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CHAPITRE XVII.

La marraine de Zapata vient à Paris. Elle admire fon filleul, croit enfuite qu'il n'est qu'un fot, & le confie à M. Glainville.

I'

IL y avoit quatre jours que j'étois ainfi affecté, lorfque Mademoiselle de Lorme, ma marraine, arrivant à Paris, vint diftraire mes idées d'amour d'une manière affez particulière. M. de l'Exergue, à qui l'on m'avoit adreffé d'abord, avoit écrit à mon parrain ce qui s'étoit paffé entre lui & moi. Ces nouvelles avoient produites dans la famille des effets différens. Mon père parut affligé du peu d'aptitude qu'on avoit mandé que je paroiffois avoir pour les fcierces: ma marraine, qui étoit rarement d'accord avec les autres, fur-tout lorfqu'ils

1. Partie.

étoient de Province, parut au contraire s'en réjouir. C'étoit malgré elle que l'on avoit voulu m'initier dans la connoiffance des chofes antiques : elle auroit préféré, disoit-elle, pour me former, ces hommes légers & brillans dont le cerveau eft un arfenal rempli de ces jolis traits avec lefquels l'efprit fait fortune dans la fociété. Ses affaires l'ayant, dans ces circonftances, amenées à Paris, fon premier foin fut de venir juger des progrès que j'avois dû faire depuis que je m'étois féparé de M. de l'Exergue, car ma marraine ne doutoit nullement que je ne me fuffe livré à quelques-unes de ces fociétéş charmantes pour lefquelles elle avoit tant d'inclination,

Mon efprit n'étoit pas affez calme lorfque Mademoiselle de Lorme vint me voir, pour qu'elle pût découvrir où j'en étois dans le monde l'impreffion que faifoit depuis quelques jours l'idée de Mademoiselle d'Or feuille, m'avoit néanmoins communiqué une forte de vivacité, qui fe manifeftoit plus dans mes yeux que dans mes difcours. Qu'il

eft charmant ! s'écria ma marraine dès qu'elle m'apperçut. .. Ce n'eft plus lui. Hâtezvous de parler, mon cher enfant, que je puiffe admirer tout ce que vous allez dire. Vous avez quitté cet antiquaire, & vous avez bien fait. On m'affure que vous êtes reçu dans de bonnes maisons. . . . . Eh bien! quels font les gens que vous voyez ? De beaux efprits à n'en pas douter : avouez qu'ils font d'une fociété délicieuse : eh ! les Poëtes, fur-tout les Poëtes! Nommez-moi donc vos connoiffances: il me tarde de vous féliciter fur toutes celles que vous avez fans doute fait.

A ces interrogations précipitées, qui m'ont toujours interdit, on fe doute bien que je ne fus trop que répondre. Je balbutiai quelques mots de M. d'Orfeuille & de fon ami Corfan, & c'en fut affez pour faire foupçonner à ma marraine, que j'étois encore ce bon Rigobert Zapata, dont la bonté défoloit ceux qui s'intéreffoient à mon fort. Elle m'engagea pour le lendemain à dîner. Je ne veux point vous donner pour commencer

une trop grande fociété, me dit-elle, je vois qu'il faut tout mefurer à vos forces. Un honnête-homme inftruit, aux foins duquel je pourrai vous confier, fera la feule compagnie que nous aurons.

Le lendemain je me rendis chez Mademoifelle de Lorme, qui m'ayant reçu affez froidement, & préfenté enfuite à M. de Glainville, dont elle m'avoit parlé, nous laiffa feuls fous prétexte de quelques affaires.

M. Glainville pouvoit avoir trente ans. Une phyfionomie intéreffante, un air honnête, ne purent néanmoins affez gagner ma confiancé, pour que je me livraffe entièrement à lui, ainfi que ma marraine avoit paru le defirer. Il avoit le regard perçant, parloit bien, mais d'un ton fi mefuré, fi froid, d'un air de politeffe qui me parat fi affecté, en un mot, lá fociété de M. d'Orfeuille étoit fi différente de celle-là que je me tins fur mes gardes, & réfolus de ne parler qu'à la dernière extrêmité.

S'appercevant que je n'étois pas difpofé à

parler le premier, M. Glainville rompit le Alence en me faifant des queftions d'un air ́ tranquille fur des chofes qu'il favoit fans doute. Je me vis obligé de lui répondre, parce qu'il n'accumuloit pas fes queftions avec vivacité, & que je n'avois d'autré parti à prendre que de parler, ou de le laiffer feul.

Êtes-vous né à Paris? me demanda-t'il avec un air que l'on auroit cru de bonnefoi.

Non, Monfieur, lui répondis-je, (peutêtre un peu brufquement,) je n'y fuis que depuis peu de temps.

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Fort bien. Vous voyez fans doute

beaucoup de monde ?

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Très-peu, Monfieur, je vous af

Très-peu ? (répéta-t'il,) vous avez

tort; la fociété forme la jeuneffe Quelles font vos occupations?

Mais je m'occupe..

rens objets.

de diffé

Voudriez-vous m'eftimer affez pour

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