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ve des circonstances remarquables dans la fondation de ces églifes. Premierement, ceux qui entreprenoient d'y travailler prenoient toûjours la miffion du pape au lieu que dans les premiers tems, chaque évêque fe croyoit en droit de prêcher aux infideles de fon voifinage. Mais il faut croire que la miffion du pape étoit alors neceffaire, pour lever divers obftacles: comme en effet je vois que faint Boniface eut à combattre des prêtres acephales & dereglez répandus dans l'Allemagne, qui ne hiß. liv.x11.. reconnoiffoient l'autorité d'aucun évêque. Je trouve auffi que ce faint 46. 47, 48. martyr ne negligea pas la protection temporelle de Charles Martel &

hift. liv. XLVIL

22.7 31.

de Pepin pour empêcher que cette église naiffante ne fut étoufée des le berceau. Je vois dans la fuite que les miffions femblables continuerent d'être appuiées par les princes: comme celle de Saxe par Charlemagne, celle de faint Anfcaire en Danemarc & en Suede par Louis le debonnaire & par les rois du païs; & ainfi des autres à proportion. Ce fecours étoit fans doute neceflaire chez de telles nations: mais les conversions des premiers fiecles faites par pure perfuafion étoient plus folides. Comme on ne concevoit pas qu'une églife put fubfifter fans évêque, le pape en donnoit toûjours la dignité à celui qu'il faifoit chef d'une telle miffion: foit qu'il le facrât lui-même, foit qu'il lui permit de fe faire facrer par d'autres. Mais il le faifoit évêque d'une telle nation en general, comme des Saxons ou des Sclaves : laiffant à fon choix de fixer fon fiege au lieu qu'il jugeroit lé plus commode: car on n'avoit pas encore inventé la formalité des titres in partibus. Le pape donnoit à ce premier évêque le pallium avec le titre & les pouvoirs de métropo litain; afin que quand le nombre des fideles feroit augmenté, il put liv. xxx. n. 37. facrer des évêques pour être fes fuffragans, qui lui donnaffent des fucceffeurs, fans recourir à Rome : vous en avez vû plusieurs exemples dans cet- XLII n. 52. LVI.

te hiftoire.

Pour affermir ces nouvelles églifes, on y fonda dés le commencement des monafteres, comme Fulde prés de Mayence, Corbie en Saxe, Magdebourg qui devint métropole. C'étoit les feminaires où on élevoit des enfans du pais, pour les inftruire de la religion & des lettres, les former à la vertu & les rendre capables des fonctions ecclefiaftiques. Ainfi en peu de tems ces églifes furent en état de fe foûtenir elles-mêmes, fans avoir befoin de fecours étrangers. Les moines furent utiles à l'Allemagne même pour le temporel : par le travail de leurs mains, ils commencerent à défricher les vaftes forêts, qui couvroient tout le païs; & par leur induftrie & leur fage economie, les terres ont été cultivées, les ferfs qui les habitoient fe font multiplicz; les monafteres ont produit de groffes villes, & leurs dépendances font devenuës des provinces.

liv. XLI. n. 36.

n. 2. 17.

Il eft vrai que ce foin du temporel n'a pas été avantageux au fpirituel dans ces églifes naiffantes: on s'eft trop preflé de les enrichir, Lamb.Schaf.an particulierement par l'éxaction des dîmes. Vous avez vû la revolte de 1073.

Turinge pour ce fujet contre l'archevêque de Mayence, celle de Po- bist liv. 1x1.n. logne, celle de Danemarc qui fut caufe du martyre du roi faint Canut. 17.1X11.». 37.

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On devoit ce femble avoir plus d'égard à la foibleffe de ces nouveaux Chrétiens, & craindre de leur rendre la religion odieuse. Je m'étonne encore qu'on n'ait pas eu la condefcendance de leur permettre l'ufage de leur langue vulgaire, dans les prieres & dans les lectures publiques, v. Maur's Chr. Comme on faifoit dans les premiers fiecles. Car vous avez vû que l'on fe fervoit dans les offices de l'églife de la langue la plus ufitée dans chaque païs : c'est-à-dire du latin dans tout l'Occident, du grec dans tout l'Orient, excepté les provinces les plus reculées, comme la Thebaïde où l'on parloit Egyptien, la haute Syrie où l'on parloit Syriaque, enforte que les évêques mêmes n'entendoient point le grec, comme on voit au concile de Ĉalcedoine dans les procedures faites contre Ibas, & dans les réponfes de l'abbé Barfumas qui ne parloit que Syriaque. Voyez auffi les foufcriptions du concile tenu à C. P. fous Mennas. Les Arnieniens font

Att. 10. p.637.

