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demoiselle de Lorme pût parler, elle dit en s'adreffant à fon ami; en vérité, voilà un trait qui me raccommoderoit presque avec la Province! M. d'Orfeuille, M. Corfan, F'ami Guillaume! Je veux abfolument voir cela puifque cela fe trouve à Paris. Je ne plaifante point, il faut abfolument mon filleul, que vous me préfentiez au jardinier Guillaume & à fes amis & les vô

tres.

g

Rit-on beaucoup dans votre fociété ? me demanda M. Glainville. Mais on y eft affez gai, répondis-je,& cela auroit de quoi vous étonner, fi, comme moi, vous étiez instruit des malheurs qu'ont effuyés Meffieurs d'Orfeuille & Corfan le premier fur-tout doit avoir fujet d'être le plus trifte des hommes.

Ma marraine & M. Glainville fe regardèrent alors en paroiffant fe demander ce que pouvoient être les perfonnes dontje leur parlois. Après quelques queftions que me fit encore M. Glainville, il affura ma marraine que le lendemain il lui rendroit bon compte de ces gens-là, & que fur-tout il n'oublie

roit pas l'ami Guillaume. La converfation finit, & j'en eus beaucoup de fatisfaction; je commençois à fouffrir impatiemment que des perfonnes pour qui j'avois tant de vénération, paffâffent auffi légérement fous la langue de deux originaux à qui ils étoient

inconnus.

CHAPITRE XVII.

Zapata fait une maladie. Il met fa confiance en M. Glainville.

S

Elon toutes les apparences Mademoifelle de Lorme reçut le lendemain des éclairciffemens fur M. d'Orfeuille : elle n'eut rien de plus preffé à dire en me voyant, finon que j'étois un garçon fort difcret; que dans l'énumération de mes connoiffances j'avois paffé bien légérement fur les charmes de la belle Amélie. . . . . Je rougis auffitôt; ma marraine feignant de ne pas s'en appercevoir, me fit entendre que depuis mon féjour à Paris, je n'y avois que végété; que j'avois perdu un temps précieux qui auroit pu être beaucoup mieux employé; que je m'étois confiné dans une trifte compagnie de bonnes-gens, fur le compte defquels elle favoit à quoi s'en tenir; qu'enfin elle s'étoit réfolue à me jeter dans la bonne compa

gnie dès que je ferois en état d'y paroître avec décence; que M. Glainville, qui me vouloit du bien, feroit mon introducteur dans le monde.

Peut-être n'aurois-je fu que répondre à ma marraine dans une autre circonftance, mais le chagrin que je reffentois de ne plus voir Mademoiselle d'Orfeuille, m'affectoit trop pour me laiffer la liberté de difcuter avec Mademoiselle de Lorme. Je n'ofois me hazarder chez M. d'Orfeuille, après ce que m'avoit dit fon ami Corfan; je n'ofois même fonger à revoir celui-ci. Plufieurs fois chaque jour je paffois fous les fenêtres de M. d'Orfeuille pour tâcher de le voir, ou plutôt fon aimable fille, & dès que j'y découvrois quelqu'un la frayeur me prenoit je me fauvois comme fi j'euffe eu à craindre d'être arrêté,

Ma marraine m'obfédoit continuellement, & ne me laiffant prefqu'aucun repos, je me trouvai peu à peu dans un état qui me rendit incapable d'agir & de réfléchir. Les refforts de mon individu fe dérangèrent, je

tombai malade. Je le fus même affez dangereufement pour que l'on eut quelque chofe à craindre pour mes jours.

Ma maladie n'étant caufée que par le chagrin, on fe trouva affez embarraffé pour en découvrir la caufe, car je ne m'étois ouvert à perfonne fur les inquiétudes que j'éprouvois depuis que je n'avois vu Amélie. On fit venir plufieurs Médecins qui, fans trop connoître mon mal, décidoient qu'il me tueroit infailliblement . . . . à moins que je parvins à en réchapper. Ma marraine, inconfolable de mon état, ne me quittoit plus. Mon mal la défefpéroit, difoit- elle à M. Glainville, parce que j'étois malade comme l'eft tout le monde, Elle auroit voulu que ma maladie fût d'un genre neuf. On avoit eu recours à un Médecin qui jouiffoit d'une grande réputation, mais qui s'étant apperçu du ridicule de Mademoiselle de Lorme, s'en divertit un peu, fur-tout lorfqu'il m'eut mis hors de danger. Il défoloit ma marraine par fes confolations & le fang-froid avec lequel il les donnoit. Notre

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