la ville, fes biens feroient confifquez; & que les clercs qui s'étoient refugiez à l'église de faint Pierre fe reconcilieroient avec l'évêque, ou feroient chaffez de la ville fans efperance d'être écoutez. En execution de cet ordre, le foir du famedi aprés les cendres, vrai-femblablement la niême année 1067. comme ces clercs repetoient les leçons & les répons du dimanche fuivant, on les tira hors de la franchise de l'église de faint Pierre.. Alors il fe fit un grand concours de peuple, & principalement de femmes, qui jettoient les voiles de leurs têtes, & marchoient les cheveux épars, fe frapant la poitrine & jettant des cris pitoïables. Elles fe prosternoient dans les rues pleines de boue & difoient: Helas, helas Jefus, on vous chaffe d'ici, on ne vous permet pas de demeurer avec nous ! Vous le voudriez bien, mais Simon le magicien ne vous le permet pas. O faint Pierre comment ne défendez-vous pas ceux qui fe refugient chez vous? Etes-vous vaincu par Simon ? Nous croïons qu'il étoit enchaîné en enfer, & nous le voïons lâché à vôtre honte. Les hommes fe difoient l'un à l'autre : Vous voïez clairement que Jesus-Christ se retire d'ici, parce que fuivant fa doctrine on ne resiste point à celui qui le chaffe. Et nous auffi, mes freres, brûlons cette ville afin que le parti heretique n'en joüiffe pas, & nous en allons avec nos femmes & nos enfans par tout où Jesus-Christ ira. Suivons le fi nous fommes Chrétiens.

Ces difcours toucherent les clercs qui tenoient le parti de l'évêque Pierre: ils fermerent les églifes & n'oferent plus fonner les cloches, ni chanter publiquement l'office ou la meffe Ils affemblerent, & Tome XIII.

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AN. 1067.

AN. 1067. par déliberation de confeil, ils envoïerent quelquesuns d'entre eux aux moines de faint Sauveur de Septime, les priant de leur faire connoître la verité, & promettant de la fuivre. Ils prirent jour au mercredi fuivant, qui étoit celui de la premiere femaine de Carême. Le lundi & le mardi ils firent des prieres particulieres pour ce fujet. Le mercredi matin un de ces clercs alla trouver Pierre de Pavie, c'eft ainfi qu'ils nommoient l'évêque, & lui dit: Au nom de Dieu, si ce que les moines difent de vous est vrai, avoüez-le franchement, fans tenter Dieu & fatiguer inutilement le clergé & le peuple. Si vous vous fentez innocent venez avec nous. L'évêque Pierre dit: Je n'irai point; & vous n'irez point non plus, fi vous m'aimez. Le clerc répondit: Affurement j'irai voir le jugement de Dieu, puifque tout le monde y va, & je m'y conformerai: en forte qu'aujourd'hui, ou je vous honorerai plus que jamais, ou je vous mé. priferai entierement.

Sans attendre ce député, tout le clergé & le peuple courut au monaftere de faint Sauveur. Les femmes ne furent point effraïées par la longueur & l'incommodité du chemin rempli d'eaux bourbeufes, Les enfans ne furent point retenus par le jeûne; car ils l'obfervoient alors. Il fe trouva environ trois mille perfonnes à la porre du monaftere. Les moines leur demanderent pourquoi ils étoient venus. Ils répondirent: Pour être éclairez & connoître la verité. Comment voulez vous être éclairez, dirent les moines? Les clercs répondirent: Que l'on prouve par un grand feu ce que vous dites de Pierre de Pavie. Les moines reprirent: Quel fruit en retirerez-vous, & quel honneur

en rendrez-vous à Dieu? Tous répondirent: Nous AN. 1067. détefterons avec vous la fimonie, & rendrons à Dieu des graces immortelles.

XXVIII.

Aufli- tôt le peuple dressa deux buchers l'un à côté de l'autre, chacun long de dix pieds large de cinq; Epreuve du feu. haut de quatre & demi: entre les deux étoit un chemin large d'une braffe, femé de bois fec. Cependant on chantoit des pleaumes & des litanies on: choifit un moine nommé Pierre pour entrer dans le feu; & par ordre de l'abbé il alla à l'autel pour celebrer la meffe, qui fut chantée avec grande devotion & avec quantité de larmes, tant de la part des moines que des clercs. Quand on vint à l'Agnus Dei, quatre moines s'avancerent pour allumer les buchers : l'un portoit un crucifix, l'autre l'eau benite, le troifiéme douze cierges benis & allumez, le quatriéme l'encenfoir plein d'encens. Quand on les vit il s'éleva un grand cris, on chanta Kyrie elefon d'un ton lamentable. On pria Jefus Chrift de venir défendre fa caufe: on demanda les prieres de la fainte Vierge, de faint Pierre, de faint Gregoire.

