Imágenes de páginas
PDF
EPUB
[ocr errors]

SCENE XIIL

MOMUS, VENUS.

VENUS à part.

'Ai vû de loin Junon qui me cherchoit, je

[merged small][ocr errors][merged small]

Venus réve4aime-t-elle ? non, fa réverie a plûtôt l'air d'une réflexion que d'un fenti

ment.

VENUS toûjours fans voir Momus;

Quel oracle gênant on m'a prononcé ! le Deftin m'ordonne de me choifir moi-même un Epoux, & il ne me donne qu'une heure pour me déterminer !

MOMUS apart.

Elle refte long-tems feule! cela m'étonne, Une aimable Coquette doit-elle avoir le loifir de réver?

VENUS à part.

[ocr errors]

Tous les Dieux foûpirent pour moi & ne m'attendriffent pas. Je les écoute tous depuis Jupiter jufqu'à Vulcain; cela m'amufe; je perdrai ce plaifir-là fi je me marie... Peutêtre, Cela dépendra du choix que je ferai. Qu'il eft embarrallant ce choix ! qu'il m'attriste! je ne fçai pas encore quel Epoux j'aurai, & cependant il me déplaît déja.

MOMUS l'abordant.

L'avez-vous nonmé?

VENUS.

Qui?

MOMUS.

Votre mari.

VENUS.

Helas!

MOMUS,

A-t-on jamais foûpiré au mot de mari? quel le incongruité! parlez-moi franchement vous choifirez Mars?

VENUS.

Me confeillerez-vous de prendre un mar qui n'auroit que l'hiver à donner à fa femme? MOMUS.

L'année n'eft pas trop longue au Calendrier d'une jeune Epoufe. Et dites-moi un peu, préfererez-vous pas Apollon? c'eft un blondin... VENUS.

Il m'affadit... ouf.

MOMUS.

Quoi l'idée feule du Dieu du Parnasse vous fair bailler?

VENUS.

Eh! ne voyez-vous pas que c'eft Junon qui me vient relancer jufqu'ici.

SCENE XIV.

MOMUS, VENUS, JUNON.

MOMUS à part.

L y aura ici quelque procès de ma compé tence, Junon regarde attentivement Venus; je parie que Junon penfe à Jupiter.

JUNON.

Eh bien Déeffe, avez-vous choisi un Epoux VENUS.

Pas encore.

JUNON aigrement.

Pas encore! pas encore ! quelle lenteur ! j'en pénetre la cause.

VENUS.

La caufe de ma lenteur n'eft-elle point la caufe de votre vivacité à

JUNON plus aigrement.

Vous plaifantez? Vous feriez mieux de me demander mes fentimens fur votre conduite, VENUS. Vos fentimens ? je les fçai.

JUNON très-aigrement.

Et qui a pû vous en inftruire?

VENUS.

Votre ton de voix,

JUNON encore plus aigrement. Mon ton de voix! mon ton de voix !

MOMUS à part.

Qu'il eft tendre & touchant !

JUNON.

Mon ton de voix vous a donc dit que je vous confeillois d'époufer quelque Dieu marin, &

d'aller

1

[ocr errors]

'd'aller au plus vite habiter fous les ondes avec les Tritons & les Marfouins,

MOMUS bas.

Elle met Venus en bonne compagnie.
JUNON.

Finiffez, finiffez tout ce commerce de coquetterie qui étoit inconnu dans le monde avant votre naiffance. Car fçachez qu'avant votre naiffance toutes nos Déeffes étoient prudes..

VENUS.

Elles étoient donc bien ennuieuses.

JUNON.

L'efprit feul regnoit dans nos converfat

tions.

MOMUS.

Et que faifoit le coeur ?

JUNON.

Il écoutoit les leçons de l'esprit. On le nour riffoit dans nos cercles de bonnes & longues differtations fur l'eftime, fur la délicateffe, fut le respect...

VENUS.

Que d'opium! le cœur n'en crevoit-il pas ?
JUNON.

Le cœur ! on lui fervoit de ces Romans pudiques où la paffion la plus vive n'arrivoit à fon but qu'après avoir franchi douze gros Tomes... Vous les avez furieusement abregez! MOMUS.

Pour la commodité des Lecteurs,

JUNON.

Tenez, demandez à Momus ce qu'on dit de la vie que vous menez. Parlez Momus, parlez, MOMUS à part.

Elle me veut mettre de moitié de ses média fances; quelle generokté!

D

[blocks in formation]

Il est bien queftion de cela.
MOMUS.

De grace augufte Junon, écoutez une fableque j'ai compofée, le fait eft de votre compétence, y peins le mérite d'un chien. ́

[ocr errors]
[ocr errors]

JUNON.

Voilà un fort fot compliment.

MOMUS.

C'eft une galanterie de Fabulifte. Vous ignorez donc que je le fuis devenu ? oh! bien, je vais vous le prouver par un apologue des plus modernes. Il eft intitulé la Levrette coquette.

JUNON à part.

La Levrette eoquette ! je crois deviner fon deffein. (Haut.) Contez-nous, Memus, consez-nous l'aventure de votre Levrette.

VENUS touchant à fes cheveux & fe mirant. Oui, contez, tandis que je racommode ma coeffure.

MOMUS à part.

Voilà l'attention des Déeffes quand on leur parle de morale.

JUNON.

Dépêchez-vous donc, je féche, je fêche.
MOMUS.

Je vais commencer. Mes Dames, faites moi l'honneur de vous taire fi vous le pouvez..

« AnteriorContinuar »