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tis: auffi veut-il que la mort & l'enfer foient cet étang AN. 1595. de feu dont parle faint Jean dans le chapitre 20. de l'Apocalypfe. Sa raifon eft, qu'il feroit abfurde de dire que Dieu puniffe éternellement des péchés qui ne font point éternels & infinis, & qu'il fe mette continuellement en colére contre de viles créatures. De plus: que les juftes jouiront de la gloire avec Dieu;que les impies feront anéantis, & que par-là étant privés de la gloire pour toujours, auffi fouffriront-ils toujours. Sur l'églife,il dit, que celle qu'on nomme église visible, n'a pas toujours subsisté, & qu'elle ne subfiftera pas toujours. Qu'il n'y a pas de marques diftinctes & certaines qui puiffent nous désigner certainement la véritable églife. Qu'on ne doit point attendre de l'église la doctrine de la verité divine, & que perfonne n'eft obligé de chercher ou d'examiner quelle eft cette église véritable. Que l'église est entiérement déchûe, mais qu'on la peut rétablir par les écrits des Apôtres. Que ce n'eft point le caractère de la véritable églife, de condamner tous ceux qui ne font point de fon fentiment, ou d'affurer que hors d'elle il n'y a point de falut. Que l'églife Apoftolique eft celle qui n'erre en rien, quant aux chofes néceffaires au falut, quoiqu'elle puiffe errer dans les autres points de la doctrine, & qu il n'y a que la parole de Dieu qui puiffe nous déterminer les points fondamentaux du falut. Que l'Antechrift a commencé à régner, dès que les pontifes Romains ont commencé leur régne; & que c'eft alors que les loix de Chrift ont commencé à décheoir, & que l'on a substitué l'idolâtrie au véritable culte. Que quand J. C. dit à S. Pierre: Vous êtes Pierre, & fur cette pierre je bâtirai

mon églife,il n'a rien promis ni donné à faint Pierre, que ce qu'il a promis & donné aux autres Apôtres. Qu'il eft inutile & ridicule de vouloir affurer fur les paroles de Jefus-Chrift: Que les portes de l'enfer ne prévaudront jamais contre l'églife, qu'elle ne peut être féduite & renverfée par les artifices du démon; que le fens de cette promeffe eft, que l'enfer ou la puiffance de l'enfer ne prévaudra jamais fur ceux qui font véritablement Chrétiens: c'eft-à-dire, qu'ils ne demeureront pas dans la condition des morts. Que les clefs que Jefus Christ a données à saint Pierre, ne font autre chofe qu'un pouvoir qu'il lui a laiffé de déclarer & de prononcer qui font ceux qui appartiennent au royaume des Cieux, & ceux qui n'y appartiennent pas;c'eft-à-dire,qui font ceux qui appartiennent à la condition des Chrétiens, & chez qui Dieu veut demeurer dans cette vie par fa grace,& dans l'autre vie ou dans le ciel par la gloire éternelle dont il les

comblera.

Sur la difcipline, & fur la morale, fes opinions & fes errreurs font, entr'autres ; que Luther, Zuingle, Oecolampade, Calvin, & tous les chefs de la prétendue réforme,ont ruiné la foi que l'on doit aux conciles généraux, & même celle qui eft dûe au concile de Nicée. Qu'il n'eft pas permis à un Chrétien de faire la guerre, ni même d'y aller fous l'autorité & le commandement d'un prince, ni même d'employer l'affistance du magiftrat, pour tirer vengeance d'un affront qu'on a reçu. Que faire la guerre, c'eft toujours mal faire, & agir contre le précepte de Jefus-Chrift. Que Jefus-Chrift a défendu les fermens qui fe font en particulier, quand même ce

AN. IS95.

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AN. 1595.

a

feroit pour affurer des chofes certaines. Il ajoute, pour modifier fon opinion, que fi les choses étoient de conféquence, on pourroit jurer. Qu'un Chrétien ne peut exercer l'office de magiftrat, fi dans cet emploi il faut ufer de violence, (ce qui arrive toujours, puifqu'il faut châtier le vice, & réprimer les méchans.) Que les Chrétiens ne peuvent donner cet office à qui que ce foit. Qu'il n'eft pas permis aux Chrétiens de défendre leur vie, ni celle des autres, par la force, même contre les voleurs & les autres ennemis, s'ils peuvent la défendre autrement; parce qu'il eft impoffible que Dieu permette qu'un homme véritablement pieux, & qui fe confie à lui avec sincérité, fe trouve dans ces fâcheuses rencontres où ́il veuille fe conferver aux dépens de la vie du prochain. Que le meurtre qu'on fait de fon agresseur est un plus grand crime que celui qu'on commer en se vengeant, car dans la vengeance on ne rend que la pareille;mais ici, c'eft-à-dire, en prévenant fon voleur ou fon ennemi, on tue un homme qui n'avoit que la volonté de faire peur, afin de voler plus aifément. Que les miniftres, les prédicateurs, les docteurs, & autres, n'ont pas befoin de miffion, ni de vocation. Que ces paroles de faint Paul: Comment pourrontils prêcher, fi on ne les envoye? ne s'entendent pas de toutes fortes de prédications, mais feulement de la prédication d'une nouvelle doctrine, telle qu'étoit celle des Apôtres, par rapport aux Gentils. On rapporte à cette année l'inftitut des religieux ligieux pénitens, Pénitens du tiers-ordre de faint François. Ce n'étoit dits Piquepuces. dans les commencemens qu'une affemblée de perdes ord. relig. fonnes féculieres de l'un & de l'autre fexe, qui forme

