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Doña Théodora s'abandonnoit à fa tendreffe dans fon Château de Villareal fitué près de la mer. Elle penfoit fans ceffe à Don Juan, & ne pouvoit perdre l'efperance de l'époufer, quoiqu'elle ne dût pas s'y attendre, après les fenti. mens d'amitié qu'il avoit fait éclater pour Don Fadrique.

Un jour après le coucher du Soleil, comme elle prenoit fur le bord de la mer le plaifir de la promenade avec une de fes femmes, elle aperçut une petite claloupe qui venoit gagner le rivage. Il lui fembla d'abord qu'il y avoit dedans fept à huit hommes de fort mauvaise mine; mais après les avoir vûs de plus près, & confiderez avec plus d'attention, elle jugea qu'elle avoit pris des maf ques pour des vifages. En effet, c'étoient des gens mafquez & tous armez d'épées & de bayonnettes.

Elle fremit à leur afpect, & ne

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tirant pas un bon augure de la décente qu'ils fe préparoient à faire, elle tourna brufquement fes pas vers le Château. Elle regardoit de tems en tems derriere elle pour les obferver, & remarquant qu'ils avoient pris terre, & qu'ils commençoient à la poursuivre, elle se mit à courir de toute fa force ; Mais comme elle ne couroit pas fi bien qu'Athalante, & que les Mafques étoient legers & vigoureux, ils la joignirent à la porte du Château & l'arrêtérent.

La Dame & la fille qui l'accompagnoit poufférent de grands cris qui attirérent auffi-tôt quelques Domeftiques, & ceux-ci donnant l'allarme au Château, tous les Valets de Doña Théodora accoururent bien-tôt armez de fourches & de bâtons. Cependant deux hommes des plus robuftes de la troupe mafquée, après avoir pris entre leurs bras la Maîtreffe

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& lá fuivante, les emportoient vers la chaloupe malgré leur ré. fiftance, pendant que les autres faifoient tête aux gens du Château qui commencérent à les preffer vivement. Le combat fut long a mais enfin les hommes maf quez exécutérent heureufement leur entreprise, & regagnérent leur chaloupe en fe battant en retraite. Il étoit tems qu'ils fe retiraffent; car ils n'étoient pas encore tous embarquez, qu'tis vi rent paroître du côté de Valence quatre ou cinq Cavaliers qui piquoient à outrance & fembloient vouloir venir au fecours de Théodora. A cette vûë, les Raviffeurs se hâtérent fi bien de prendre le large, que l'empreffement des Ca valiers fut inutile.

Ces Cavaliers étoient Don Fa drique & Don Juan. Le premier avoit reçû ce jour-là une lettre par laquelle on lui mandoit que Pon

avoit apris de bonne part qu'Alvaro Ponce étoit dans l'Ile de Majorque qu'il avoit équipé une efpece de Tartane, & qu'avec une vingtaine de gens qui n'avoient rien à perdre, il fe propofoit d'enlever la veuve de Cifuentes, la premiere fois qu'elle feroit dans fon Château. Sur cet avis le Toledan & lui, avec leurs Valets de chambre, étoient partis de Valen ce fur le champ, pour venir apprendre cet attentat à Doña Théodora. Ils avoient découvert de loin fur le bord de la mer un affez grand nombre de perfonnes qui paroiffoient combattre les uns contre les autres, & foupçonnant que ce pouvoit être ce qu'ils craignoient, ils pouffoient leurs chevaux à toute bride pour s'opofer au projet de Don Alvar. Mais quelque diligence qu'ils puffent faire, ils n'arrivérent que pour être témoins de l'enlevement qu'ils vouloient prévenir.

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Pendant ce tems-là, Alvaro Ponce, fier du fuccès de fon audace, s'éloignoit de la côte avec fa proie, & fa chaloupe alloit joindre un petit vaiffeau armé qui l'attendoit en pleine mer. Il n'est pas poffible de fentir une plus vive douleur que celle qu'eurent Mendoce & Don Juan. Ils firent mille imprécations contre Don Alvar, & remplirent l'air de plaintes auffi pitoiables que vaines. Tous les Domeftiques de Théodora animez par un fi bel exemple, n'épargnérent point les lamentations. Tout le rivage retentiffoit de cris. La fureur, le defefpoir, la defolation régnojɛ fur ces triftes bords. Le raviflement d'Helene ne caufa point dans la Cour de Sparte une fi grande confternation.

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