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C'est pourquoi nous vous prions & vous admonel- AN. 1074. tons par l'autorité apoftolique, de vous assembler & de parler au roi par deliberation commune: pour lavertir du defordre & du peril de fon roïaume, lui montrer en face combien fes actions font criminelles, & vous efforcer de le flechir par vos exhortations: afin qu'il repare le tort qui a été fait aux Marchands, autrement, comme vous favez vous-même, ce fera la fource de grandes inimitiez. Exhortez-le au reste à fe corriger, à quitter les habitudes de fa jeuneffe, à rétablir la justice & relever la gloire de son roïaume: enfin à fe reformer le premier pour reformer les

autres.

Que s'il demeure endurci, fans vouloir vous écou• ter: s'il n'est touché ni de la crainte de Dieu, ni de fa propre gloire, ni du falut de fon peuple: declarez lui de nôtre part, qu'il ne peut éviter plus long-tems la vigueur des cenfures apoftoliques. Imitez aufsi l'églife Romaine vôtre mere: feparez-vous entierement du fervice & de la communion de ce prince, & interdites par toute la France la celebration publique de l'office divin. Que fi cette cenfure ne l'oblige pas à fe reconnoître: nous voulons que perfonne n'ignore, qu'avec l'aide de Dieu, nous ferons tous nos efforts pour délivrer le roiaume de France de fon oppreffion. Et fi nous voïons que vous agiffiez foiblement en cette occafion fi neceffaire, nous ne douterons plus que vous ne le rendiez incorrigible par la confiance qu'il a en vous, & nous vous priverons de toute fonction épiscopale, comme complices de fes crimes. Car Dieu nous eft témoin, que personne ne nous a fait prendre cette resolution, ni par prieres

AN. 1074

11. ep 18.

ni par prefens: nous n'y fommes portez que par la vive douleur de voir perir, par la faute d'un malheureux homme, un fi noble roïaume & un peuple fi nombreux. Cette lettre eft du dixiéme de Septembre 1074.

Le pape écrivit du même ftile, deux mois aprés à Guillaume comte de Poitiers. Il fe plaint encore de la violence exercée par le roi contre ces marchands Italiens, & il exhorte le comte à fe joindre avec les évêques & les feigneurs de France, pour preffer le roi de fe corriger & d'épargner les pelerins qui alloient à Rome: car on voit bien que les deux articles qu'il avoit le plus à cœur étoient ces pelerins & ces marchands. Puis il ajoûte : S'il perfevère dans fa mauvaise conduite, nous le feparerons de la communion de l'église dans le concile de Rome, lui & quiconque lui rendra l'honneur & l'obéiflance comme à un roi: & cette excommunication fera confirmée tous les jours fur l'autel de faint Pierre. Car il y a long-tems que nous diffimulons fes crimes: mais il s'eft rendu maintenant fi odieux ; que quand il auroit la puiffance que les empereurs païens exerçoient contre les martirs, aucune crainte ne pourroit nous obliger à laiffer fes iniquitez impunies. Gregoire fait. encore les mêmes menaces contre le roi Philippe, 11 p. 32. écrivant à Manaffes archevêque de Reims au mois de Decembre fuivant: mais nous ne voïons en France aucun effet de ces lettres.

X VII. Concile de Rouen. ap Lanfr, in not.

adefist .4 p. 354.

Cette même année 1074. Jean archevêque de Roüen tint un concile à l'occafion du tumulte arrivé l'année precedente dans l'église de faint Oüen, le jour de la fête du faint vingt-quatrième d'Aouft.

Le roi d'Angleterre Guillaume étoit au Mans, & AN. 1074. avec lui l'archevêque & l'abbé de faint Oüen : comme plufieurs autres feigneurs. Le jour de la fête l'archevêque devoit felon la coûtume, celebrer la messe dans l'église du monaftere. Il partit du Mans & envoia devant Roüen avertir de fon arrivée : mais comme il tardoit à venir, on cornmença la meffe; & quand il arriva on avoit déja chanté le Gloria in excelfis. Il en fut extremement indigné, il excommunia les moines & leur fit ceffer l'office, chaffa de l'autel Richard abbé de Sées, qui avoit commencé la messe; & tandis qu'il fe préparoit pour la celebrer, il fit continuer par fon clergé ce que l'on avoit com

mencé..