ILXIV.

Inftitut des re

Herman, hift.

AN. 1595

Fr. Mar. Veronn.

1 cifci.

aujourd'hui un ordre religieux divifé en vingt-quatre provinces, dont il y en a feize en Italie, & une en Flandres. Celles ci dépendent d'un général parti- annalib. tertii orculier qui fait sa résidence à Rome. Les religieux qui dinis fanéti Franlui font foumis font habillés comme les conventuels, & ne font différens d'eux que par la mozetté ou camail qui eft en pointe, & par un chapeau noir, Ceux d'Efpagne & de Portugal qui ont trois provinces font vêtus comme les Cordeliers, & font foumis au général de tout l'ordre de faint François, auffi-bien que ceux de France, qui fe difent de l'étroite obfervance, ces derniers ont quatre provinces dans le royaume, qui compofent foixante-trois maisons. Leur habit eft d'une étoffe brune à peu près comme celle des Capucins,leur capuce eft rond & ne tient point à l'habit, leur corde noire & leurs fandales de bois affez hautes. Un religieux nommé Vincent. Massart ou Maffare, Parifien, commença cette réforme en cette année 1595. Son premier monastére fut bâti au village de Franconville entre Paris & Pontoife, & le fecond à Paris au bout du fauxbourg faint Antoine dans le lieu appellé Piquepuce, d'où ces religieux ont été nommés Piquepuces par le peuple. Les Capucins, & après eux les Jéfuites de la maifon profeffe dite de S. Louis,avoient fait leur premiere demeure dans le même lieu, qu'ils abandonnerent, fe trouvant trop éloignés de la ville. L'église qu'on y voit à préfent fut commencée en 1611. & ce fut le roi Louis XIII. qui y pofa la premiere pierre. Quoique ce monaftére ne foit que le fecond de l'inftitut, il en a toujours été néanmoins regardé comme le premier, foit parce qu'il fe trouve, pour

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ainfi dire, dans la capitale, foit parce qu'il eft de AN. 1595• fondation royale. Le vrai nom de ces religieux est celui de Freres Pénitens du tiers-ordre de S. François, Il y a des monaftéres de filles du même ordre, & l'on en compte environ quinze en France: celui de fainte Elifabeth à Paris près le temple, est un des plus confidérables.

LXV. Molina fait paroître fon livre de

La concorde. Troubles qu'il excite.

Hift.cong.de aux. 1. 1. c. 13.

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Dès 1588. on avoit imprimé à Lifbonne un ouVrage du pere Louis Molina, Jésuite, qui ne tarda pas à occafionner de grandes difputes. Ce livre écrit en latin étoit intitulé: Concorde de la grace, & du libre arbitre. Comme le fentiment de la prédétermi nation physique y étoit fort maltraité, Dominique Bannez, fçavant Dominiquain, attaqua ce livre, prétendant qu'il renouvelloit les dogmes erronés profcrits depuis. peu par l'inquifition générale de Caftille, dans la condamnation des propofitions du pere Montemajor, Jéfuite, en 181, mais Molina avoit eu la précaution de faire approuver fon livre

par
le pere Ferreira, Dominiquain, cenfeur des
livres, & fur cette approbation donnée avec élo-
ge, il avoit obtenu du grand inquifiteur de Portu-
gal la permiffion de le faire imprimer avec un privi-
lége du confeil de Caftille & d'Arragon. Le cardi-
nal Albert, archiduc d'Autriche, frere de l'empe-
reur Rodolphe, & alors viceroi de Portugal étant
uni de parenté & d'alliance avec François de Borgia,
qui avoit été général de la fociété, protégeoit les
Jéfuites,& en particulier Molina, chez qui les plain-
tes de Bannez ne firent aucune impreffion; mais
l'affurance dans laquelle il paroiffoit, n'empêcha pas
que plufieurs ne combatiffent fon livre & fes fenti-

mens

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