668.

Hift. liv.xxvII.

1. 21.22. 40. XXVIII, 2.18.to. S. conc.p 91.

Hift, l, xxx. n. 24.25.

de div. Off.c.

poffeffion de tout tems, de faire l'office divin en leur langue. Si les nations étoient mêlées, il y avoit dans l'églife des interpretes pour expliquer les lectures. Saint Procope martyr, au rapport d'Eufebe, faifoit cette fonction à Schytopolis en Palestine. Dans le même païs, fur la fin du cinquiéme fiecle faint Sabbas & faint Theodofe avoient en leurs monafteres Enf. de Mar.c.6 plufieurs églifes, où les moines de diverses nations faifoient l'office en leur langue. Quant aux nations Germaniques, Valafrid Strabon, qui écrivoit au milieu du neuviéme fiecle, témoigne que les Goths dés le commencement de leur converfion avoient traduit en langue Tudefque les livres facrez, & que de fon tems il s'en trouvoit des exemplaires. Ce devoit être la verfion d'Ulfila, dont on a encore les évangiles. Valafrid ajoûte, que chez les Scythes de Thomi on celebroit les divins offices en la même langue. Depuis que les Goths, les Francs & les autres peuples Germaniques fe furent répandus dans les provinces Romaines, ils fe trouverent en fi petit nombre, en comparaifon des habitans, qu'il ne parut pas neceffaire de changer pour eux le langage de l'églife: mais quand on porta la foi dans les païs où leur langue étoit dominante, ou plûtôt unique, il femble qu'on devoit leur accorder tout ce qui pouvoit fervir à les inftruire & à les affermir dans la religion.

7.Hift.l.XLVII1.

1. 42.

Hift. liv. xvII,

B. 36.

Toutefois je ne puis penfer que faint Auguftin d'Angleterre & faint Boniface de Mayence ayent manqué de prudence ou de charité. Ils voyoient les chofes de prés & craignoient peut-être que ces peuples ne demeuraffent trop feparez du refte des Chrétiens, fi la langue latine ne les uniffoit avec eux, principalement avec Rome centre de l'unité ecclefiaftique. Peut-être craignoient-ils la difficulté de traduire, non feulement l'écriture, où il eft fi dangereux de fe méprendre, mais les autres livres neceffaires pour l'inftruction des fidelles. Nous voyons bien dés le feptiéme fiecle en Angleterre & dés le huitième en Allemagne Conc. Rem, an. des verfions de l'évangile : mais c'étoit plûtôt pour la confolation des 15. Tur. . 17. particuliers, que pour l'ufage public de l'églife. Je trouve encore qu'aux conciles de Tours & de Reims tenus l'an 813. on ordonne que chaque évêque aura pour l'inftruction de fon troupeau des homelics

to. 7. conc.

que

. 6.

Hift. liv. LIIL

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6.26.

que tout le monde les puiffent entendre. La langue Sclavone a été plus Hift. liv. XLVI. favorifée: faint Cyrille & faint Methodius Apôtres des Sclaves leur donnerent en leur langue l'écriture fainte & la liturgie. Il eft vray que le pape Jean VIII. le trouva mauvais, mais étant mieux informé, il l'aprouva; & quoique Gregoire VII. l'eut encore défendu, l'ufage en eft refté en quelques lieux. Au refte je ne fuis point touché de la raifon qu'alleguent plufieurs modernes, de conferver le respect pour la religion. Ce refpect aveugle ne convient qu'aux fauffes religions, fondées fur des fables & des fuperftitions frivoles: la vraye religion fera toûjours d'autant plus refpecteé, qu'elle fera mieux connuë. Au contrai re depuis que le peuple s'eft accoûtumé à ne point entendre ce qui fe dit dans l'églife, il a perdu le defir de s'en inftruire; & fon ignorance a été jufques à ne pas penfer qu'il eut befoin d'inftruction. Pour les gens d'efprits ignorans, ils font tentez d'avoir mauvaise opinion de ce qu'on leur cache avec tant de foin.

XXV.

Apologie de

De tout ce difcours il refulte ce me femble que les ficcles que l'on compte ordinairement pour les plus obfcurs & les plus malheureux, ne l'ont pas été autant que l'on croit ordinairement, & n'ont été dépour- ces cinq heclos vus ni de science, ni de vertu. Mais c'eft qu'il faut chercher la religion où elle étoit en chaque tems; & ne pas s'éfrayer de voir le vice & l'ignorance-même, dans les plus grands fieges.