Les moines obéirent à l'interdit, quitterent les ornemens & fortirent de l'église : mais en tumulte & en murmurant. Un d'entre eux courut à la tour & fon. na la groffe cloche, puis il fortit & cria par les ruës; que l'archevêque vouloit emporter le corps de faint Öüen a la cathedrale Le peuple fortit des maisons, l'un prit une épée, l'autre une hache, l'autre ce qu'il trouva fous fa main. L'archevêque, voïant venir contre lui ces furieux, & craignant principalement ceux qui étoient aux galeries hautes, quitta l'autel & fe retira à la porte de l'église où il se fit un rampart de fieges & de formes, quelques-uns des fiens armez de chandeliers, de cierges, de perches, se jetterent fur les moines; qui les reçurent vigoureusement. Le vicomte de Rouen aiant apris le peril où fe trouvoit l'archevêque, & craignant que s'il lui arrivoit du mal on ne s'en prit à lui-même, assembla ses gens en armes & criant de par le roi que l'on s'arrêtat, vint

AN. 1074. au fecours du prélat, qui ne pouvoit plus refifter, le délivra.

&

Le lendemain les moines envoierent au Mans quelques-uns des leurs, pour raconter à leur abbé ce qui s'etoit paffé, afin qu'il en inftruifit le roi: mais le courrier de l'archevêque le prevint, & on donna tout le tort aux moines. Le roi toutefois ordonna à l'archevêque, de reconcilier l'église de faint Oüen, & comme il le refusa, le roï la fit reconcilier par Michel évêque d'Avranches. On ordonna la tenuë d'un concile pour juger cette affaire; & il fut tenu l'année 10. X. conc. p. fuivante 1074. à Nôtre-dame de Rouen. Le roi Guillaume y affifta & l'archevêque Jean y presida assisté de cinq de fes fuffragans, favoir Odon de Baïeux, Hugues de Lizieux Michel d'Avranches, Gillebert de Lifieux, & Robert de Sées. Il y avoit auffi plufieurs abbez. On y condamna la rebellion des moines de faint Ouen contre l'archevêque; & quatre des plus mutins furent mis en prifon en divers monaf

310.

c. 2.

teres.

En ce même concile on traita de la foi de la fainte Trinité, qui fut confirmée fuivant les quatre premiers conciles generaux: puis on fit quatorze canons de difcipline, dont voici ceux qui me femblent les plus remarquables. On n'ordonnera point d'abbé qui n'ait long-tems pratiqué la vie monaftique; & le moine qui fera tombé publiquement dans un crime d'impureté ne pourra être abbé. Il en fera de même des religieufes. Les moines & les religieuses garderont exactement la regle de faint Benoift. On ne donnera 4. point tous les ordres en même jour. Les clercs dépofez ne porteront point les armes, comme s'ils étoient

c. 6.

c. 7.

C.

C. 12.

redevenus laïques. Celui, qui pour fe faire dépofer An.. 1075. dira qu'il n'a pas reçu tous les ordres, fera tenu de le prouver juridiquement. De même celui qui pour rompre fon mariage s'accufera d'avoir auparavant peché avec la parente de sa femme, n'en fera pas cru fur fa parole. .

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6. II.

6. 10,

XVIII. Ecrits de Gui

Mabil: pref. 2.

fœc. 6. n. 58,

Au commencement de l'année suivante 1 07 5. c'eftà-dire le treiziéme Janvier, Gerauld cardinal évêque mond contre Bed'Oftie legat du pape, tint un concile à Poitiers, ou renger. l'on agita la matiere de l'euchariftie, avec tant de chaleur, que Berenger qui étoit present pensa y être tué. C'eft à peu près le tems où Guimond écrivit contre lui. Guimond étoit moine de la croix faint Leufroi dans le diocese d'Evreux & difciple de Lanfranc. Le roi Guillaume le fit paffer en Angleterre & lui voulut donner un évêché, qu'il refufa conftamment, & revint en Normandie dans fon monaftere: mais longtems aprés le pape Urbain II. le fit archevêque d'Averfe en Italie. Ce fut donc pendant qu'il étoit dans son Monastere qu'il écrivit contre Berenger à la priere to. 6. p. 325. d'un moine nommé Roger, qu'il fait parler avec lui en forme de dialogue.

Il commence par le portrait de Berenger, qu'il fait ainfi: Etant encore jeune dans les écoles, à ce que difent ceux qui l'ont connu en ce tems-là, il faifoit peu de cas des fentimens de fon maître, comptoit pour rien ceux de fes compagnons, & méprifoit les livres des arts liberaux : qui veritablement étoient alors peu connus en France. Berenger ne pouvant donc atteindre par lui même à ceque la philofophie a de plus profond, car il n'étoit pas fort penetrant cherchoit à fe donner la reputation de favant, par

Bi. P P. Parif.

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