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AN. 1058.

& n'aïant pû obtenir le pallium, quoique l'argent eût beaucoup de pouvoir à Rome, il s'avifa de reconnoître pour pape ce Benoift, dont les autres archevêques fe moquoient; & Benoist lui en fçut tant de gré, qu'il lui envoïa le pallium. Les Romains donnerent ozufe. XX, c.3. par mépris à Benoift le furnom de Mincio ou plûtôt Minchione, qui en Italien fignifie un stupide.

Petr. Dam.

Chr. Caff.lib. III, c. 9 10,

XXIX, Nicolas II. pa

pe.

6. 13.

L'abbé Didier & les deux autres legats du pape Eftienne IX, attendoient à Bari le vent favorable pour paffer à C. P. quand vers le foir du dimanche des Rameaux arriverent des moines du mont - Caflin, qui lui apprirent la mort du pape, le priant au nom de toute la communauté, de revenir inceffamment au monaftere, pour en prendre le gouvernement. Il partit dés le lendemain, & craignoit d'être arrêté par les Normans mais au contraire Robert Guifchard leur chef lui donna un fauf-conduit & des chevaux. Il arriva au mont-Caffin le jour de Pâques de grand matin, & le jour-même il fut mis en poffeffion de l'abbaïe par le cardinal Humbert, qui s'y étoit retiré, n'ofant demeurer à Rome à caufe des fchifmatiques,

Quand Hildebrand fut revenu de fon ambassade auprés de l'imperatrice; & qu'il eût appris l'élection que l'on avoit faite à Rome, contre la défense expresse du pape Eftienne: il s'arrêta à Florence, écrivit aux Romains les mieux intentionnez, & aïant reçû leur confentement fans restriction, il élût pape Gerard évêque de Florence né dans le roïaume de Bourgogne. Cette élection fe fit paifiblement à Siene, avec le fecours de Godefroi duc de Lorraine & de Tofcane; Lambert, an. & Gerard fut nommé Nicolas II. Les feigneurs Romains envoïerent cependant en Allemagne, pour

1059.

affurer le roi qu'ils lui garderoient la foi qu'ils avoient AN. 1058. promise à fon pere; & que c'étoit dans cette intention qu'ils avoient laiffé le faint fiége vacant jusques alors: le priant d'envoïer qui il voudroit, parce que l'intrufion faite contre les regles, n'empêchoit point une élection legitime. Le roi, de l'avis des feigneurs, approuva l'élection de Gerard, agreable aux Romains & aux Allemans, & ordonna au duc Godefroi de le mener à Rome.

Pierre Damien fut confulté sur le sujet de ces deux II. epist. 46 élections, par un archevêque, à qui il répondit ainfi : Celui qui tient à prefent le faint fiége, il parle de l'anti-pape Benoift, eft fimoniaque, à mon avis, fans qu'on puiffe l'excufer: puifque, nonobftant nos oppofitions, c'est-à-dire, de tous les évêques cardinaux, & fans avoir égard à nos anathêmes, il a été intronisé de nuit & en tumulte, avec des troupes de gens armez. Ensuite on eut recours aux largeffes, on distribua de l'argent au peuple par les quartiers & les ruës: on entendoit par toute la ville forger de la monoïe, & on emploïoit pour les difciples de Simon le trefor de faint Pierre. Quant à ce qu'il allegue pour sa défense, qu'il a été contraint: bien que je n'en fois pas bien éclairci, je ne veux pas tout-à-fait en difconvenir. Car cet homme eft fi ftupide, que l'on peut croire qu'il n'a pas fçû ce que l'on machinoit pour lui : mais il eft coupable de demeurer volontairement dans le bourbier où on l'a jetté malgré lui.

Or pour ne pas m'étendre fur fa promotion, tandis que nous autres évêques cherchions à nous cacher en divers lieux, un prêtre de l'église d'Oftie, qui ne fait pas lire une page, même en épelant, fut enlevé de

Hiij

AN. 1058.

Gefta.Rom.

an.1059.

force par ces fatellites de fatan, pour mettre fur le faint fiége celui qu'ils avoient élû. Vous voïez bien, vous qui favez les canons, que ce feul article fuffit le condamner. Car s'il faut dépofer le prêtre qui a fait la fonction d'évêque, que deviendra celui qu'il a ordonné? On pouvoit répondre que Jean étant déja évêque de Veletri, il ne s'agiffoit que de l'intronifer, ce qu'un prêtre pouvoit faire.

pour

Pierre Damien rapporte enfuite la défense que le pape Eftiene avoit faite, de proceder à l'élection avant le retour d'Hildebrand: puis il ajoûte, parlant de Gerard: Quant au pape élû, voici ce qui m'en femble. Il eft fuffisamment lettré, d'un efprit vif, de mœurs pures au deffus du foupçon, fort aumônier. Je n'en dis pas davantage, pour ne paroître pas aimer le particulier plus que le public. Au contraire, fi l'autre peut bien expliquer une ligne je ne dirai pas d'un pleaume, mais d'une homelie, je ne refifte plus, & je lui baise les pieds. Quant à ce que vous m'avez mandé de vous écrire fecretement pour ne me pas expofer : à Dieu ne plaife que dans une telle affaire je craigne de fouffrir les plus rudes traitemens. Au contraire je vous prie de rendre publique cette lettre, afin que tout le monde fache ce que l'on doit penfer de ce peril com

mun.

