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vant ces paroles, il prit par la main Don Cléofas, & fendit avec lui les airs du côté de la Merci.

CHAPITRE VIII
Des Captifs.

I

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Ls s'arrêtérent tous deux fur une maison voifine de ce Monaftere, à la porte duquel il y avoit un grand concours de perfonnes de l'un & de l'autre lexe. Que de monde, dit Léandro Perez: quelle cérémonie affemble ici tout ce peuple? c'eft, répondit le Démon, une cérémonie que vous n'avez jamais vûë, quoiqu'elle fe faffe à Madrid de tems en tems. Trois cens efclaves, tous fujets du Roi d'Espagne, vont arriver dans un moment. Ils reviennent d'Alger, où les Peres de la Redemption les ont été racheter. Toutes

les

Les rues par où ils doivent pafler, vont fe remplir de fpectateurs.

Il eft vrai, repliqua Zambullo, que je n'ai pas été jusqu'ici fort curieux de voir un femblable fpectacle; & fi c'est-là celui que vôtre Seigneurie me réserve, je vous dirai franchement que vous ne de. viez pas tant m'en faire fête. Je vous connois trop bien, repartit le Diable, pour ignorer que ce n'eft pas pour vous un agréable paffe-tems que d'obferver des miferables. Mais quand vous fçaurez qu'en vous les faisant confiderer, j'ai deffein de vous révéler les particularitez remarquables qu'il y a dans la captivité des uns, & les embaras où vont le trouver quelques autres à leur retour chez eux, je fuis perfuadé que vous ne ferez pas fâché que je vous donne ce divertiffement. Oh! pour cela non, reprit l'Ecolier. Ce que vous diteslà change la théfe, & vous me fe

Tome 11.

L

rez un vrai plaifir de tenir vôtre promeffe.

Pendant qu'ils s'entretenoient de cette forte, ils entendirent tout-à-coup de grands cris que pouffa la populace à la vûë des Captifs, qui marchoient en cet ordre: ils alloient à pied deux à deux, fous leurs habits d'Efclaves & chacun aiant fa chaîne fur fes épaules. Un affez grand nombre de Religieux de la Merci, qui avoient été au-devant d'eux, les précedoient, montez fur des mules caparaçonnées d'étamine noire, comme s'ils euffent mené un deuil, & un de ces bons Peres portoit l'Etendart de la Rédemption. Les plus jeunes Captifs étoient à la tête, les vieux les fuivoient derriere ceux-ci paroiffoit fur un petit cheval un Religieux du même Ordre que les premiers, lequel avoit tout l'air d'un Prophête. Auffi étoit-ce le chef de la Mif

&

fion. Il s'attiroit les yeux des Af fiftans par fa gravité, ainfi que par une longue barbe grife qui le rendoit vénérable. Et on lifoit fur le vifage de ce Moïse Espagnol la joie inexprimable qu'il reffentoit de ramener tant de Chrétiens dans leur Patrie.

Ces Captifs, dit le Boiteux, ne font pas tous également ravis d'avoir recouvré la liberté. S'il y en a qui fe réjouiffent d'être fur le

point de revoir leurs parens, , il en

eft d'autres qui craignent d'aprendre que pendant leur abfcence il ne foit arrivé dans leurs familles des événemens plus cruels pour eux que l'esclavage.

Par exemple, les deux qui marchent les premiers font dans le dernier cas. L'un natif de la petite ville de Velilla en Aragon, aprés avoir été dix ans dans la fervitude des Turcs, fans recevoir aucunes nouvelles de fa femme,

va la retrouver mariée en fecondes nôces & Mere de cinq Enfans qui ne font pas de fon bail. L'au

tre, fils d'un Marchand de laine de Ségovie, fut enlevé par un Corfaire, il y a prés de quatre luftres. Il aprehende que depuis tant d'années fa famille n'ait changé de face, & fa crainte n'eft pas fans fondement: fon pere & fa mere sont morts, & fes freres qui ont partagé tout le bien, l'ont diffipé par leur mauvaise conduite.

J'envifage avec attention un Efclave, dit l'Ecolier, & je juge à fon air qu'il eft charmé de n'être plus expofé à la baftonnade. Le Captif que vous regardez, ré. pondit le Diable, a grand fujet d'être joieux de fa délivrance. Il fçait qu'une Tante, dont il eft unique héritier, vient de mourir, & qu'il va jouir d'une fortune brillante. Cela l'occupe bien agréablement & lui donne cet air de

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