Alors le moine Pierré aïant communié & achevé la messe, ôta sa chafuble, gardant les autres ornemens, & portant une croix, il chantoit les litanies avec les abbez & les moines, & s'approcha ainfi des buchers déja embrasez. Le peuple redoubla fes prieres avec une ardeur incroïable. Enfin on fit faire filence, pour entendre les conditions aufquelles fe faifoit l'épreuve. On choifit un abbé qui avoit la voix forte, pour lire diftinctement au peuple une oraison, contenant ce que l'on demandoit à Dieu. Tous l'approuverent, & un autre abbé aïant fair faire filence, éleva fa

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voix & dit: Mes freres & mes fœurs, Dieu nous eft témoin que nous faifons ceci pour le falut de vos ames, afin que déformais vous évitiez la fimonie, dont prefque tout le monde eft infecté. Car vous devez favoir qu'elle eft fi abominable, que les autres crimes ne font prefque rien en comparaifon.

Les deux buchers étoient déja reduits en charbon pour la plus grande partie, & le chemin d'entre deux en étoit couvert, en forte qu'en y marchant on en au roit eu jufques aux talons, comme on vit depuis par experience. Alors le moine Pierre, par ordre de l'abbé, prononça à haute voix cette oraison, qui tira les larmes de tous les afliftans! Seigneur Jesus-Christ, je vous fuplie que fi Pierre de Pavie a ufurpé par fimonie le fiege de Florence, vous me fecouriez em ce terrible jugement, & me preferviez de toute atteinte du feu, comme vous avez autre fois confervé les trois enfans dans la fournaife. Aprés que tous les affiftans eurent dit Amen, il donna le baiser de paix à fes freres; & on demanda au peuple, combien voulezvous qu'il demeure dans le feu ? Le peuple répondit : C'eft affez qu'il paffe gravement au milieu.

Le moine Pierre faifant le figne de la croix, & portant une croix fur laquelle il arrêtoit fa vûë fans regarder le feu, y entra gravement nuds pieds avec Ded. Can. un vifage guai. On le perdit de vûë tant qu'il fut entre les deux buchers; mais on le vit bien-tôt paroître de l'autre côté fain & fauf, fans que le feu eût fait la moindre impreffion fur lui. Le vent de la flamme agitoit fes cheveux, foulevoit fon aube, & faifoit floter fon étole & fon manipule: mais rien ne brûla, pas même le poil de fes pieds. Il raconta depuis, que,

comme il étoit prêt à fortir du feu, il s'apperçut que AN. 1667, fon manipule lui étoit tombé de la main, & retourna le prendre au milieu des flames. Quand il fut forti du feu, il voulut y rentrer, mais le peuple l'arrêta, lui baifant les pieds, & chacun s'eftimoit heureux de baifer la moindre partie de fes habits. Le peuple s'empreffoit tellement autour de lui, que les clercs eurent bien de la peine à l'en tirer.. Tous chantoient à Dieu des loüanges, répandant des larmes de joïe : on exaltoit faint Pierre & on déteftoit Simon le magicien.

95.

Ce recit eft tiré de la lettre que le clergé & le peuple de Florence en écrivit aufli-tôt au pape Alexandre, le fuppliant de les délivrer des fimoniaques. Le pape tal face. 3i y eut égard & dépofa de l'épiscopat Pierre de Pavie, qui fe foamit à ce jugement, & le convertit si bien, qu'il fe reconcilia avec les moines, & se rendit moine dans le même monaftere de Septime. Il eut pour fucceffeur un autre Pierre, que l'on nomme le catholique, pour le diftinguer du fimoniaque.

Quant au moine Pierre, qui s'expofa au feu avec tant de foi, il étoit Florentin de la famille des Aldobrandins s'étant rendu moine à Vallombreuse, il y garda les vaches & les ânes par ordre de Jean Gualbert, puis il fut prevôt de Paffignan monaftere de la même congregation. Aprés le miracle du feu, le comte Bulgare pria Jean Gualbert de le faire abbé de Ficicle, & l'obtint. Il fut enfuite cardinal & évêque d'Albane; & le nom de Pierre Ignée en latin Igneus lui demeura, comme qui diroit Pierre du feu.

XXIX.

Hugues le blanc prêtre cardinal legat du pape Hugues leblane Alexandre affista à un concile, que Sanche Ramires legat en Espa

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gne.