Dans le feptiéme & huitiéme fiecle, la religion s'affoiblit en France & en Italie, mais elle fe fortifie en Angleterre, dans le neuviéme, elle refleurit en France; dans le dixiéme en Allemagne. Tandis qu'elle fait de fi grandes pertes fous la domination des Musulmans en Orient, en Afrique, en Efpagne, elle en fait recompenfe de nouvelles conquêtes, en Saxe, en Danemarc, en Suede, en Hongrie, en Pologne. On y voit renouveller les merveilles des premiers fiecles, ces peuples ont leurs docteurs & leurs martyrs; & les églifes affligées d'Efpagne & d'Orient ont auffi les leurs. Il ne refte qu'à admirer la conduite de la providence, qui fait faire tout fervir à fes deffeins, & tirer des plus grands maux les plus grands biens. Malgré les incurfions redoublées des barbares, le renverfement des empires, l'agitation de toute la terre; l'églife fondée folidement fur la pierre, a fubfifté toûjours ferme, & toûjours vifible comme la cité bàtie fur une montagne: la fuite de fes pafteurs n'a point été interrompuë, elle a toûjours eu des docteurs, des vierges, des pauvres volontaires & des faints d'une vertu éclatante.

Je fçai ce qui a décrié les ficcles dont je parle en ce difcours, c'eft la prevention des humanistes du quinziéme fiecle,unLaurens-Valle,un Platine, un Ange Politien. Ces pretendus favans, ayant plus de litterature, que de religion & de bon fens, ne s'arrêtoient qu'à l'écorce, & ne pouvoient rien goûter que les écrivains de l'ancienne Rome & de l'ancienne Grece. Ainfi ils avoient un fouverain mépris pour les écrits du moyen âge, & comptoient que l'on avoit tout perdu, en perdant la pure latinité & la politeffe des anciens. Ce prejugé paffa aux Proteftans, qui regardoient le renouvellement des études, comme la fource de leur reformation. Ils

pretendirent que la ruine & la defolation de l'églife étoit l'effet de l'ignoran Hift. de Beze. ce que le regne de l'antechrift & le mystere d'iniquité s'étoit mis en train, à la faveur des tenebres. Je n'ai rien diffimulé dans ce difcours de l'état de ces fiecles obfcurs, ni des caufes & des effets de cette ignorance: mais y avezvous rien vû qui donnât atteinte à l'effentielle de la religion? A-t-on jamais ceflé de lire & d'étudier l'écriture fainte & les anciens docteurs? de croire & d'enfeigner la Trinité, l'incarnation, la neceffité de la grace, l'immortalité de l'ame & la vie future? A-t-on jamais ceffé d'offrir le facrifice de l'euchariftie, & d'adminiftrer tous les facremens? A-t-on enfeigné impunement une morale contraire à celle de l'évangile ? On ne peut tirer à confequence les dereglemens des particuliers, & les abus toujours condamnez comme abus.

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Qu'importe, aprés tout, que l'on parle & que l'on écrive mal, pourvû que l'on croye bien & que l'on vive bien? Dicu ne regarde que le cœur: la groffiereté du langage & la rufticité des mœurs n'eft rien à fon égard. Il n'y a en Jefus-Chrift ni Grec, ni barbare, ni Scyte, ni libre, ni efclaVe. Voyez comment ceux qui ont trouvé grace devant Dieu font loüez dans l'écriture, Noé fut un homme jufte: Job étoit un homme fimple & droit: Moïfe étoit le plus doux de tous les hommes: il y avoit bien de quoi loüer fon efprit. Au contraire les railleurs font blâmez & deteftez en cent endroits de l'écriture: quoique d'ordinaire ce foit ceux qui cultivent le plus l'élegance du langage & la politeffe des moeurs. En effet, qui n'aimera mieux avoir affaire à un homme d'une vertu folide fous un exterieur groffier, qu'à l'homme le plus agréable, mais fur lequel il ne peut compter. On pardonne aux enfans de fe laiffer éblouir par ce qui brille au dehors ; un homme fenfé aime la vertu, fous quelque apparence qu'il la découvre. Jufques ici donc, vous avez vû comment Jefus-Chrift a accompli fa promelle: en confervant fon églife, malgré la foibleffe de la nature humaine, & les efforts de l'enfer.

