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pour s'aprocher de l'efquif qui les atrendoit,lorfqu'un homme qu'ils. prirent pour un compagnon de leur fuite, & dont ils n'avoient aucune défiance, vint tout droit à Don Juan l'épée nuë, & la lui en fonçant dans le fein: Perfide Alvaro Ponce, s'écria-t-il, c'eft ain, fi que Don Fadrique de Mendoce doit punir un lâche raviffeur. Tú ne mérites point que je t'atta-, que en brave homme.

Tolédan ne put résister à la force du coup qui le porta par terre &en.même-tems Doña Théodora qu'il foûtenoit, faifie à la fois d'étonnement, de douleur & d'éfroi, tomba évanouie d'un autre côté. Ah! Mendoce,dit Don Juan,qu'avez-vous fait ? C'est votre ami que vous venez de percer: Jufte Ciel, reprit Don Fadrique, feroit, il bien poffible que j'eusse assassiné...... vous pardonne ma mort, rompit Zarate. Le deftin feul en

Je,

inter

eft coupable, ou plûtôt il a voulu par-là finir nos malheurs. Oui, mon cher Mendoce, je meurs content, puifque je remets entre vos mains Doña Théodora qui peut vous affurer que mon amitié. pour vous ne s'eft jamais démentie...

Trop généreux Ami, dit Don Fadrique, emporté par un mouvement de defefpoir, vous ne mour. rez pas feul. Le même fer qui vous a frapé va punir vôtre affaffin. Si mon erreur peut faire excufer mon crime, elle ne fçauroit m'en confoler. A ces mots, il tourna› la pointe de fon épée contre fon eftomac, la plongea jufqu'à la gar de & tomba fur le corps de Don Juan, qui s'évanouit, moins affoibli par le fang qu'il perdoit, que furpris de la fureur de fon ami.

Francifque & le Renegat qui étoient à dix pas delà, & qui a-r

voient eu leurs raifons pour n'aller pas fecourir l'Efclave Alvaro, furent fort étonnez d'entendre les. dernieres paroles de Don Fadrique & de voir fa derniere action.. Ils connurent qu'il s'étoit mépris, & que les bleffez étoient deux amis & non de mortels ennemis, comme ils l'avoient crû. Alors ils s'emprefférent à les fecourir, mais les trouvant fans fentiment, auffi-bien que Theodora, qui étoit toûjours évanouie, ils ne fçavoient quel parti prendre. Francifque étoit d'avis que l'on fe contentât d'emporter la Dame, & qu'on laiffât les Cavaliers fur le rivage, où selon toutesles aparences, ils mourroient bien-tôt,s'ils n'étoient déla morts: le Renegat ne fur pas de cette opinion, il dit qu'il ne falloit point abandonner les bleffez, dont les bleffures n'étoient peut-être mortelles, & qu'il les penferoit dans fon vaiffeau où il avoit tous

pas

les inftrumens de fon premier métier, qu'il n'avoit point oublié: Francifque fe rendit à ce fenti

ment.

Comme ils n'ignoroient pas de quelle importance il étoit de fe hâter, le Renegat & le Navarrois à l'aide de quelques Efclaves, portérent dans l'efquif la malheureuse veuve de Cifuentes avec fes deux Amans encore plus infortunez qu'elle. Ils joignirent en peu de momens leur vaiffeau, où d'abord qu'ils furent tous entrez, les uns tendirent les voiles, pendant que les autres à genoux fur le tillac imploroient la faveur du Ciel les plus ferventes prieres que leur pouvoit fuggerer la crainte d'être pourfuivis par les navires de Me

zomorto..

par

Pour le Renegat, après avoir chargé du foin de la manoeuvre un Efclave François qui l'entendois parfaitement, il donna fa premie

Ferre attention à Doña Théodora. Il lui rendit l'ufage de fes fens & fit fi bien par ses remedes , que Don Fadrique & le Tolédan reprirent auffi leurs efprits. La veuve de Cifuentes qui s'étoit évanouie lorf qu'elle avoit vû fraper Don Juan, fut fort étonnée de trouver-là Mendoce. Et quoiqu'à le voir elle jugeât bien qu'il s'étoit bleffé lui-même de douleur d'avoir percéfon Ami, elle ne pouvoit le re garder que comme l'affaffin d'un homme qu'elle aimoit..

C'étoit la chofe du monde la plus touchante, que de voir ces trois perfonnes revenues à ellesmêmes. L'état d'où l'on venoit de les tirer, quoique femblable à la mort, n'étoit pas fi digne de pitié. Doña Théodora envilageoit Don Juan avec des yeux où étoient peints tous les mouvemens d'une ame que poffedent la douleur & le defefpoir. Et les deux amis at

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