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s'il exiftoit un méchant fur la terre ce feroit l'homme qui auroit la cruauté de faire ccuper les bras à tous ceux qui fe préfenteroient pour lui prendre la main en figne d'amitié!, Concluez, M. Zapata, concluez, & faites l'application de ceci à qui il appartient.

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En regardant, au contraire, tous les hommes bons effentiellement, combien je me trouve à mon aife fur fa terre ! conunua. M. Bon-accord. Chaque être raisonnable que j'apperçois, je me dis, voilà à coup für un honnête-homme Je ne ren-contre que des amis quelque part que j'aille.. Nulle crainte, nulle appréhenfion : ouvert avec tout le monde, je me félicite de la fécurité que j'ai fu me procurer à force d'étude & de réflexions. . . Combien d'hommes emploient le peu de temps qu'ils ont à vivre à fe rendre malheureux par la manière fauffe dont ils envifagent les objets! Ne croyez pas au refte que je borne les excellentes qualités que j'attribue aux environné::

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mon ame feroit bien étroite fi elle n'accordoit la même chofe à tous ceux qui couvrent la terre. Vous êtes mes deux bons amis, vous, & tous ceux qui m'environnent; mais le Tartare de la Krimée, le Sybérien de Tobolsk, l'habitant de la Chine, celui qui vit au Japon, le Sauvage de l'Amérique, l'Africain, font auffi des hommes qui n'ont pas moins de droits fur mon cœur. :. O mes amis des quatre parties du monde, que ne puis-je quitter le petit cercle dans lequel je me trouve enfermé ! Que ne puis-je aller vous prouver que je ne vous crois pas moins dignes de toute ma bienveillance que mes chers compatriotes ! Quel triomphe ce feroit pour moi, que de pouvoir dire à ceux qui croient au mal : J'ai vu le monde, & je n'y ai trouvé que du bien ! J'ai embraffé les Caraïbes ! Ils ne font point antropophages, ainfi que des hommes moins bons que les autres l'ont affuré; ils ne m'ont point mis à la broche, puifque me voilà!

Après avoir encore parlé avec beaucoup

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de chaleur & d'enthoufiafme, M. Bon-accord nous congédia pour donner audience à d'autres amis qui venoient auffi le voir.

Vous me faites beaucoup de plaifir, en me venant vifiter, dit-il en nous quittant, vous & tous nos compatriotes; mais quelle monotomie! quelle uniformité! mourrai-je avant d'avoir eu la fatisfaction de voir ici raffemblés & le Chinois doux & poli, &

le belliqueux Tartare, & l'honnête Caraïbe, & le mâle & noble Africain, & l'Indien hofpitalier, & enfin tous nos amis !

Ainfi fe termina notre vifite au Philofophe Bon-accord. J'avoue, qu'en fortant de chez lui, il ne me refta aucun doute fur ce que je devois penfer des hommes. J'avois tort de croire aux méchrans, il n'en exiftoit pas; j'avois tort de fuir la fociété, il falloit la voir.

M. Glainville affecta de paroître enchanté des progrès que je faifois fous lui. Il affura ma marraine, (qui penfa en pleurer de joie) que dans trois mois je ne ferois plus reconnoiffable. On me donna

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différens maîtres, & je me ferois dès-lors cru capable de devenir un homme d'importance; mais, graces au Ciel, l'amourpropre ne m'a jamais trop ébloui fur ma

capacité.

CHAPITRE XX.

Zapata eft conduit chez un fecond Philofophe. Courte conférence. Les hommes font

L

méchans.

'Idée de Mademoiselle d'Orfeuille fe retraçant encore à mon imagination, je fouffrois d'être privé de la vue de cette aimable fille, mais je n'imaginois aucun expédient qui pût me rapprocher d'elle. Avec les fentimens que m'avoit communiqué M. Bon-accord, je trouvois même Amélie fort à plaindre, parce que peu à peu je m'accoutumois à regarder fon père & M. Corfan comme de triftes personnages qui fe donnoient pour ennemis de la mélancolie, & qui au fond étoient des hommes chagrins, frondeurs, moins bons que les autres, puifqu'ils croyoient aux méchans.

M. Glainville, à qui je fis part de mes réflexions, me dit qu'il y auroit peut-être

trop

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