SOMMAIRE DU DISCOURS

1. I
Nnondation des barbares, page 1. II. Chûte des études, page z.
III. Menaces & promeffes temporelles, page 4. IV. Reliques, page 5.
V. Pelerinages, page 6. VI. Superftitions, page 7. VII. Etat de l'Orient.
page 7. VIII. Clercs chaffeurs & guerriers, page 9.IX. Seigneuries tem-
porelles des églifes, page 10. X. Confufion des deux puissances, page 11.
XI. Richeffes des églifes, page 14. XII. Corruptions des mœurs, page 15.
XIII. Incontinence du Clergé, page 16. XIV. Hoftilitez univerfelles, page
16. X V. Simonie, page 17. XVI. Penitences, page 18. XVII. Cenfures,
page 19. XVIII. Dépofition des rois, page 21. XIX. Succeffions d'évê-
ques, page 24. XX. Conciles, page 25. XXI. Ecoles & fucceffion de doc-
teurs, page 25. XXII. Monafteres, page 26. XXIII. Ceremonies, page
29. XXIV. Prorogation de la foi, page 30. XXV. Apologies de ces cinq
fecles, page 33.

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PRIVILEGE DU ROY.

LOUIS de Dicu,sterans nos Cours de parlement, Maires OUIS par la grace de Dieu, Roy de France & de Navarre: A nos amez des Requêtes ordinaires de nôtre Hôtel, Grand-Confeil, Prevôt de Paris, Baillifs, Senechaux, leurs Lieutenans Civils & autres nos Jufticiers qu'il appartiendra, Salut; Nôtre bien amé Pierre Emery, pere, Doyen des Syndics des Libraires & Imprimeurs de Paris, nous ayant très-humblement fait remontrer que dans les Lettres de Privilege que nous luy avons accordées le deuxième Fevrier dernier, pour trente années, pour l'impreffion de tous les Ouvrages du fieur Abbé Fleury nôtre Confeffeur, il n'y elt fait mention que de fon Hiftoire Ecclefiaftique, qui ne fait qu'une partie de fes Ouvrages; ayant encore compofé ceux intitulez, le Catéchifme Hiftorique & fon Abregé, les Mœurs des Ifraëlites, les Mœurs des Chrétiens, l'Inftitution au Droit Ecclefiaftique, le traité du Choix & de la Methode des Etudes & le Devoir des Maîtres & des Domeftiques, & que comme nôtre intention avoit été de lui accorder nos Lettres de Privilege pour tous les Ouvrages dudit fieur Abbé Fleury, il fe trouvoit neanmoins privé de cette grace par la feule omiffion des titres defdits livres dans nofdites Lettres du deuxième Fevrier dernier, ce qu'il ne peut faire fans que nous luy accordions de nouvelles Lettres de Privilege, qu'il nous a très-humblement fait fupplier de lui vouloir accorder. A CES CAUSES: Voulant favorablement traiter ledit Emery pere, & le recompenfer de fon application à nous avoir donnédepuis quarante ans l'impreffion de plus de foixante Volumes, tant in folio, qu'inquarto, dont quelques-uns n'ont pas eû tout le fuccès qu'il avoit efperé. Nous luyavons permis & accordé, permettons & accordons par ces Prefentes, d'imprimer ou faire imprimer tous les Ouvrages dudit fieur Abbé Fleury, intitulez: Hiftoire Ecclefiaftique de M. l'Abbé Fleury, fon Catéchisme Hiftorique avec fon Abregé & en toutes langues, les Mœurs des Ifraelites, & des Chrétiens, l'Inftitution an Droit Ecclefiaftique, le Traité du Choix & de la Methode des Etudes, & fon Traité du devoir des Maîtres & des Domestiques. Commentaire Litteral fur tous les Livres de l'Ecriture fainte, avec des Differtations ou Prolegomenes, par le Pere Calmet, avec fon Hiftoire de l'Ancien & du Nouveau Teflament, & le Dictionnaire Hiftorique, Géographique, Chronologique, Critique & Litteral de la Bible, du même Autheur; en tels volumes, forme, marge, caractere, en bon que tout ou en partie, conjointement ou feparement, & autant de fois luy femblera, & de les vendre, faire vendre & debiter par tout nôtre Royaume, pendant le tems de Trente années confecutives, à compter du jour de la datte defdites Prefentes. Faifons défenfe à toutes fortes de perfonnes de quelque qualité & condition qu'elles foient, d'en introduire d'impreffion étrangere dans aucun lieu de nôtre obéiflance, à peine de trente livres pour chaque volume defdits Ouvrages qui fe trouveront contrefaits. Comme auffi à tous Libraires, Imprimeurs & autres, d'imprimer, faire imprimer, vendre, faire vendre, debiter ni contrefaire aucun defdits Ouvrages cy-deffus expliquez, en general ou en particulier,ni d'en faire aucuns extraits, fous quelque

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