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linde eft un des plus beaux qui existent. Mais nos gens ont été bien attrapés quand on leur a dit que celui d'Ifmène était de quinze ans plus ancien. Ils fe font trouvés avoir fait un éloge malgré eux.

Le fait eft que les deux Duos ne fe reffemblent point, fi ce n'est le premier vers qui finit dans l'un & dans l'autre par la même rime :

J'excufe ton jeune courage.

Ranime ton faible courage.

Si ce n'est encore qu'ils font chantés tous deux par une haute-contre & une basse taille, qu'il y a dans l'un & dans l'autre un accord de feconde, & que tous deux finiffent le premier Acte. Mais ils ne font ni de la même mesure, ni dans le même ton, ni de la même modulation, l'un est majeur & l'autre mineur, & ni l'un ni l'autre de ces Auteurs n'a inventé l'ac cord de feconde qui appartient à tout le monde.

Au fecond Acte, le Théâtre représente des bois confacrés à Diane, fous le titre de Déeffe de l'Indifférence. On voit dans le fond le Tem ple de cette Déeffe. La Prêtreffe ouvre la Scène avec le Chœur par une hymne à l'Indifférence, dont la Mufique peint délicieusement le calme,

la férénité des paroles. Ifmène paraît; elle implore le fecours de la Princesse, & la prie de rétablir la paix dans fon cœur, & d'en bannir l'amour, puisque cet amour ne faurait étre heureux. Elles entrent toutes dans le Temple, pour obtenir les faveurs de la Déefle par un facrifice. Ilménias parait; il a la méme intention que fon Amante. Il appelle à lui fa raifon dans une Arierte de mouvement fort belle. Il s'approche de la porte du Temple, où il veut entrer; elle s'ouvre, & Ifmène paraît à fes regards, auprés de l'Autel, environnée des Pretrelles qui tiennent le voile qu'elles lui deftinent, & prote à prononcer les vieux. Sa furprife eft extreme, celle d'Ilmène n'eft pas moins grande, & tandis qu'ils expriment, & veulent cacher leur embarras, un très-beau Cheur leur promet contre l'amour le fecours qu'ils attendent. La Pretreffe, pour guérir leur paflion, évoque les ombres des Amans malheureux, qu'elle invite à exprimer à leurs yeux les malheurs de l'amour. C'est le fujet du Ballet fuivant, de ce Ballet fi fameux qui réunit tous les fuftrages.

Le Théâtre change; il reprélente une place publique de la Ville de Corinthe. On voit d'un cuté le l'alais de Créon. Les efforts que Jafon

cente pour être fidèle à fes premiers fermens la tendresse de Créüfe qui triomphe de tous fes efforts, la jalousie & les fureurs de Médée font les premiers objets de ce tableau. Jason, longtemps incertain, accepte enfin le Thrône de Corinthe, qu'on vient de lui offrir, & la main de Créüfe; il répudie Médéc, qui fe retire en entraînant ses enfans qu'elle avait amenés, pour essayer de fléchir fon époux. La Magicienne, livrée à toute fa douleur, a recours aux reffources de fon art. Elle évoque les Enfers. Le Théâtre change encore, il représente un antre affreux. La Jaloufie vient animer Médée; elle frémit. Le Désespoir s'empare d'elle, la livre à la Vengeance, & ces trois Divinités infernales lui offrent le feu, le fer & le poifon. La Magicienne répand fur un préfent qu'elle veut offrir à fa rivale, les venins les plus fubtils, & arra che des mains de la Vengeance un poignard qu'elle deftine à couronner fes crimes.

L'antre difparaît, & fait place à la même enceinte qu'on voyait auparavant. Elle eft remplie de tout le Peuple de Corinthe, qui se rassemble pour célébrer l'hymen de Jafon & de Créüse. Médée, qui paraît étouffer fon dépit, & pardonner à Jafon fon infidélité, vient elle-même

orner

orner fa rivale du fatal préfent qu'elle lui deftinait. L'instant où Créiife reçoit la coupe nuptialc, eft l'inftant marqué par la Magicienne, pour faire éclater fa vengeance. Créüse, agitée, fent le poifon couler dans fes veines. Médée, fur un char traîné par des dragons, vient se repaire du plaifir de voir expirer fa rivale égorge fes enfans aux yeux de Jafon, & lui jette le poignard dont elle s'eft fervie. Le Délespoir & fa fuite s'emparent de ce malheureux Prince tandis que les Miniftres des fureurs de la Magicienne enflamment & détruifent le Palais de Créon. La fin de cette Pantomime eft accompa gnée d'un Chour lugubre & en fourdine qui produit le plus terrible effet.

Les gens qui rougiraient d'être fenfibles à quelque chofe, d'étre tranfportés par des beautés nouvelles, n'ont pas manqué d'etre plaifans, & de dire que ce Choeur était le De profundis de Créüfe. On les a laiffé rire de leur idée & les gens raisonnables ont applaudi à cet effai, parce qu'ils l'ont trouvé aufli bien rendu que bien fenti. Revenons à la Pantomime, & rendons à M. Veftris, fon Auteur, une gloire qu'on a vai nement prétendu lui arracher.

On a exécuté, à la Cour de Wirtemberg, un
Jan: ier 1771.

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Ballet de M. Noverre, avec le même titre & fur le même fujet que celui-ci. On en devait conclurre que M. Noverre & M. Veftris, tous deux très habiles dans leur art, avaient vu dans ce fujet des beautés dont ils avaient voulu tirer parti. Il ne fallait pas dire que ces deux Ballets. font le meme, parce qu'ils ne fe reffemblent pas plus que l'Athalie de Racine ne ressemble à celle de Métaftafe. Lorfque cet Opéra fut repréfenté à Choify devant le Roi il y a sept ans, y avait un autre Ballet & d'autre Mufique. M. Veftris a fait depuis le Ballet, tel qu'il est aujourd'hui, & l'Auteur avec lequel il a travaillé en a fait cette Mufique, fi pleine de feu & de beautés pittoresques fur la Pantomime faite.

il

Rien d'auffi fublime que l'exécution de ce Ballet. M. Veftris, qui rempliffait le róle de Jafon, & qui danfe ordinairement fous le mafque, a donné, pour la premiere fois, les plus grandes idées de fon talent pour la Pantomime. Tous les fentimens, qui devaient l'agiter, étaient autant exprimées fur fon vifage que dans fes geftes, fans que jamais aucun caractère en défigurât la nobleffe & la beauté. Mademoiselle Allard a donné le plus grand caractère au Perfonnage de Médée. Son action, extrêmement déci

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