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voit être qu'inutile, ne fongérent plus à fe défendre. Ils fe livrérent à toute la douleur que l'idée de l'esclavage peut caufer à des hommes libres; & le Maître craignant qu'un plus long retardement n'irritât des vainqueurs barbares, ôta la banderolle de la poupe, fejetta dans l'efquif avec quelques-uns de fes Matelots, & alla fe rendre au : Corfaire d'Alger.

Ce Pirate envoia une partie de fes foldats vifiter le bâtiment Efpagnol, c'est-à-dire piller tout ce qu'il y avoit dedans. Le Corfaire de Thunis de fon côté donna le même ordre à quelques-uns de fes gens; deforte que tous les paffagers de ce malheureux navire furent en un inftant defarmez & foüillez, & on les fit paffer enfuite dans le vaiffeau Algérien, où les deux Pirates en firent un partage qui fut réglé par le fort.

C'eut été du moins une con

folation pour, Mendoce, & pour fon ami de tomber tous deux au pouvoir du même Corfaire. Ils auroient trouvé leurs chaînes moins pefantes, s'ils avoient pû les porter enfemble; mais la fortune qui vouloit leur faire éprouver toute fa rigueur, foumit Don Fadrique au Corfaire de Thunis & Don Juan à celui d'Alger. Peignez-vous le defefpoir de ces amis, quand il leur fallut fe quitter. Ils fe jettérent aux pieds des Pirates, pour les conjurer de ne les point féparer. Mais ces Corfaires dont la barbarie étoit à l'é preuve des fpectacles les plus touchans, ne fe laifférent point fléchir. Au contraire, jugeant que: ces deux Captifs étoient des per fonnes confidérables, & qu'ils pourroient paier une groffe ranils réfolurent de les parta

qon,

ger. Mendoce & Zarate voiant qu'ils

avoient affaire à des cœurs impi toiables, fe regardoient l'un l'au tre, & s'exprimoient par leurs regards l'excès de leur affliction. Mais lorsque l'on eut achevé le partage du butin, & que le Pirate de Tunis voulut regagner fon bord avec les Efclaves qui lui étoient échus, ces deux amis penférent expirer de douleur.Mendoce s'aprocha du Tolédan,& le ferrant entre fes bras: Il faut donc, lui dit-il, que nous nous léprions Quelle affreufe neceffité! Ce n'eft pas affez que l'audace d'un raviffeur demeure impunie: on nous défend même d'unir nos plaintes & nos regrets. Ah! Don Juan, qu'avons nous fait au Ciel, pour éprouver fi cruellement fa colere? Ne cherchez point ailleurs la cause de nos difgraces, répondit Don Juan; il ne les faut imputer qu'à moi. La mort des deux perfonnes que je me fuis im

molées,

quoi-qu'excufable aux yeux des hommes, aura fans doute irrité le Ciel, qui vous punit auffi d'avoir pris de l'amitié pour un miférable que pourfuit fa Ju

ftice.

En parlant ainsi, ils répandoient tous deux des larmes fi abondamment, & foûpiroient avec tant de violence, que les autres efclaves n'en étoient pas moins. touchez que de leur propre infor tune. Mais les foldats de Thunis encore plus barbares que leur Maître,remarquant que Mendoce tardoit à fortir du vaiffeau, l'arracherent brutalement des bras du Tolédan & l'entraînérent avec eux en le chargeant de coups. Adieu, cher ami, s'écria-t-il, je ne vous reverrai plus. Doña Théodora n'eft point vengée: Les maux que ces cruels m'aprêtent feront les moindres peines de mon efclavage.

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Don Juan ne pût répondre à ces paroles. Le traitement qu'il voioit faire à fon ami, lui caufa un faififfement qui lui ôta l'usage de la voix. Comme l'ordre de cette hiftoire demande que nous fuivions le Tolédan, nous laifferons Don Fadrique dans le navire de Thunis.

Le Corfaire d'Alger retourna vers fon port, où étant arrivé, il mena fes nouveaux esclaves chez le Bacha, & delà au marché fù l'on a coûtume de les vendre. Un Officier du Dey Mezomorto acheta Don Juan pour fon Maître chez qui l'on emploia ce nouvel efclave à travailler dans les Jardins du Haram.* Cette occupation, quoi-que pénible pour un Gentilhomme, ne laiffa pas de lui être agréable, à cause de la foli

C'est le nom que l'on donne à tous les Sérails des particuliers. If n'y a que le Sérail du Grand Seigneur qui foit apellé Sérail,

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