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dira, repréfentai-je à mon hôte. ..., Tant: mieux, morbleu, tant mieux, répondit-il, s'il fait des fottifes, on en accufera le vin fon cœur..

& non pas

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L'éloge que M. Corfan faifoit du vin me furprit affez pour croire que fon deffein. étoit de m'enivrer, & je ne fus détrompé que lorfqu'il annonça que nous ne boirions pas davantage. J'aime une gaieté honnête dit-il, mais je fuis ennemi de la débauche. Allons faire un tour de jardin & nous nous rendrons à la Comédie. Vous, dit-il, s'a-dreffant à moi, je vous attends demain à déjeûner, n'y manquez pas. M. d'Orfeuille · fera ce qu'il jugera à propos, mais nous nous retenons à dìner chez lui.

Nous fumes à la Comédie, où j'eus beau-coup de plaifir. Les naïvetés touchantes d'Arlequin affectèrent ma fenfibilité. M. d'Orfeuille, qui s'en apperçut, me dit qu'il étoit: content de me voir attendri à cette pièce, parce que ce n'étoit pas la douleur qui occafionnoit les larmes dans cette circonftance, mais une fenfation bien différente. Oui

ajouta M. Corfan, pleurez jeune-homme; pleurez fi vous en avez envie. Je ne pleure pas & je n'en fuis pas moins affecté. Il fut un temps où je n'aurois pu voir cette pièce fans m'évanouir; aujourd'hui j'ai le cœur plus ferme, mais il n'en eft pas moins bon.

Le fpectacle fini nous nous féparâmes. Je ne pu fermer l'oeil de la nuit, tant j'avois d'impatience de rejoindre M. d'Orfeuille & d'apprendre la fuite de fon hiftoire. Elle me devenoit fur-tout intéreffante depuis que je fentois non inclination naître pour la belle Amélie. Son image étoit continuellement préfente à mes yeux, & tel effort que je fiffe pour en diftraire mon imagination, je ne m'apperçus que trop des progrès qu'à la première vue elle avoit fait dans mon cœur.

*

CHAPITRE XIV.

Rigobert déjeúne chez M. Cor-fan. Il dine chez M, d'Orfeuille.

M

Onfieur Corfan n'attendit pas beau

coup j'arrivai de bonne heure chez: lui, & je le trouvai qui s'occupoit de la: culture de fon jardin. Allons déjeûner, me dit-il, dès que je l'eus falué : vous avez fait du chemin, (il demeuroit hors la ville) j'ai travaillé depuis quelque temps, & nous fom-mes dignes de manger..

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Nous entrâmes dans des détails fur la

pièce que nous avions vu la veille, & mes naïvetés firent encore rire M. Corfan. II appella fon jardinier pour me faire com- · pagnie, & me le préfenta, en difant: voilà un philofophe avec qui nous boirons: c'eft: un brave homme, & lorfque vous aurez fait fa connoiffance, vous m'en direz votre fen

timent..

Notre déjeûné fut-très-gai : le jardinier Guillaume étoit effectivement homme de bon fens, très-fatisfait de fon état, l'homme du monde le plus capable de bannir la mé-lancolie.

Tandis que M. Corfan fut s'habiller, je m'entretins avec maître Guillaume fur le bonheur dont il paroiffoit jouir: je lui demandai. s'il avoit vu Arlequin ? S'il connoiffoit M. d'Orfeuille ? Il s'apperçut aifément que j'étois fans malice, & répondit à mes queftions avec une bonté qui m'encouragea à lui en faire d'autres. Je lui demandai, d'un ton que je m'efforçois de rendre indifférent, s'il connoiffoit la belle Amélie? Oui, répondit-il, c'eft bien la plus aimable fille............ Penfe-t'on à la marier? demandai-je en tremblant. Mais, dit Guillaume, en me fi-· xant, vous n'êtes donc pas de nos amis; il n'y a rien de caché parmi nous ; fi vous avez · vu M. d'Orfeuille, il vous a fans doute dit ce qu'il vouloit faire de fa fille, & dans ce cas, pourquoi me le demander? S'il ne vous l'a pas appris, je dois en faire de même. Au

refte, ajouta-t'il, ne vous cachez pas, je fuis: le meilleur homme du monde, mais je ne fuis pas content lorfque je m'imagine que Lon me prend pour un bavard. Cette leçon de franchise me donna un peu de confufion, & mit des bornes à l'envie que j'avois d'avoir plus particuliérement des détails fur la famille de M. d'Orfeuille. Guillaume me quittta en voyant revenir fon maître, ou plutôt fon camarade, car ils vivoient enfem-ble dans la plus-intime familiarité.

Dès que M. Corfan fut difpofé à fortir, nous prîmes le chemin du boulevard pour nous rendre chez fon ami.

Notre converfation roula principalement fur fon jardinier. C'eft un homme, me difoit-il, à qui j'ai les plus grandes obligations... Vous faurez tout cela bientôt; nous fommes attachés l'un à l'autre par l'amitié. J'ai peu d'amis dans le monde, & it ne m'importe guère d'y en avoir beaucoup, mais fi je rentre chez moi, je fuis fûr d'en trouver un véritable. Il n'eft pas feulement le mien, mais il est encore celui de tous les

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