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pendant, comme il n'est pas jufte de prononcer avec rigueur fur des Ouvrages de peu d'importance, inférés dans une Collection fans l'aveu des Auteurs, nous ne parlerons guères que des Pièces qui ont paru les meilleures, & qui n'étaient pas imprimées. Tout ce qui eft de M. de Voltaire eft connu.

A quelques incorrections près, la Requête à M. le Comte de ***, par Madame la Marquife d'Antremont, eft une très-jolie Pièce. Le ton en eft facile, aimable, & l'expreffion souvent heureuse. En général, aucune femme n'a mieux écrit en vers depuis Madame des Houlières. Il y a toujours dans les vers de Madame d'Antremont de l'esprit, de l'agrément & des négligences, mais jamais d'entortillage, ni de jargon, défauts fi communs aujourd'hui.

L'Avis aux Princes eft d'un Ecrivain de très

bon goût & très ingénieux, qui a fait trop peu de vers.

Quoiqu'il paraiffe inutile de transcrire des Pièces d'un Livre que tout le monde a dans les mains, nous croyons pouvoir citer celle de M. Bertin, adreffée à Rofine. Elle est trèscourte & très-jolie.

En faveur de ma jeunesse
Et de ma folle gaîté,

Vous n'avez que trop vanté
Des chanfons que la paresse
Me dicta pour la beauté :
En flattant ma vanité,
Vous affligez ma tendresse.
Je vous aime & j'ai vingt ans.
Le laurier peut-il me plaire ?
Enchaînez-moi de rubans.
Parez ma Mufe légère,
Et du myrte de Cythère,
Et des feftons du printems.
La gloire est trifte à mon âge,
Et l'amour eft enchanteur.

Louez un peu moins l'Ouvrage ;
Aimez un peu plus l'Auteur.

Ces vers font rapides & très bien tournés. Ils font d'un jeune homme, & c'est pour cela. que nous les avons cités. Ils donnent l'espérance d'un talent très agréable. Peut être ne fallait-il pas dire la gloire eft trifte à mon age. La gloire fied très-bien à la jeunesse; mais elle ne lui fuffit pas. Ce vers doit être changé.

Les Couplets de M. de Saint-Lambert, intitulés, Les Caprices, font remarquables par la précision & le fini qui caractérisent tous fes Ouvrages en ce genre.

Je lui portais les fleurs qu'elle aime ;

Elle les prit avec dédain.

Elle me donna le foir même

La rofe qui parait fon fein.
Elle eft fimple & fans artifices;
Nul Amant n'a tenté fa foi,
Et fidèle dans fes caprices,
Elle n'aime & ne hait que moi.

Cette fineffe d'idées, qui n'exclut point la fimplicité dans l'expreffion, eft le vrai ton de la chanfon française. Il fallait moins d'efprit dans les chanfons grecques. Anacréon parlait une plus belle langue.

On trouvera ici les plus jolis vers qu'ait faits M. de Pézay :

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Pénétrer jufqu'au Sanctuaire
Où fe cache la vérité.

En cherchant la réalité,

Je n'ai changé que de chimère.
J'ai voulu toucher au compas.
Ma main fur la lyre étrangère,
A-préfent ne retrouvé pas
Un feul chant digne de Glycère.
Qu'avez-vous appris à mon cœur,
Triftes calculs, recherches vaines?
Saus m'éclairer fur le bonheur,
Vous m'avez dérobé l'erreur
Qui peut feule adoucir mes peines.
Vous favez bien défabufer
De la conftance d'une Belle;

Mais qu'avez-vous à propofer

Qui puiffe valoir le baifer

Que donne même une Infidèle ?

Cette fin eft charmante. Ma main fur la lyre étrangère est un vers qui manque de clarté ; on ne fait à quoi se rapporte étrangère. Il eft certain que dans une Pièce de vingt vers, il n'en faut pas laiffer un qui foit obfcur. 11 y a dans quelques autres Pièces du même Auteur de l'agrément & de l'inégalité. Une, entr'autres, à Madame la Comteffe de B**. finit ingénieusement.

Belle à-la-fois & de l'efprit!

Ah! c'est trop de crimes fans doute.

Tu dois exciter leur dépit, ( des femmes )
Soit qu'on te voye ou qu'on t'écoute.

Tous les quatrains de M. l'A. P. font trèsjolis. Il y a de la douceur & du fentiment dans quelques Pièces de M. de Fumars & de M. Berquin. Elles pourraient être plus travaillées.

Mais le chef-d'œuvre de ce Recueil, c'est une chanfon de M. Fréron. Il était bien juste que le fucceffeur de Defpréaux donnât, comme fon Maître, le précepte & l'exemple. Il est question d'une fête où M. Laujon l'avait fait admettre.

Mais voyez donc quel tour affreux
L'ami Laujon me joue!
Tout ce qui frappe ici mes yeux
Il faut que je le loue!

Par lui d'être admis en ces lieux

J'obtiens le privilége;

Et c'eft, c'eft, j'en fuis furieux,
Pour me tendre ce piége!

L'ami Laujon me joue; jon, joue, que je le loue. Voilà une belle leçon d'harmonie ; & comme le refte du couplet eft ingénieux ! j'en fuis furieux. Comme cette tournure eft fine! M. Fréron reproche toujours aux Auteurs qu'il a réprouvés, d'avoir de l'efprit. On n'ufera pas de repréfailles avec lui. Il y aurait trop d'injustice à lui faire un pareil reproche. Il est inutile d'en citer davantage. On doit même demander pardon aux Lecteurs de les entretenir de pareilles inepties. Mais l'Auteur de l'Année Littéraire, qui ne perd pas une occafion de fe faire valoir auprès des Lecteurs de Province, a voulu leur perfuader que les vers qu'il avait inférés dans l'Almanach des Mufes de je ne fais quelle année, étaient évidemment irrépréhenfibles, puifqu'on n'en avait rien dit dans le Mercure. On ne fera jamais un pareil raifonnement fur fon filence. Mais fi l'on fe tait fur fes vers comme fur fa profe, c'eft

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