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fet : voilà, dit-il, en me montrant ces fombres reftes de l'antiquité, ce qui doit exciter votre admiration. Regardez ces monumens; la conftruction n'en eft pas élégante; ils ne paroiffent même frapper que par leur maffe. Mais Céfar les fit

bâtir! Céfar, qui vivoit cent ans avant notre ère ! Je fus conduit enfuite dans la rue de la Harpe, où je devois voir le Palais des Termes qu'avoit occupé Julien. Nous entrâ→ mes dans une affez vilaine maifon qui a pour enfeigne la Croix de Fer; lorfque nous fûmes parvenus au fond, nous vìmes une écurie très-vafte, & mon guide me la préfenta comme l'appartement de plaisance de F'Empereur Julien.

Je ne pus m'empêcher de rire de l'importance que M. de l'Exergue mettoit dans les fervices qu'il croyoit me rendre, en me procurant beaucoup d'ennui. Je réfolus de le quitter; & pour y parvenir, j'admirai moins que jamais les tréfors qu'il étaloit à mes yeux. H s'apperçut enfin du peu de goût que j'avois pour les antiques; dès qu'il eut fait cente

remarque, l'entrée de fon cabinet me fut interdite fa familiarité fe changea en poli teffe mefurée, & enfuite fi peu accueillantes que je crus devoir rompre avec le fcrutateur des anciens monumens.

En prenant congé de. M. de l'Exergue je le remerciai des efforts qu'il avoit bien voulu faire pour m'infpirer le goût qui le dominoit, mais je lui avouai que ce genre d'étude ne pouvoit s'allier avec les vues de mon père en m'envoyant à Paris, & que je le priois de m'excufer fi je ne profitois plus long-temps de la bonne volonté qu'il avoit pour moi.

Dès que j'eus quitté mon favant, le pays que j'habitois me parut fous un afpe&t enchanteur : la maison où je fus prendre un logement étoit gaie & bien expofée, & j'en reffentis d'autant plus de plaifir que celle que je quittois n'avoit rien qui en approchât. Avec fa manie, pour les antiques, M. de l'Exergue avoit rempli fa maifon de mille bagatelles, fans doute précieufes pour lui, mais qui n'étoient que ridicules pour les

autres. La diftribution de fes appartemens, les meubles qui les décoroient, fa table, & les vafes qui y paroiffoient tout cela avoit été conftruit après ce qui nous refte de l'am tiquité; enfin, un bonnet de nuit, des pan toufles, avoient chez cet homme fingulier, une forme différente de ce que l'on con noît par-tout fous cette dénomination.

CHAPITRE IX.

Rigobert va au Spectacle. Rencontre qu'il y fait.

N affure que les hommes dont le génie eft très-borné, s'ennuient dès qu'ils fe trouvent feuls. Je crois que ceux qui foutiennent cette opinion ne fe trompent pas. Je m'ennuyai bientôt de ne favoir à qui parler dans un pays où, à chaque pas, on rencontre des grouppes qui differtent avec tant de vivacité que l'on pourroit croire que ceux qui les compofent font menacés de perdre la parole à chaque inftant.

Je cherchois à lier converfation avec un homme qui occupoit un appartement voifin du mien, & qui n'étoit pas fort communicatif, car il paroiffoit auffi peu difpofé à caufer que j'en avois une forte envie. J'ai su depuis que c'étoit un homme de génie, & je ne fus plus auffi furpris de fon filence;

j'avois appris en Angleterre que les grands hommes ne fe lient pas facilement. Quoiqu'il en foit, cet homme ayant deviné que je m'ennuyois, (que ne fait pas le génie !) un jour que je voulois abfolument caufer avec lui, il me confeilla laconiquement d'aller aux fpectacles, où je trouverois l'antidote de la mélancolie. Je profitai de fes confeils, & dès le même jour je fus aux Italiens, qu'il m'avoit particulièrement recommandés.

Je m'amufai beaucoup à ce fpectacle. Je n'entendois pas tous les Acteurs, mais le petit nombre de ceux qui parloient françois, me firent un plaifir infini. Si quelque chofe avoit pu l'affoiblir, c'auroit été le peu de fpectateurs qui fuivoient la Comédie ce jourlà, mais j'y fis affez peu d'attention, & je me livrai à la gaieté avec d'autant plus de motifs, que jufques-là je n'avois encore rien vû qui m'en eut autant communiqué. Je fortis de la falle en formant la réfolution de ne point négliger le Spectacle, puifqu'il me caufoit tant de fatisfaction.

Je ne manquai pas le lendemain de re

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