Aprés que le pape Nicolas II. eût été élû, il tint point ap Barone confeil avec Hildebrand & avec les cardinaux, de ce qu'il y avoit à faire au fujet de l'anti-pape, & il fut réfolu de tenir un concile à Sutri ville du Patrimoine, où l'on appelleroit, non feulement les évêques de Tofcane & de Lombardie, mais le duc Godefroi & le chancelier Guibert; ce qui fut executé fans delại.

L'anti-pape l'aïant appris, fut touché de remors, quitta AN. 1059. le faint fiége & retourna en fa maifon; & quand le pape Nicolas en fut bien informé, il tint confeil avec Îes cardinaux & alla à Rome avec eux & avec le duc Godefroi, mais paifiblement & fans troupes. C'étoit au mois de Janvier 1059. le pape Nicolas fut reçu à Rome par le clergé & le peuple avec l'honneur convenable, & mis dans le faint fiége par les cardinaux, fuivant la coûtume. Quelques jours aprés, l'anti-pape Jean, par l'entremife de quelques perfonnes, vint fe presenter au pape ; & se jettant à ses pieds, il protesta qu'on lui avoit fait violence, ne niant pas toutefois, qu'il étoit un ufurpateur & un parjure. Le pape leva l'excommunication prononcée contre lui, mais à condition qu'il demeureroit à fainte Marie majeure, dépofé de l'épifcopat & de la prêtrife. Le fchifme fut ainfi terminé, mais il reftoit au pape une grande peine, que les capitaines établis par les papes, retenoient par force la feigneurie de Rome, & les droits de l'églife qu'ils avoient ufurpez.

X X X.

cardinal.

Chr. Caff. III

6.33.

Enfuite le pape envoïa au mont-Caffin, dire à l'ab- L'abbé Didier bé Didier de venir au plûtôt à fa rencontre, comme il alloit dans la Marche. L'abbé le rencontra au monaftere de farfe, & en fut reçu avec de grands témoignages d'amitié. De là il le fuivit à Offimo, où le fixiéme de Mars, qui étoit le fecond famedi de carême,

le

pape l'ordona prêtre cardinal du titre de fainte Cecile, & le lendemain dimanche, il lui donna la benediction abbatiale avec une ample confirmation des privileges du monaftere. De plus il le fit fon vicaire pour la reformation de tous les monafteres dans la Campanie, la Principauté, la Poüille & la Calabre.

AN. 1059.

Chr. Caß. lib.

Alta SS. Ben.

Sec. 6. p. 586.

L'abbé Didier, qui fut un des grands perfonnages de ce fiecle, étoit de l'illuftre famille des princes de III. c. 1. 2. &c. Benevent. Dés l'enfance il fréquentoit les églises, écoûtoit volontiers les faintes lectures, & s'en entretenoit avec des perfonnes pieuses: mais fon pere qui n'avoit que lui, vouloit l'engager dans le monde, & fi-tôt qu'il fut en âge il le fiança avec une fille noble contre fon inclination. Peu de tems aprés le pere aïant été tué par les Normans, le jeune Daufier, car c'étoit le premier nom de Didier, âgé d'environ vingt ans, refolut de fe retirer fecretement; & par le fecours d'un moine nomé Jaquint, il fe déroba de fes parens, & reçut l'habit monaftique de la main d'un faint ermite nomme Santari, Mais fes parens l'aïant découvert, lui arracherent le faint habit, & le ramenerent par force à Benevent: où il demeura prés d'un an étroitement gardé dans la maison de fa mere. Il s'échapa toutefois & vint à Salerne trouver le prince Gaimar fon parent, & lui dit: Puifque je ne puis être moine en mon païs, fouffrez que le fois ici fous vôtre protection. Gaimar admirant la réfolution de ce jeune homme, lui promit ce qu'il defiroit, fur tout de ne le point rendre à fes parens malgré lui. Ainfi Daufier demeura quelque tems au monaftere de la Trinité de Cave prés de Salerne. Enfin Landulfe prince de Benevent cedant aux importunitez de la mere, vint lui-même à Salerne & le ramena : à condition qu'il auroit la liberté de vivre au monaftere de fainte Sophie prés de Benevent. Il y fut reçu avec plaifir par l'abbé Gregoire, qui lui changea fon nom en celui de Defiderius ou Didier

Aïant

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