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qu'on n'aime pas à parler de ce qui est audeffous de la critique. Lorsqu'il s'avife, par exemple, de traduire, après M. de Voltaire, un morceau de Lucrèce, & qu'il parle des hommes,

Qui, fans avoir joui de l'éclair de la vie,

Se perdent pour jamais dans la nuit du tombeau, que veut-il qu'on dife de ces belles métaphores? Veut-il qu'on faffe reniarquer qu'il eft affez difficile de jouir d'un éclair, & que, par conféquent, cette figure n'a pas de fens ? Il est des Ouvrages fur lefquels il n'y a rien à dire au Public.

SUR une HISTOIRE de la Rivalité de la France & de l'Angleterre, par M. GAILLARD.

Les trois premiers Volumes de cette Histoire LES

ont paru, il y a environ trois ans, & le mérite & le fuccès en ont été conftatés par les fuffrages du Public. Ces quatre derniers Volumes terminent l'ouvrage de l'Auteur, & rempliffent tout le plan qu'il s'était propofé & qu'il rappelle dans fa Préface: » c'est d'éteindre

» les haînes nationales & de défabufer les » hommes de la guerre. Si cette entreprise est » une folie, c'est une folie douce & humaine qui combat une folie cruelle «.

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Il veut prouver que toutes les guerres injuftes font toujours inutiles & même funeftes à ceux qui les entreprennent. Il n'excufe, il n'approuve que la guerre légitime, néceffaire & défenfive. Toute autre guerre, dit-il, trompe les vœux de l'ambition, trahit les intérêts de la politique, & n'affure jamais un fuccès durable, ni une poffeffion paisible. On peut combattre ce fyftême. On peut montrer qu'en exceptant les Etats libres, toutes les autres Puiffances de l'Europe n'ont été établies originairement que par la conquête; que lorfque les Francs envahirent les Gaules fur les Romains, ils n'y avaient pas plus de droit que les Romains n'en avaient eu, quand Céfar s'en empara; qu'ils l'ont cependant gardée, & en ont fait une des plus floriffantes Monarchies de l'Univers. Mais il faut fuppofer que le fyftême de l'Auteur ne remonte pas jufqu'à l'établiffement des Nations, & n'a lieu que depuis l'époque où leurs limites refpectives ont été à-peu-près fixées. Dans cette fuppofition, l'on pourrait citer encore des

conquêtes durables & avantageuses; par exemple, celle de la Franche-Comté, l'une des plus belles parties de l'ancien Royaume de Bourgogne, & aujourd'hui l'une des plus riches Provinces de la France, & du plus grand revenu, Mais auffi l'on pourrait répondre que cette conquête, celle de l'Alface & de quelques Villes de Flandre ont été payées par les difgraces qui accablèrent la France fur la fin du règne de Louis XIV, & dont elle fent encore le contre-coup. Quoi qu'il en soit, tout fyftême général en politique, en philofophie & même en morale, peut souffrir des exceptions; mais au fonds, celui de M. Gaillard fur la guerre est aussi raisonnable qu'il est utile. Il défend les droits naturels des Peuples que l'on ne doit pas mener au carnage, fi ce n'eft pour leur défenfe néceffaire. Il infpire la haîne de l'oppreffion & de la violence. » C'est à Grifler, dit-il, qu'il faudrait pou» voir demander ce que lui a valu le despo» tisme insolemment abfurde, qui ordonnait » à tout un peuple de fe profterner devant le figne de la Tyrannie, expofé dans la Place publique; ou le defpotifme infolemment » barbare, qui forçait un père d'exercer son » adreffe fur la tête de fon fils «,

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On a révoqué en doute l'hiftoire du Chapeau expofé & de la Pomme abattue; mais le mépris de l'humanité eft fi naturel aux Tyrans, & dans ces tems barbares, l'hommeferf était compté pour fi peu de chose & fi facilement foulé aux pieds; il a été fi commun de tout tems, que les Puiffances regardaffent les hommes comme des animaux de fervice, qu'il ne faut pas traiter de fable un trait hiftorique, fous prétexte que s'il était vrai, ce ferait un trop grand outrage à la nature humaine. Il y a vingt traits avérés, auffi forts que l'aventure de Guillaume Tell; & fa réponse au Tyran eft fi belle, que pour cette raison seule, il faudrait abfolument que fon hiftoire fût vraie.

Ces quatre nouveaux Volumes contiennent l'histoire detaillée de la querelle d'Edouard III. & de Philippe de Valois pour la fucceffion à la couronne de France; querelle continuée fous les fucceffeurs de ces deux Princes, & qui, malgré les fameufes défaites de Créci, de Poitiers & d'Azincourt, finit par l'expulsion totale des Anglois. La prife de Calais, leur dernière poffeffion en France, fut l'ouvrage du célèbre François de Guife, père du Balafré, plus célèbre encore, & le Héros de la

Ligue. Dans le cours de cette querelle, qui dura deux cents vingt ans, l'Hiftorien pèse avec un jugement sûr & avec l'équité la plus impartiale, les droits & les avantages des deux Nations ennemies. Il les confidère dans tous les objets de rivalité, dans la guerre, dans la politique, dans l'administration, dans la gloire perfonnelle de leurs Souverains, dans la gloire nationale des Lettres & des Arts. Par-tout il puise dans les meilleures fources; par tout on voit les fentimens du Citoyen, les lumières du Littérateur & le talent de l'Ecrivain. Nous voudrions bien pouvoir citer ce qui regarde le règne de Louis XI. Ce morceau nous a paru le plus remarquable de tout l'Ouvrage par les vues faines & juftes qu'il préfente fur un Prince que quelques Hiftoriens ont trop excufé ou trop fait valoir, louant la fauffeté ou la diffimulation, pour affecter de la politique. On fe fouvient que M. Duclos, qui a fait une Vie de Louis XI, finit l'énumération de tous les vices qui compofent un homme détestable, par ces mots qui ont paru révol tans: C'était pourtant un Roi. Certes, c'est faire à la Royauté une cruelle injure que de la féparer de l'humanité, au point que celui qui Tome VI. C

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