n'avoit été ni convoqué ni terminé légitimement, qu'on n'y avoit eu aucun égard aux demandes des ambaf-: fadeurs de France: Que ce qu'on lui reprochoit d'avoir changé de religion après le maflacre de la faint, Barthelemi, après avoir envoie fon abjuration au pape, ne méritoit point de réponse; que tout le monde fçavoit très-bien qu'il avoit abjuré étant prifonnier, & qu'il y avoit été forcé. Il effaïoit par de. semblables raisons, de montrer qu'il n'étoit pas ennemi de l'églife, ni perturbateur du repos public, & donnoit un démenti formel à tous ceux qui l'en Tome XXXVI.

1

B

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