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après l'autre. Alors le Boiteux en commença le recit dans ces termes, après avoir transporté l'Ecolier für une des plus hautes maifons de la ruë d'Alcala.

CHAPITRE II
La force de l'amitié.

HISTOIRE.

UN jeune

N jeune Cavalier de Toléde fuivi de fon Valet de chambre, s'éloignoit à grandės journées du lieu de fa naiffance, pour éviter les fuites d'une tragique avanture. Il étoit à deux pe. tites lieuës de la Ville de Valence, lorfqu'à l'entrée d'un bois il rencontra une Dame, qui décendoit d'un caroffe avec précipitation. Aucun voile ne couvroit fon vifage, qui étoit d'une éclatante beau

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té, & cette charmante perfonne paroiffoit fi troublée, que le Cavalier jugeant qu'elle avoit befoin de fecours, ne manqua pas de lui offrir celui de fa valeur.

Généreux inconnu, lui dit la Dame, je ne refuferai point l'offre que vous me faites. Il femble que le Ciel vous ait envoié ici pour détourner le malheur que je crains. Deux Cavaliers fe font donné rendez-vous dans ce bois, je viens de les y voir entrer tout à l'heure. Ils vont fe battre. Suivez-moi, s'il vous plaît venez m'aider à les féparer. Enachevant ces mots, elle s'avança dans le bois ; & le Tolédan, après avoir laiffé fon cheval à fon Valet, fe hâta de la joindre.

A peine eurent-ils fait cent pas, qu'ils entendirent un bruit d'épées, & bien-tôt ils découvrirent entre les arbres deux hommes qui fe battoient avec fureur,

Le Tolédan courut à eux pour les féparer, & en étant venu à bout par ses prieres & par fes efforts, il leur demanda le fujet de leur different.

Brave inconnu, lui dit un des deux Cavaliers, je m'apelle Don Fabrique de Mendoce, & mon ennemi se nomme Don Alvaro Ponce. Nous aimons Doña Théodora, cette Dame que vous accompagnez. Elle a toûjours fait peu d'attention à nos foins, & quelques galanteries que nous aions pû imaginer pour lui plaire, la cruelle ne nous en a pas mieux traitez. Pour moi, j'avois deffein de continuer à la fervir malgré fon indifférence, mais mon Rival au lieu de prendre le même parti, s'eft avifé de me fai re un apel.

Il est vrai, interrompit Don Alvar, que j'ai jugé à propos d'en ufer ainfi. Je crois que fi je n'avois

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point de Rival, Doña Théodora pourroit m'écouter. Je veux donc tâcher d'ôter la vie à Don

Fadrique, pour me défaire d'un homme qui s'opofe à mon bonheur.

Seigneur Cavalier, dit alors le Toledan, je n'aprouve point vôtre combat. I offenfe Doña Théodora. On fçaura bien-tôt dans le Roïaume de Valence que vous vous ferez battus pour elle. L'honneur de vôtre Dame vous doit être plus cher que vôtre repos & que vos vies. D'ailleurs quel fruit le Vainqueur peut-il at tendre de fa victoire ? Après avoir exposé la réputation de fa Ma treffe, penfe-t'il qu'elle le verra d'un œil plus favorable? Quel aveuglement Croiez-moi, faites plûtôt fur vous l'un & l'autre un effort plus digne des noms que vous portez. Rendez-vous Maî tres de yos tranfports furieux, &

par un ferment inviolable engagez-vous tous deux à foufcrire à l'accommodement que j'ai à vous propofer. Vôtre querelle peut fe terminer fans qu'il en coûte du fang.

Eh: de quelle maniere, s'écria Don Alvar? Il faut que cete Dame fe déclare, repliqua le Tolédan; qu'elle faffe choix de Don Fadrique ou de vous. & que l'Amant facrifié loin de s'armer contre fon Rival, lui laiffe le champ libre. J'y tonsens, dit Don Alvar, & j'en jure par tout ce qu'il y a de plus facré, que Doña Theodora fe dé- termine; qu'elle me préfére, fielle veut, mon Rival, cette préférence me fera moins infuportable que l'affreufe incertitude où je fuis. Et moi, dit à son tour Don Fadrique, j'en attefte le Ciel Si ce divin objet que j'adore ne prononce -point en ma faveur, je vais m'éloigner de fes charmes, & fi je ne

!

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